Comme chaque année, le mois de septembre a été riche en interventions liées à l’alphabétisation et à ses avantages pour notre société et ses membres. Trois moments forts sont à souligner :
- les 5 et 6 septembre, le quotidien Le Devoir publiait un cahier spécial sur le thème de l’alphabétisation mettant de l’avant les positions novatrices de nombreuses organisations de la société civile (ICÉA, RGPAQ, Fondation pour l’alphabétisation, Collège Frontière, CSN, l’organisme d’alphabétisation La Jarnigoine, etc.);
- le 8 septembre, de nombreuses organisations de la société civile soulignaient la Journée internationale de l’alphabétisation dans leurs communications;
- le 15 septembre, les membres de l’Assemblée nationale ont adopté une motion en faveur de la lutte à l’analphabétisme au Québec.
En cette période d’austérité où l’agenda politique est centré sur les compressions budgétaires et la réorientation des missions de l’État, ces moments forts, notamment l’adoption d’une motion unanime, sont des leviers permettant de favoriser une plus grande justice sociale, l’affirmation du droit d’apprendre tout au long de la vie ainsi qu’une meilleure compréhension de l’analphabétisme, de ses causes et ses conséquences.
Au Québec, la lutte à l’analphabétisme concerne des milliers de personnes. Voici quelques données :
- selon l’avis du Conseil supérieur de l’éducation sur la littératie de 2013, en 2012-2013, quelque 5 710 personnes ont pris part à des ateliers d’alphabétisation populaire organisés par des organismes de base actifs dans le champ de l’alphabétisation populaire;
- en 2014-2015, les données tirées de la reddition de compte produite par les organismes d’alphabétisation inscrits au PACTE (127 organismes de base et deux regroupements) font état de 45 714 personnes ayant bénéficié de services directs ou participé à des activités régulières en alphabétisation;
- finalement, en 2007-2008, 14 247 personnes étaient inscrites à temps plein et partiel aux services d’alphabétisation du secteur de la formation générale des adultes.
L’accent sur la lutte à l’analphabétisme
Au cours du dernier mois, une attention particulière a été portée à toute la question de la lutte à l’analphabétisme, portée au Québec par le Réseau de lutte à l’analphabétisme et ses 22 membres. Créé en septembre 2014, le Réseau fêtait son premier anniversaire cette année et profitait de la Journée internationale de l’alphabétisation pour souligner l’urgence de lutter contre l’analphabétisme.
Plusieurs enquêtes nationales et internationales, comme le Programme pour l’évaluation internationale des compétences des adultes (PEICA), ont démontré au cours des dernières années qu’un faible niveau d’alphabétisme a des conséquences néfastes sur les individus concernés, leur famille et l’ensemble de la société.
La dernière en liste, le PEICA, insiste sur des conséquences comme l’accroissement des coûts liés à la santé, l’assurance-emploi et l’aide sociale ou encore la difficulté pour les adultes faiblement alphabétisés de contribuer au développement culturel, social, politique et économique du Québec.
Les leçons du PEICA
Les résultats du PEICA soulignent par ailleurs un fait nouveau : les exigences liées à l’utilisation de l’information écrite sont aujourd’hui plus élevées, notamment à cause de la multiplication et de la complexification des environnements numériques. Ce rehaussement des compétences liées à l’écrit rend encore plus préoccupante la situation des personnes qui éprouvent de grandes ou de très grandes difficultés à comprendre l'écrit.
Au Québec, une personne sur cinq est susceptible de se retrouver dans une situation où les difficultés qu’elle éprouve à lire limiteront son autonomie d’action ainsi que sa capacité d’agir en présence d’environnements écrits de plus en plus complexes (voir la figure 1, tirée de Lire pour apprendre, comprendre et agir, Apprendre + Agir, ICÉA).
Ce constat tiré des résultats du PEICA est inquiétant. Il souligne la grande ou la très grande faiblesse des compétences en littératie d’un grand nombre d’adultes au Québec, près de 20 % des adultes de 16 à 65 ans. Il nous force par ailleurs à reconnaître la nécessité de passer à l’action et de faire en sorte que ces adultes soient capables d’affirmer leur autonomie dans un contexte où, pour se prendre en main, ils doivent comprendre l’écrit et disposer des compétences pour s’adapter à des environnement écrits plus complexes et plus exigeants.
Comment agir efficacement?
Cette question était la trame de fond d’un avis sur la littératie publié en octobre 2013 par le Conseil supérieur de l’éducation (CSE). L’une des réponses apportées par le CSE était de faire du rehaussement et du maintien des compétences en littératie des adultes « une priorité gouvernementale, inscrite au cœur d’une politique d’éducation des adultes et de formation continue actualisée ».
Cet objectif est plus que jamais souhaitable; il est même plus que jamais à notre portée, malgré l’actuel contexte d’incertitude. En effet, il pourrait prendre la forme d’une Stratégie de lutte à l’analphabétisme, tel que le propose les membres du Réseau de lutte à l’analphabétisme. Une stratégie qui se fonde notamment sur l’idée qu’un cadre d’intervention visant à aider les adultes qui se classent aux niveaux les plus bas de l’échelle de littératie ne peut se limiter à la seule dimension de l’apprentissage.
Une stratégie qui affirme qu’aider des adultes à s’approprier l’acte de lire, c’est non seulement leur permettre d’actualiser ou de réapprendre des compétences qu’ils n’ont pas utilisées depuis longtemps, mais aussi s’attaquer aux obstacles qui limitent chaque jour leur autonomie d’action. À ce titre, les réflexions du Réseau de lutte à l’analphabétisme ont permis d’identifier quatre dimensions essentielles de l’action à mener auprès des personnes peu ou pas alphabétisées (voir le tableau suivant).
Utiliser tous les leviers disponibles
Pour les mois et l’année à venir, l’ICÉA et les membres du Réseau de lutte à l’analphabétisme devront utiliser tous les leviers disponibles afin d’encourager le gouvernement à faire de nouveaux pas vers la mise en place d’une Stratégie nationale de lutte à l’analphabétisme au Québec.
L’avis du CSE sur la littératie d’octobre 2013 était l’un de ces leviers : il a mené à la création du Réseau de lutte à l’analphabétisme et à la définition de quatre dimensions essentielles des actions à mener auprès des personnes peu ou pas alphabétisées.
Un autre levier est ce premier pas vers cette Stratégie fait par les députés et les députées québécois, le 15 septembre dernier, lors de l’adoption à l’unanimité d’une motion enjoignant l'Assemblée nationale de reconnaître « l’ampleur du problème de l’analphabétisme au Québec et de ses conséquences ainsi que ses liens indéniables avec la pauvreté et l’exclusion » ainsi que « la nécessité d'adopter des mesures structurantes pour lutter contre l'analphabétisme ».
D’autres leviers apparaîtront au cours de la prochaine année. Des leviers qui pourraient émerger de l’analyse des conséquences des politiques actuelles de compressions budgétaires et de réorientation des missions de l’État, par exemple.
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Article synthèse sur l'alphabétisation de l'ICÉA, septembre 2015 | 637.25 KB |