ICEA

Institut de coopération pour l'éducation des adultes

Quand les fonds publics diminuent: des portraits qui en disent long

Deux enquêtes identifiant les effets des coupesArbre d'humains
L’ICÉA a produit, en 2016, une première enquête qui cherchait à évaluer quantitativement, les effets des coupes de fonds publics en éducation des adultes entre 2010 et 2015. Cette enquête s’intitule L’éducation des adultes à la croisée des chemins. Enquête de l’ICÉA sur les effets des décisions et des politiques des gouvernements du Québec et du Canada sur l’éducation des adultes (période 2010-2015)
 
À la suite de cette enquête, des membres de l’ICÉA désiraient voir comment ces diminutions du financement gouvernemental se traduisaient dans la vie de tous les jours. Après une étude quantitative, les portraits de trois organisations ont été réalisés afin de mettre des visages sur des chiffres. 
 
Cet article présente un bref aperçu de cette deuxième étude de type qualitatif qui porte sur la même période, soit de 2010 à 2015. Le rapport de cette étude ainsi que sa synthèse se trouvent à la fin de cet article.
 
Des impacts qui font écho à la première étude
L’ICÉA a choisi de faire le portrait de trois organisations qui, selon notre première enquête, étaient grandement fragilisées par les réductions du financement public. Rappelons que, dans la première enquête, une organisation était qualifiée de grandement fragilité lorsqu’elle devait prendre trois mesures ou plus pour absorber la diminution de sa subvention gouvernementale. Parmi les mesures évoquées, il y avait :
- réduction d’heures de travail
- abolition de poste
- réduction de services
- abolition de services
- tarification de services, 
- réduction d’heures de formation pour le personnel
- réduction d’activités de représentation et de concertation
- réduction ou absence de création de nouveaux outils, services ou contenu
- gel des salaires
- réduction des dépenses liées aux espaces de bureau.
 
Trois organisations ont généreusement accepté de faire une entrevue avec Louise Brossard, chercheuse à l’ICÉA, soit : un centre d’éducation populaire (CÉP), un organisme d’alphabétisation et un centre d’éducation des adultes (CÉA). Deux de ces organisations ont permis à l’ICÉA de faire une entrevue avec deux adultes ayant utilisé leurs services. Il est à noter que seul ABC des Portages, l’organisme d’alphabétisation, a révélé son nom. Les deux autres ont préféré conserver l’anonymat.
 
L’appauvrissement du milieu de vie au centre d’éducation populaire
La situation du centre d’éducation populaire (CÉP) illustre les conséquences de l’abolition de poste ou la réduction des heures de travail. Le CÉP a abolir trois postes et a redistribué une partie des tâches au personnel toujours en place. 
 
Le « milieu de vie » a beaucoup souffert du manque de personnel puisque, entre 2010 et aujourd’hui, aucune personne du personnel n’en était la principale responsable. Antidote à l’isolement, les activités reliées au milieu de vie représentent la plupart du temps une porte d’entrée à une multitude d’apprentissages. 
 
Selon les principes mêmes de l’éducation populaire, les personnes s’impliquent petit à petit, réalisent qu’elles peuvent agir et apprendre, se sentent utiles socialement et peuvent ainsi améliorer leur connaissance et leur estime. Fortes de ces acquis, certaines d’entre elles s’inscriront à un atelier d’alphabétisation offert par le CÉP.
 
Ainsi, ce sont les personnes les plus en besoin qui tirent avantage du milieu de vie, notamment les personnes pauvres ou analphabètes. D’autres impacts décrits dans ce portrait montrent que les bénévoles, le personnel et les groupes communautaires du milieu ont également subi les contrecoups des réductions du financement du CÉP.
 
La difficulté de répondre aux besoins des personnes analphabètes des petites localités
Le deuxième portrait présente ABC des Portages, un organisme d’alphabétisation dans le Bas-Saint-Laurent. Le principal problème de cet organisme concerne l’insuffisance du montant de sa subvention de base et de sa non-indexation depuis 2003. 
 
De fait, ABC ne pouvait pas répondre à tous les besoins d’alphabétisation sur son territoire; ce qui est pourtant l’essentiel de sa mission. Comme les fonds manquaient, il a dû, entre 2010 et 2015, réduire ses activités selon que l’organisme arrivait ou non à trouver d’autres fonds. 
 
