La préoccupation de s’adresser d’abord et avant tout à des adultes peu ou pas à l’aise avec l’écrit, demeure une priorité pour l’ICÉA, même si des modifications ont été apportées aux fondements théoriques des ateliers NCF.
La documentation inspirée des expériences passées, notamment les travaux publiés par Rachel Bélisle en 1998 6, permet de soutenir que les ateliers NCF peuvent s’adresser à des publics cibles autres que les groupes d’adultes peu ou pas à l’aise avec l’écrit. Les adultes qui souhaitent se reconnaître des compétences génériques et les valoriser dans le cadre d’une démarche collective peuvent également trouver dans les ateliers NCF un intérêt certain.
Les responsables de l’animation des ateliers NCF sont ainsi contraints de tenir compte de la situation et des réalités de vie de chaque adulte d’un groupe. Même élargi à des populations d’adultes plus scolarisés ou plus actifs sur le marché du travail, le matériau de base de ces ateliers demeure la diversité des histoires de vie, des personnalités et des aspirations des personnes qui composent un groupe.
En effet, Nos compétences fortes postule que l’ensemble de nos expériences individuelles, qu’elles relèvent de responsabilités familiales, domestiques, communautaires, professionnelles ou autres, contribuent au développement de nos compétences génériques, c’est-à-dire des compétences que nous pouvons utiliser dans différents milieux, pour atteindre différents objectifs.
Qui que nous soyons et quelles que soient les barrières auxquelles nous sommes confrontés, nous avons tous la possibilité d’identifier, parmi nos expériences de vie, des moments charnières où nous avons utilisé une ou plusieurs compétences afin d’accomplir une tâche. Dans cette perspective, Nos compétences fortes s’adresse à toute personne qui souhaite valoriser* ses expériences individuelles afin de se reconnaître des compétences génériques qu’elle a su développer dans différentes situations de vie ou de travail.
Le fait de rassembler dans un groupe des personnes de différents âges, conditions ou origines, ne constitue pas un obstacle au succès des ateliers NCF 7 ; ils ont été conçus afin de tenir compte de la diversité des expériences de vie de chaque membre d’un groupe. Par ailleurs, le caractère hétérogène d’un groupe est la source d’une grande richesse de points de vue et de positions sur la valeur qu’il est possible d’accorder à des expériences différentes en apparence, mais qui font appel à l’utilisation d’une ou de plusieurs compétences génériques communes.
Le principal obstacle à éviter est la propagation de discours, de valeurs ou de croyances susceptibles de nuire à l’intégration d’une ou de plusieurs personnes au sein d’un groupe.
Lorsqu’une personne est victime d’un discours social dépréciatif, son estime de soi en souffre, tout autant que sa capacité à mettre en valeur ses expériences personnelles et à reconnaître les compétences qu’elle a développées dans différents milieux. voilà pourquoi nous recommandons la prudence lors de l’animation de groupes composés en tout ou en partie d’adultes à risque d’exclusion.
Au sujet des adultes peu ou pas à l’aise avec l’écrit
Les adultes peu ou pas à l’aise avec l’écrit sont généralement peu alphabétisés et peu scolarisés (niveaux 1 et 2 de littératie). Certains sont analphabètes, alors que d’autres savent lire et écrire mais arrivent difficilement à s’exprimer par écrit, à donner du sens à des concepts ou à être autonomes lorsqu’ils ont à utiliser un document écrit. Tous possèdent cependant des compétences développées dans différentes situations de travail ou expériences de vie. Au nombre de ces expériences individuelles, on retrouve des activités relevant de responsabilités familiales, domestiques, communautaires, professionnelles ou autres.
Nombre d’entre eux se sont inscrits volontairement à un programme de formation, en ayant en tête un projet personnel, plus ou moins explicite, à réaliser. D’autres s’y sont inscrits à la suite de pressions de leur entourage ou d’événements survenus dans leur vie (ex. : mise à pied), ou encore, se trouvent contraints de participer à ces programmes pour bénéficier de certains revenus.
Ces personnes ne constituent donc pas un groupe homogène. Elles ont des histoires de vie, des personnalités et des aspirations différentes. Les ateliers NCF tiennent compte de cette hétérogénéité et utilisent comme matériaux de base les expériences de chaque membre du groupe.
Malheureusement, les personnes peu ou pas à l’aise avec l’écrit ont souvent intégré différents discours sociaux négatifs qui ne les aident pas à valoriser leurs expériences de vie. Elles auront elles-mêmes tendance à déprécier les activités non rémunérées, manuelles ou physiques qu’elles pratiquent. Elles réagiront ainsi à cause de la survalorisation de l’écrit dans notre société ou des discours sur l’improductivité des sans-emploi et les faibles compétences des travailleuses et des travailleurs non spécialisés qui occupent des métiers plus manuels.
Ces discours ont de nombreuses répercussions sur tous les adultes à risque d’exclusion. Certaines personnes se sentent tout simplement victimes des préjugés qui les visent, particulièrement les femmes et les jeunes, et c’est leur estime de soi qui en souffre le plus souvent. D’autres ne se reconnaissent pas dans le discours que l’on porte sur elles. Elles se sentent injustement rejetées et portent en elles beaucoup de colère. Un sentiment profond de frustration les pousse alors à la révolte. Certaines parviennent à ignorer les discours méprisants. Elles mènent leur vie du mieux qu’elles peuvent, sans trop en demander à la société. Ces personnes ont souvent décroché. D’autres, enfin, malgré le peu de reconnaissance sociale de leur apport, continuent à faire beaucoup de choses pour elles-mêmes, leur famille, leur communauté et, si elles ont un emploi, pour l’entreprise qui les a embauchées.
Selon les influences et les événements du moment, les adultes à risque d’exclusion peuvent osciller entre ces différents pôles : victime, révolté, décrocheur ou volontaire. Avec Nos compétences fortes, il est possible de favoriser la reconnaissance des compétences génériques chez toutes ces personnes.
Remarque : Inspiré du chapitre 2, de la première partie du Manuel des animatrices et des animateurs (1995) : « Les adultes avec qui vous travaillez ».
6. Deux ouvrages clés ont été publiés, en 1998, par Rachel Bélisle au sujet des effets positifs des ateliers NCF et de la possibilité de rejoindre efficacement d’autres publics cibles.
7. vous trouverez plus d’indications concernant la composition d’un groupe au chapitre 14 : « Les facteurs de réussite des ateliers NCF ».