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ICEA

Institut de coopération pour l'éducation des adultes

Conciliation famille-travail-études : un enjeu sociétal qui requiert des solutions collectives

Favoriser la conciliation famille-travail-études

Conciliation famille-travail-étudesPour l’ICÉA, il est fondamental de favoriser la conciliation famille-travail-études puisque les difficultés entourant cette conciliation ont des impacts sur la participation des adultes à des activités d’apprentissage et de formation, de même que sur la réussite et la persévérance scolaire (Bonin, 2021; Sauvé et al., 2006). Alors que les exigences sont de plus en plus grandes en matière de connaissances et de compétences à développer dans différentes sphères de la vie quotidienne, il est essentiel de placer la conciliation famille-travail-études au cœur de nos actions.

Dans la littérature, il est question de conciliation famille-travail-études (CFTE) – l’appellation qui semble la plus courante –, mais également de conciliation études-famille, travail-études, emploi-famille ou famille-travail. On parle aussi d’articulation entre ces sphères de responsabilité, et de recherche d’équilibre entre elles. Le plus souvent, il est question des enjeux vécus par les parents-étudiants, mais ceux-ci touchent également d’autres catégories de personnes qui sont aux études ou en formation et qui exercent des responsabilités parentales ou familiales. On peut mentionner, par exemple, les femmes enceintes ou leurs conjoint·e·s en formation, le ou les parents adoptants, la personne en formation qui habite avec le ou les enfants de son conjoint·e ainsi que les personnes proches aidantes. Il importe de prendre en compte ces différents profils de personnes ainsi que leurs besoins.

Actuellement au Québec, il n’y a pas une politique globale ou une loi-cadre en matière de CFTE. Certains programmes gouvernementaux contribuent toutefois à faciliter la CFTE[1]. Mentionnons, par exemple, le Régime québécois d’assurance parentale (RQAP) ainsi que les services de garde éducatifs à l’enfance. Certaines lois traitent également d’aspects touchant la CFTE. C’est le cas, par exemple, de la Loi sur les normes du travail. Le gouvernement provincial investit également pour favoriser la mise en place de mesures et d’initiatives de conciliation famille-études-travail et de conciliation famille-travail dans les milieux de travail et d’enseignement. Cependant, l’aspect « études » n’est pas toujours présent dans ces programmes et initiatives. C’est le cas du Sceau Concilivi pour les employeurs qui concerne uniquement la conciliation famille-travail.

Déclaration de l'ICÉA sur la conciliation entre les études, la famille et l'emploi

Au début de l’année 2022, l’ICÉA a adopté une déclaration sur la conciliation entre les études, la famille et l’emploi : La conciliation entre les études, la famille et l’emploi : une condition de mise en œuvre du droit à l’éducation pour les femmes. Dans cette déclaration, on recommande notamment :

  • d’adopter une nouvelle politique gouvernementale d’éducation des adultes dont l’un des axes centraux serait la conciliation entre les études, la famille et l’emploi ;
  • de mettre en place une stratégie de renforcement du soutien financier des parents-élèves et des parents-étudiants ;
  • d’adopter des pratiques organisationnelles durables de conciliation entre les études, la famille et l’emploi ;
  • d’inciter l’ensemble des partenaires du marché du travail à prendre des mesures contribuant à la conciliation entre les études, la famille et l’emploi.

Cette déclaration a été adoptée à la suite de la réalisation d'une étude exploratoire menée par une équipe de l'UQAM sous la direction de Jean-Pierre Mercier en collaboration avec l'ICÉA, Besoins des mères-étudiantes et stratégies institutionnelles en matière d'articulation études-famille-emploi (2021). Cette étude s'intéressait aux besoins en matière d'articulation études-famille-emploi (AÉFE) chez des mères-étudiantes du collégial, du premier cycle universitaire et de la formation générale des adultes (FGA) ainsi qu'aux stratégies institutionnelles d'AÉFE dans ces trois contextes.

Dans la société, on parle plus généralement de conciliation famille-travail-études et de conciliation famille-travail. Dans cette étude, les auteur·trice·s ont préféré la notion d’articulation à celle de conciliation. La notion d’articulation permettrait de mettre davantage l’accent sur la dimension collective de cet enjeu et des solutions à trouver que sur des stratégies et des actions individuelles.