Certaines années, il a dû raccourcir la saison de formation, couper les heures de formation ou fermer des ateliers existants. Aussi, il ne pouvait pas toujours ouvrir de nouveaux ateliers dans de petites localités où il y avait une demande. Le nombre de personnes intéressées à l’atelier était souvent insuffisant pour qu’ABC couvre les frais de la formatrice. Or, le territoire de 8 000 km2 desservi par cet organisme est composé de plusieurs petites localités. Les personnes analphabètes qui y habitent n’ont pas toujours les moyens de se rendre à un atelier offert à 50 kilomètres de chez elles.
 
Ce portrait présente aussi l’histoire de Clémence, une adulte qui fréquente ABC des Portages depuis huit ans. Son histoire montre l’importance des services offerts par ABC qui sont adaptés au rythme et aux besoins des personnes. Le portrait montre également d’autres impacts sur les projets et le personnel de l’organisme.
 
Des services psychosociaux manquant au centre de formation des adultes
Enfin, le troisième portrait décrit la situation d’un centre d’éducation des adultes (CÉA) dans une ville de grandeur moyenne située à proximité d’un grand centre urbain. Cet organisme gouvernemental offre une formation de niveau secondaire aux adultes. Il dessert une région connue pour avoir l’un des taux les plus élevés de personnes à faible revenu.
 
Entre 2010 et 2015, ce CÉA a dû prendre plusieurs mesures pour préserver sa mission principale tout en respectant le budget restreint. Dans ce cas-ci, ce sont les services psychosociaux qui ont été grandement réduits. Par exemple, l’organisme peut compter sur une seule orthopédagogue pour répondre aux besoins de 2 000 adultes. Aussi, Emploi-Québec finance les services de deux techniciennes en travail social. Mais ces services pourraient disparaître si Emploi-Québec décidait de se retirer.
 
Or, les services psychosociaux font souvent toute la différence entre un succès ou un échec scolaire. Plusieurs adultes qui fréquentent les CÉA ont fait face à des obstacles ne leur permettant pas de terminer leurs études secondaires. On pense à des problèmes d’ordre familial, financier, de santé mentale, de dépendance à l’alcool ou à la drogue, de conciliation travail-études, etc. Quand ces problèmes sont toujours présents, les personnes ont besoin de soutien pour y faire face tout en poursuivant leurs études. Les services psychosociaux sont, en ce sens, un moyen efficace favorisant la diplomation des adultes.
 
Ce portrait présente également le parcours de Valérie à ce centre. Il montre les embûches qu’elle a dû surmonter afin d’arriver à son but. Il fait également état des impacts sur les conditions de travail des enseignantes et enseignants.
 
Nous vous invitons donc à lire l’ensemble de ces trois portraits qui illustrent les effets concrets de l’austérité budgétaire exercée par les gouvernements en place entre 2010 et 2015. Cette austérité a touché, au premier chef, les adultes en apprentissage, mais aussi les personnes impliquées dans ces organisations et leurs partenaires.
 
Bref rappel des données issues de la première enquête
 
Les données recueillies dans la première étude montraient une situation désolante. Parmi les 109 organisations répondantes, 65 % (71) accusaient une baisse de leur financement public. Parmi celles qui avaient subi des coupes, 35 % (25) se trouvaient en situation de grande fragilité. 
 
Selon les critères établis, une organisation se trouvait grandement fragilité lorsqu’elle devait prendre trois mesures ou plus pour absorber la diminution de son financement public. Parmi les mesures évoquées, il y avait :
- réduction d’heures de travail
- abolition de poste
- réduction de services
- abolition de services
- tarification de services, 
- réduction d’heures de formation pour le personnel
- réduction d’activités de représentation et de concertation
- réduction ou absence de création de nouveaux outils, services ou contenu
- gel des salaires
- réduction des dépenses liées aux espaces de bureau.
 
Or, 45 organisations ont :
- aboli 90 postes de travail
- réduit 16 000 heures de travail entre 2010 et 2015
 
Par ailleurs : 
- 15 organisations ont aboli des services
- 23 organisations ont réduit leurs services.