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ICEA

Institut de coopération pour l'éducation des adultes

Apprendre tout au long de sa vie, une condition du développement social

Page couverture du nouveau numéro de la revue KLa revue Kaléïdoscope, souvent appelé la revue K, vient de lancer son dernier numéro à Montréal au Théâtre D'Aujourd'hui. On y retrouve une réflexion de Ronald Cameorn, directeur général de l'ICÉA, sur les les défis que le gouvernement libéral doit relever en regard de la qualification et du développement des capacités des adultes au Québec:.

C’est à l’enseigne de l’essor économique que le nouveau gouvernement du Parti libéral du Québec place les enjeux en éducation et en particulier en éducation des adultes. Au-delà du Plan Nord + ou de la Stratégie maritime, il s’agit surtout d’accroître la diversification des parcours de formations professionnelles et collégiales, d’en assouplir les règles d’entrée et de faciliter les passerelles. À quelle fin doit-on poursuivre la qualification accrue de la population au Québec?

Dans une lettre qu’elle a fait parvenir à l’Institut de coopération pour l’éducation des adultes (ICÉA) durant la dernière campagne électorale, Marie-Ève Ringuette, directrice générale du Parti libéral du Québec, rappelait que les engagements du parti sont voués « à la réussite des jeunes et moins jeunes ». L’idée de ne laisser aucun jeune sans qualification, tout comme celle de permettre la qualification des adultes, fait certainement consensus au Québec. Toutefois, une vision de l’avenir du Québec fondée sur le seul renforcement du parcours scolaire et de la qualification professionnelle fait fausse route. On doit répondre aux besoins de toute la population du Québec et viser l’accroissement des capacités des adultes dans une perspective d’apprentissage tout au long de la vie.

La pyramide des âges a déjà commencé à se renverser et la réduction des effectifs scolaires est déjà amorcée dans le réseau scolaire. C’est pourquoi le Parti libéral du Québec indique vouloir inclure les adultes dans le projet visant à accroître les qualifications de la population québécoise. Or, l’avenir du Québec ne repose pas seulement sur la croissance économique. Elle exige d’envisager le développement social en vue d’accroître les capacités de la population à exercer pleinement sa citoyenneté.

Les résultats du PEICA devraient nous terrasser

Dans une telle perspective, les résultats de la dernière enquête de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), le Programme pour l’évaluation internationale sur les capacités des adultes (PEICA)1 devraient nous terrasser. Au Québec, ce sont 19 % des personnes répondantes qui présentent de grandes difficultés en littératie. Cela représente plus d’un million d’adultes québécois âgés de 16 à 65 ans. Le Québec se situe ainsi au 10e rang des provinces et des territoires canadiens sur ce plan.

Véritable baromètre de la santé démocratique des sociétés occidentales, le PEICA nous apprend que la faiblesse des capacités des adultes au Canada et au Québec est restée identique à celle d’il y a dix ans. Mais attention. Il serait trop facile d’imputer au système scolaire la responsabilité des problèmes sociaux : de multiples facteurs et obstacles sociaux, psychologiques, familiaux, professionnels agissent sur la capacité d’apprentissage et la persévérance des jeunes comme des adultes.

Dans l’environnement technologique qui est le nôtre, les personnes avec de faibles compétences en littératie, en numératie et en résolution de problèmes sont plus à risque d’être exclues du marché du travail et de vivre des situations de pauvreté et de grande vulnérabilité. Ce que nous apprend la PEICA, c’est donc qu’une fraction importante des adultes québécois ne dispose pas des compétences nécessaires qui pourraient leur permettre d’améliorer leur sort.

Dans ce contexte, il n’est pas étonnant que plusieurs acteurs, notamment le Conseil supérieur de l’éducation, rappellent qu’une large mobilisation sociale en vue de développer une culture d’apprentissage demeure une composante essentielle d’une stratégie visant à rehausser les compétences de la population adulte d’aujourd’hui. Par le développement d’une telle culture d’apprentissage, il s’agit de permettre aux 20 % de la population adulte la plus en difficulté, de pouvoir réaliser leur droit individuel à l’éducation et à l’exercice de leur citoyenneté. Il s’agit aussi d’un enjeu collectif visant à assurer un développement social au bénéfice du plus grand nombre.

Le droit à l’éducation concerne l’ensemble de la population

Accroître le droit d’apprendre tout au long de la vie est une condition essentielle pour développer tout le potentiel d’une société, tant sur le plan économique que démocratique et social. Y répondre en améliorant le système scolaire demeure insuffisant. Combattre le décrochage au Québec est un pas dans la bonne direction, notamment à cause de l’importance de la formation initiale dans la poursuite d’activités de formation à l’âge adulte, mais il demeure insuffisant. Le droit à l’éducation concerne l’ensemble de la population. Favoriser le développement et les mises à jour des compétences de la population adulte est une condition nécessaire pour assurer le développement du Québec.

D’ailleurs, les résultats du PEICA nous apprennent aussi que les capacités des populations adultes des sociétés occidentales s’affaiblissent après la période de scolarisation. Du même coup, les sociétés sont de plus en plus complexes, tant sur le plan des technologies de l’information et des communications, qu’au plan social ou économique. La précarisation du travail, l’explosion des technologies, la fragilisation du financement des politiques sociales, les pressions sur les organisations sociales et communautaires, sur les services publics et les réseaux, exercent des pressions énormes sur la capacité collective d’aller plus loin.

Les relations des citoyennes et des citoyens avec les services de l’État offrent de nombreux exemples de la complexité accrue de la vie en société. L’autonomie professionnelle et le bouleversement de l’organisation du travail en sont aussi les témoins. Les nouvelles réalités environnementales ou les exigences du vivre ensemble avec des populations de différentes origines sont parmi les enjeux les plus importants pour le développement social.

Développer le droit à l’éducation tout au long de la vie est une condition de l’amélioration des conditions de vie personnelle et collective du plus grand nombre sur la planète. C’est un véritable enjeu de justice sociale.

Accroître l’exercice de la citoyenneté et des droits

L’exercice des droits fondamentaux est partout remis en question dans le contexte de singulariser les politiques publiques au seul critère de la performance économique. La volonté du nouveau gouvernement de Philippe Couillard d’accroître la qualification de la population au Québec constitue un objectif nécessaire étant donné les transformations dans le monde du travail. L’accroissement des capacités de la population adulte au Québec ne peut toutefois se résumer à la seule perspective économique.

Hausser la qualification de la population adulte doit viser le développement de la citoyenneté et de l’exercice des droits, y compris le droit à un travail décent. Or, quand le cinquième de la population québécoise présente de faibles performances en littératie, l’enjeu en est un de société en vue d’assurer à toute la population au Québec la capacité d’agir pour l’avenir du Québec, y compris au plan économique.

En matière de politique publique, le nouveau gouvernement doit engager une orientation politique sans équivoque en vue de contrer l’analphabétisme au Québec. Cette dimension de l’éducation des adultes constitue, dans le contexte actuel, un champ d’intervention incontournable et un levier dans le combat pour une véritable culture de formation pour l’ensemble de la population au Québec.

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Le Centre de documentation sur l’éducation des adultes et la condition féminine (CDÉACF) a monté une page Web qui regroupe toutes les références provenant de l’OCDE, mais aussi de Statistique Canada qui a contribué à l’enquête pour le Canada
cdeacf.ca/peica