Cette idée met l’accent sur la dimension collective du problème d’articuler des univers sociaux qui ont leurs logiques d’action propres et qui sont donc difficiles à concilier parce qu’ils sont au moins partiellement incompatibles (Mercier et al., 2021 : 11).

Les auteur·trice·s ont également choisi de parler d’emploi plutôt que de travail puisque différentes sphères de vie comportent toutes du travail : travail scolaire, travail domestique, travail relevant d’un emploi, etc.

Cette étude a mis en lumière que le réseau social de soutien est un élément essentiel pour les mères-étudiantes. Elle a également montré qu’il y a une diversité de stratégies institutionnelles d’articulation études-famille-emploi dans les établissements à l’étude. Cependant, peu d’établissements ont adopté une politique d’articulation études-famille-emploi. Les stratégies institutionnelles d’articulation études-famille-emploi relèvent encore beaucoup d’initiatives individuelles, en particulier au cégep et à l’université, et certaines relèvent davantage de l’expérimentation.

L’intégration de mères qui étudient à la FGA est un aspect vraiment très intéressant de cette recherche. Il y a peu d’études sur la CFTE au Québec, mais on trouve tout de même un peu plus de données sur la situation de la CFTE aux études supérieures, notamment grâce à des enquêtes comme celles du Projet ICOPE dans le réseau de l’Université du Québec[2]. Il importe de documenter également la situation de la CFTE à d’autres ordres d’enseignement et dans d’autres contextes éducatifs.

Adhésion de l'ICÉA à la Coalition pour la conciliation famille-travail-études (CCFTE)

Toujours en 2022, l’ICÉA est devenu membre de la Coalition pour la conciliation famille-travail-études (CCFTE) qui regroupe une vingtaine d’organisations. La CCFTE présente un ensemble de revendications comme l’adoption d’une loi-cadre en matière de conciliation famille-travail-études.

La Coalition recommande au gouvernement du Québec la mise en place d’une loi-cadre visant à promouvoir et à soutenir la conciliation famille-travail-études (CFTÉ). Cette loi-cadre devra s’appliquer tant au secteur privé qu’aux secteurs public et parapublic pour ainsi couvrir l’ensemble des acteurs visés. Cette loi-cadre crée l’obligation pour tous les milieux de travail et établissements d’enseignement d’adopter et de rendre disponibles des directives claires, uniformes et universelles permettant d’intégrer la prise en compte des besoins en matière de CFTÉ. Une telle loi doit apporter des réponses concrètes aux diverses problématiques soulevées[3].

La CCFTE revendique également des modifications à la Charte des droits et libertés de la personne du Québec et à la Loi sur les normes du travail.

Concilier pour la vie

Étude sur la conciliation famille-travail-études dans les établissements d'enseignement supérieur du Québec

Deux chercheuses de l’Université TÉLUQ, Diane-Gabrielle Tremblay et Amina Yagoubi (2022), se sont récemment intéressées à la situation de la CFTE dans les établissements d’enseignement supérieur du Québec. Dans leur rapport de recherche, les autrices font mention de trois types d’action qui sont pris par les personnes responsables de la CFTE :

  1. les accommodements informels;
  2. les règles, les mesures et les initiatives officielles;
  3. la création d’une politique officielle en matière de CFTE.

Ce rapport montre qu’il y a une diversité de mesures et d’initiatives de CFTE dans les établissements collégiaux et universitaires. On peut mentionner, par exemple, la création d’un statut particulier de parent-étudiant, l’accès à un service de garde éducatif à l’enfance, à des locaux réservés et à des ressources spécialisées, l’offre de pauses-études et de cours en ligne, l’organisation d’activités sociales, la création de bourses, etc.

Peu d'établissements ont toutefois une politique officielle en matière de conciliation famille-travail-études ou une politique pour les parents-étudiants. Différentes mesures, comme le report d'un examen ou d'un travail, sont laissées à la discrétion des enseignant·e·s ou des administrations.

Deux universités sur un total de 18 ont adopté une politique officielle pour les parents-étudiants : l’Université Laval et l’Université de Sherbrooke. L’Université McGill n’a pas de politique, mais elle a adopté des lignes directrices pour les étudiantes enceintes et les étudiant·e·s qui ont des personnes à charge. Aucun cégep, d’après le rapport de recherche, n’a adopté de telle politique.

