Un Québec apprenant doit renforcer la reconnaissance publique et politique de l’éducation et de la formation des adultes.
1. Comment renforcer, au sein de la société, la reconnaissance de l’éducation et la formation des adultes ?:
On ne décrète pas la culture. Or, pour des raisons historiques notamment, on ne peut certainement pas affirmer que le Québec se caractérise par une forte culture d'éducation et de formation continue des adultes. En témoignent la faible littératie de près d'un adulte sur deux et le fait que ce sont ceux qui en auraient davantage besoin qui sont les moins engagés dans une démarche d'éducation et de formation.
C'est d'ailleurs dans cette perspective, mieux faire connaître et valoriser l'éducation et la formation des adultes, qu'a été créée la Semaine québécoise des adultes en formation. Parce qu'il ratisse très large, l'événement contribue certainement à l'ancrage de l'éducation et de la formation des adultes dans la société. La Semaine doit donc se poursuivre, voire accentuer son action, car c'est seulement à moyen et à long terme, par la répétition des mêmes messages, qu'elle atteindra ses objectifs.
Cela dit, si l'on tient compte de l'opération publicitaire qui la précède, la Semaine n'exerce son influence que pendant quelques semaines; cet événement est incontestablement nécessaire, mais insuffisant pour modifier le cours des choses.
S'il y avait des recettes simples pour influer sur l'évolution sociale, cela se saurait. Notre espoir de changement réside plutôt dans l'action quotidienne des groupes et des associations engagés en éducation des adultes. C'est en accroissant leur rayonnement, en joignant davantage de gens, chacun dans leur milieu de vie et leur champ d'action, que ces groupes et associations contribueront à renforcer l'éducation et la formation des adultes au Québec. Ce sera forcément une action lente, donc à long terme.
Comme chacun le sait, l'éducation des adultes constitue un champ éclaté comportant des intervenants très diversifiés. Dans tous les scénarios, une attention doit être portée à la formation formelle dispensée dans le système public d'enseignement, le creuset où se façonnent les connaissances et la culture communes. Il y a des exceptions, bien sûr, mais c'est d'abord par la formation formelle que les citoyens acquièrent les connaissances et les compétences qui leur permettent d'échapper à la pauvreté et à l'exclusion sociale, d'acquérir une qualité de vie et d'exercer pleinement leur citoyenneté.
2. Comment renforcer, au sein du gouvernement, la reconnaissance de l’éducation et la formation des adultes ?:
Pour le MQAF, cette question s'inscrit dans une dynamique qui pourrait avoir pour thème Un géant démographique, un nain politique.
Tous ordres d'enseignement confondus, selon l'édition 2011 des Statistiques de l'éducation, on dénombre plus de 400 000 étudiantes et étudiants adultes dans le système public d'enseignement. C'est davantage que l'ensemble des membres de la FEUQ, de la FECQ, de l'ASSÉ et de la TACEQ.
Il suffit de penser un instant au « printemps érable », au Sommet sur l'enseignement supérieur et aux cinq chantiers qui en ont découlé pour convenir que le mouvement étudiant constitue un acteur social et politique majeur. Il en est ainsi parce que ces fédérations regroupent des associations étudiantes accréditées en vertu de la Loi sur l'accréditation et le financement des associations d'élèves ou d'étudiants. C'est grâce à cette loi que ces associations bénéficient d'importantes ressources financières et humaines qui leur permettent de se fédérer, d'effectuer des recherches, de mener des activités de lobbying auprès des pouvoirs publics et, au besoin, d'orchestrer des mouvements de protestation comme celui qui a entraîné l'annulation de la hausse des droits de scolarité de 1 625 $ par année.
En amont de leur action nationale, les associations étudiantes accréditées jouent un rôle très positif dans leur établissement, où elles contribuent à l'équilibre des forces et procurent aux autorités un précieux feedback sur ce que vivent les étudiants. En participant aux activités de leur association, les étudiants contribuent à l'amélioration des règles et du climat de vie de l'école et ils enrichissent leur formation, car ils s'initient au fonctionnement démocratique, aux débats, à la représentation et à la négociation, autant d'éléments qui s'inscrivent dans l'objectif d'éducation à la citoyenneté.
C'est ce ces outils dont sont présentement privés les étudiants adultes. Il n'y a aucune association accréditée d'étudiants adultes dans les centres d'éducation des adultes (CEA) et les centres de formation professionnelle (CFP) des commissions scolaires parce ces établissements sont exclus du champ d'application de la loi sur les associations étudiantes. Sans entrer dans des détails techniques qu'il serait trop long et peu utiles d'exposer ici, il n'existe aucune association d'étudiants adultes au cégep, même si le collégial est inclus dans la Loi.
Ce sont donc seulement les étudiants adultes des universités qui sont minimalement organisés, mais encore là, en raison de failles dans la loi sur les associations étudiantes, on ne compte que cinq associations accréditées, soit à la TÉLUQ, à la Faculté de l'éducation permanente de l'Université de Montréal, à l'École d'éducation permanente de l'Université McGill, à HEC Montréal (programmes de certificat) et dans les hors campus de l'Université du Québec à Trois-Rivières.
Cela dit, malgré la modestie de son organisation et de ses moyens, la Fédération des associations étudiantes universitaires québécoises en éducation permanente (FAEUQEP) est officiellement reconnue par le gouvernement. Entre autres, elle a participé de plein droit au Sommet sur l'enseignement supérieur et aux cinq chantiers qui en ont découlé. La première condition pour influer sur le cours des choses, c'est d'avoir voix au chapitre dans le cénacle du pouvoir politique. N'eût été de la FAEUQEP, la formation continue aurait d'ailleurs passé sous le radar au Sommet sur l'enseignement supérieur.
Un des problèmes fondamentaux du mouvement des étudiants adultes est donc d'ordre légal. En premier lieu, il faut remédier à l'injustice de l'exclusion des CEA et des CFP du champ d'application de la loi sur les associations étudiantes, car rien ne justifie que les 308 296 adultes inscrits dans ces établissements ne puissent bénéficier des mêmes droits que les autres. Il faudrait du même coup revoir les dispositions de la Loi qui, de facto, empêchent la création d'associations d'étudiants adultes dans les cégeps et limitent les possibilités dans les universités.
Dans le système public d'enseignement, l'interlocuteur inévitable, le seul qui puisse véritablement changer choses, est le gouvernement du Québec. Il serait cynique d'affirmer que les gouvernements n'ont pas à cœur l'intérêt public, mais il serait naïf de croire qu'ils sont imperméables aux pressions des groupes organisés. À terme, l'objectif du MQAF est de devenir une force politique suffisamment conséquente pour influencer les politiques gouvernementales.
Ce qui est vrai pour le MQAF ne vaut-il pas aussi pour l'ensemble du mouvement de l'éducation et de la formation des adultes? À titre d'exemple, n'est-il pas étonnant que, malgré des demandes répétées depuis 2007, il n'y ait toujours pas de deuxième plan d'action de la Politique d'éducation et de formation continue des adultes? Nous devons malheureusement prendre acte que le mouvement élargi de l'éducation et de la formation continue des adultes ne pèse décidément pas lourd dans la balance politique. Y a-t-il d'autres choix que de devenir une force politique que le gouvernement n'aura pas le choix de reconnaître et d'écouter plus attentivement?
À court terme, il nous semble donc nécessaire de multiplier les efforts pour obtenir un deuxième plan d'action de la Politique d'éducation et de formation continue des adultes.
Cela dit, la toute première priorité du MQAF demeure la modernisation de la loi sur les associations étudiantes.