Le droit à l’éducation des adultes est à l’ordre du jour de la 37e Conférence générale de l’UNESCO qui se tient du 5 au 20 novembre 2013, alors que l’organisme discutera du réexamen de la Recommandation de 1976 sur le développement de l’éducation des adultes. Cette Recommandation est un document international clé pour le développement du droit à l’éducation des adultes. Par cette action, l’UNESCO remet à l’avant-scène le droit à l’éducation des adultes, dans un contexte où l’éducation des adultes demeure fragilisée dans le débat sur les politiques en éducation, sur les scènes québécoise, canadienne et internationale.
La Recommandation sur le développement de l’éducation des adultes a été adoptée en 1976, dans la foulée de la troisième Conférence internationale sur l’éducation des adultes de 1972 (CONFINTEA III), qui recommanda « que les États membres adoptent une politique générale d'éducation des adultes dont le but soit d'éveiller chez l'adulte la conscience critique du monde historique et culturel où il vit, de façon qu'il puisse transformer ce monde par son action créatrice ».
La Recommandation expose de manière détaillée des voies de développement pour l’éducation des adultes. On y aborde les questions de définition de l’éducation des adultes, d’objectifs et de stratégie, de contenu de l’éducation des adultes, de méthodes, de moyens, de la recherche et de l’évaluation, des structures de l’éducation des adultes, de la formation et du statut des personnes intervenant en éducation des adultes, des relations entre l’éducation des adultes et l’éducation des jeunes, des relations entre l’éducation des adultes et le travail, de la gestion, de l’administration de la coordination et du financement de l’éducation des adultes et de la coopération internationale.
Pour l’Institut de l’UNESCO pour l’apprentissage tout au long de la vie (UIL), la Recommandation sur le développement de l’éducation des adultes « constitue aujourd’hui encore l’ensemble majeur de principes de l’UNESCO sur l’éducation des adultes à l’attention des États membres ». Ce document « doit néanmoins être actualisé pour refléter plus exactement les tendances dans le débat sur l’éducation des adultes », explique l’organisme. Sa révision avait été demandée par les deux dernières conférences internationales de l’UNESCO sur l’éducation des adultes (CONFINTEA V, en 1997, et CONFINTEA VI, en 2009).
Pour lancer ce travail, un groupe d’experts a été réuni en juillet 2012 pour évaluer le cadre du réexamen de la Recommandation. Dans son rapport, le groupe d’experts rappelle le caractère visionnaire de la Recommandation et souligne l’accent mis sur une approche basée sur les droits. Le groupe d’experts constate néanmoins l’intérêt de mettre à jour la Recommandation pour l’épurer des éléments obsolètes et veiller à ce que son contenu demeure opérationnel et pertinent pour un monde en changement rapide. Globalement, le groupe d’experts considère que le processus de réexamen constituera une occasion de faire la promotion de l’éducation des adultes et de mobiliser les acteurs y œuvrant, cela, dans la perspective de faire progresser ce secteur, dans toutes les régions du monde, en étant soucieux, souhaite-t-on, d’aller au-delà les « convertis ».
Par la suite, les conclusions du groupe d’experts ont été soumises à une consultation en ligne qui a eu lieu du 24 septembre au 5 octobre 2012. L’UNESCO a rendu publique une synthèse de cette consultation. En mars 2013, le conseil exécutif de l’UNESCO a été saisi d’un rapport sur les aspects techniques et juridiques du réexamen de la Recommandation. Ce rapport situe le réexamen dans le contexte du suivi de la dernière conférence internationale sur l’éducation des adultes de 2009 (CONTINEA VI). Pour le conseil exécutif, le monde a grandement changé depuis 1976, et conséquemment de nouveaux défis confrontent l’éducation des adultes. Pour cette raison, il convient donc « de refléter ces évolutions et ces défis dans la révision de la Recommandation sur le développement de l'éducation des adultes, en tenant compte des conclusions des CONFINTEA IV, V et VI, mais aussi d’autres cadres pertinents dans lesquels l’apprentissage et l’éducation des adultes sont un rouage essentiel d’un système holistique et général d’apprentissage tout au long de la vie ».
Sur la base de ce rapport, le conseil exécutif soumet une proposition qui invite la Conférence générale de l’UNESCO à aller de l’avant avec le réexamen de la Recommandation de 1976. Ainsi, est-il proposé : « La Recommandation de 1976 devrait être révisée afin de tenir compte des défis contemporains sur les plans éducatif, culturel, politique, social et économique, tels qu’énoncés dans le Cadre d’action de Belém, et de donner un nouvel élan au renforcement de l’éducation des adultes ».
Le processus de réexamen de la Recommandation de 1976 est d’une importance particulière pour l’éducation des adultes, dans un contexte où l’ONU révise l’ensemble des grandes orientations de l’Éducation pour tous (EPT) et des Objectifs de développement pour le Millénaire (ODM). À l’instar du Conseil international sur l’éducation des adultes (ICAE), nous constatons que dans l’état actuel des débats en vue de l’adoption d’un nouvel agenda international pour l’après 2015, l’éducation des adultes est à risque d’être marginalisée, bien que la perspective de l’éducation tout au long de la vie soit proposée comme grande orientation en éducation pour la période de l’après 2015.
À ce sujet, le président du Conseil international sur l’éducation des adultes, M. Alan Tuckett, s’est inquiété de la vision restreinte de l’éducation qui se dégage des documents officiels faisant état de la définition d’un nouvel agenda pour la période de l’après 2015. Plus particulièrement, M. Tuckett attire l’attention sur l’absence de référence au développement de la littératie chez les adultes.
Pour ICAE, d’ici l’automne 2015, moment où l’ONU adoptera son nouveau cadre de référence, en remplacement des Objectifs du Millénaire pour le développement et de l’Éducation pour tous, il devient urgent de doter l’éducation des adultes d’une voix plus forte, au sein même de la communauté en éducation, pour que ce secteur trop souvent marginalisé soit porté par l’ensemble du mouvement de l’éducation.
Selon le président d’ICAE, l’enjeu consiste à faire advenir une vision large de l’apprentissage chez les jeunes et les adultes qui soit basée sur les droits et qui inclut le droit à la littératie, à l’éducation professionnelle, démocratique et civique, à l’éducation pour le bien-être, dans le but que toutes et tous puissent bénéficier d’une vie durable ouverte sur les arts et la culture, riche d’apprentissages intergénérationnels et respectueuse de la diversité et de la différence.
L’ICÉA se propose d’intervenir dans le débat sur la Recommandation de 1976 en participant à la consultation que la Conférence générale de l’UNESCO conviendra. En s’appuyant notamment sur les discussions de la démarche de l’an dernier pour un Québec apprenant, nous avons l’intention d’y défendre une vision large du droit à l’éducation des adultes. Ça constitue d’ores et déjà un des éléments de la proposition de plan d’action 2013-2014 de l’ICÉA, qui sera soumise aux membres de l’Institut lors de l’assemblée générale du 10 octobre 2013.