Les autrices recommandent de mettre en place des mesures de soutien et d’offrir des ressources aux parents-étudiants comme aux proches aidants[4]. En voici quelques exemples : collecter des données précises sur les parents-étudiants et créer un statut de parent-étudiant donnant accès à certaines mesures ou ressources.

La conciliation famille-travail-études : une nécessité pour le bien commun en éducation des adultes

La conciliation famille-travail-études est nécessaire pour favoriser l’éducation et la formation des adultes. Elle est également nécessaire pour que le droit à l’éducation soit respecté et mis en œuvre. Elle doit donc être plus accessible. Les mesures et les initiatives de conciliation doivent également tenir compte de la diversité des profils d’apprenant·e·s, de leurs besoins, de leurs réalités et des défis qu’ils et elles rencontrent.

C’est un enjeu collectif qui requiert l’implication de nombreux acteurs sociaux et qui demande de trouver des solutions collectives plutôt que de miser sur des stratégies et des actions individuelles.

Si le bien commun concerne l’intérêt général, l’intérêt de l’ensemble de la communauté, favoriser la conciliation famille-travail-études devrait être une priorité, car l’éducation et la formation des adultes jouent un rôle fondamental dans la société.

Nous avons besoin d’avoir plus d’études sur la situation de la conciliation famille-travail-études dans les différents secteurs de l’éducation des adultes et qu’elles tiennent compte à la fois des responsabilités parentales et familiales. Quelles sont, par exemple, les mesures et les initiatives existantes dans les centres de formation professionnelle ? Quelles sont les mesures de conciliation mises en place au sein des programmes de francisation ?

Pour aller plus loin

Un CLOM (MOOC) de l’Université TÉLUQ sur la conciliation travail-études (famille) : https://www.teluq.ca/site/etudes/clom/conciliation-travail-etudes-famille.php

Une série de balados sur la conciliation famille-travail-études : https//cfte.teluq.ca

Références

Bonin, S. (2021). Quel est l’impact des responsabilités parentales sur la poursuite d’études universitaires ? Direction de la recherche institutionnelle, Université du Québec. http://uquebec.ca/dri/publications/analyses_de_donnees/Note_%C3%A9tudiants_parents_VF.pdf

CCFTE (2020, 3 février). Plateforme de revendications : pour relever les défis, p. 1-41. https://ccfte.files.wordpress.com/2020/06/plateforme-ccfte-vf.pdf

ICÉA (2022). La conciliation entre les études, la famille et l’emploi : une condition de mise en œuvre du droit à l’éducation pour les femmes. Montréal, Institut de coopération pour l’éducation des adultes. 8 p. https://icea.qc.ca/sites/icea.qc.ca/files/IC%C3%89A-D%C3%A9claration%20Articulation%20%C3%89tude-Famille-Emploi_Femmes_25janvier%202022_Officiel%20%281%29.pdf

Mercier, J.-P., L. Brossard, N. Parent-Poisson et C. Dalle (2021). Besoins des mères-étudiantes et stratégies institutionnelles en matière d’articulation études-famille-emploi. Montréal, Service aux collectivités de l’Université du Québec à Montréal/Institut de coopération en éducation des adultes. 105 p. https://icea.qc.ca/sites/icea.qc.ca/files/ARTI_Rapport2021-11-03_D%C3%A9finitive.pdf

Sauvé, L., G. Debeurme, J. Fournier, É. Fontaine et A. Wright (2006). « Comprendre le phénomène de l’abandon et de la persévérance pour mieux intervenir », Revue des sciences de l'éducation, 32(3) : 783–805. https://doi.org/10.7202/016286ar

Tremblay, D.-G. et A. Yagoubi (2022). La conciliation famille-travail-études dans les établissements d’enseignement supérieur du Québec. Mesures et initiatives des universités et des cégeps. Québec, ministère de l’Enseignement supérieur. 98 p. https://docs.teluq.ca/Communications/La_conciliation_famille_travail_etudes_dans_les_etablissements_denseignement_superieur_du_Quebec_MES_DGT.pdf 

 


[1] Pour en savoir plus, voir : https://tout-petits.org/fichiers/portraitpp2021/Portrait2021-FR_Theme10.pdf

[2] Indicateurs de COnditions de Poursuite des Études.

[3] https://ccfte.org/une-loi-cadre/

[4] Pour lire toutes les recommandations, voir la section 5.5 Recommandations à la page 52 du rapport.