Investir dans les compétences futures
Le budget fédéral 2018 confirme des investissements déjà consentis en 2017 visant la mise sur pied d’une initiative de réflexion sur les compétences qui seront en demande sur le marché de l’emploi dans les années à venir. Rappelons que le budget fédéral 2017 soulignait les recommandations du Conseil consultatif en matière de croissance économique et du Forum des ministres du marché du travail soutenant la nécessité « d’adopter de nouvelles approches afin de combler les écarts de compétences et d’appuyer la formation continue tout au long de la vie professionnelle des Canadiens ». [Budget fédéral 2017 : p. 62]
Une somme de 225 millions $ sur quatre ans sera consacrée à la création de Compétences futures : « une nouvelle organisation chargée de cerner les compétences recherchées et exigées par les employeurs, étudier de nouvelles approches innovantes au perfectionnement des compétences et échanger des renseignements pour éclairer les prochains investissements et programmes. » [Budget fédéral 2018 : p. 70]
Le lancement de Compétences futures est prévu au printemps 2018 en collaboration avec les provinces et les territoires, le secteur privé, les établissements d’enseignement et les organisations à but non lucratif. Comme le précisait le budget fédéral 2017, cet organisme : « déterminera les compétences recherchées et exigées par les employeurs canadiens; explorera de nouvelles approches novatrices en matière d’acquisition et de perfectionnement de compétences; [et] transmettra des renseignements et des analyses pour mieux éclairer les investissements et les programmes futurs axés sur les compétences. » [Budget fédéral 2017 : p. 62]
Rechercher des perspectives apprenantes pour les travailleuses et les travailleurs
Compétences futures se présente comme une initiative de réflexion qui pourrait contribuer au développement durable des compétences des travailleuses et des travailleurs. En effet, c’est en recherchant des moyens de développer à long terme des capacités d’action et d’adaptation de leur personnel que les entreprises pourront se démarquer, innover et assurer leur position. C’est là l’une des principales caractéristiques des organisations apprenantes.
L’orientation première de Compétences futures doit donc être de favoriser la recherche de perspectives apprenantes qui seraient bénéfiques aux individus comme aux milieux de travail. Pour ce faire, il est essentiel que cette initiative ne soit pas uniquement orientée vers les besoins immédiats et à court terme du marché du travail. Les gouvernements, les partenaires du marché du travail et les organisations de la société civile engagées en éducation des adultes doivent saisir cette opportunité unique de développer des pratiques apprenantes durables qui miseraient avant tout sur le capital humain.
Favoriser la présence des femmes et des autochtones sur le marché du travail
Le budget fédéral 2018 prévoit par ailleurs plusieurs mesures visant à faire en sorte que les femmes et les autochtones aient plus facilement accès au marché du travail. À ce titre, trois orientations attirent notre attention :
Les femmes dans les métiers à prédominance masculine
Une orientation du budget fédéral 2018 est de favoriser la présence des femmes dans les métiers à prédominance masculine. Le gouvernement fédéral prévoit donc un financement de près de 20 millions $ sur cinq ans afin d’aider plus de femmes à accéder à des métiers Sceau rouge à prédominance masculine. Quelque 90 % des métiers désignés Sceau rouge seraient visés par cette mesure.
Cet investissement servira à assurer le financement d’une Subvention incitative destinée aux femmes apprenties. Ces femmes « recevraient 3000 $ pour chacune des deux premières années de formation (jusqu’à concurrence de 6000 $). Cette subvention, combinée à la Subvention à l’achèvement de la formation d’apprenti actuelle d’une valeur de 2000 $, leur permettra de recevoir un soutien combiné de 8000 $ au cours de leur formation d’apprentie […]. » [Budget fédéral 2018 : p. 66]
L’idée de soutenir financièrement les femmes qui souhaitent œuvrer dans un métier Sceau rouge à prédominance masculine est intéressante. La question demeure cependant de savoir si cet incitatif financier sera assez attrayant pour attirer plus de femmes dans métiers où leur présence fait l’objet de nombreux préjugés.
La préparation à la formation d’apprenti
Une autre orientation du budget fédéral 2018 est d’investir 46 millions $ sur cinq ans dans le Programme de préparation à la formation d’apprenti. Ce programme mené en partenariat avec les provinces, les territoires, les institutions postsecondaires, les syndicats et les employeurs s’adresse principalement à des personnes provenant de groupes sous-représentés sur le marché du travail comme les femmes, les autochtones, les personnes immigrantes ou les personnes vivant avec un handicap. L’objectif du gouvernement est d’encourager ces personnes « à explorer l’idée de faire carrière dans le domaine des métiers spécialisés ». [Budget fédéral 2018 : p. 67]
Combiné à la Subvention incitative déjà présentée, cette orientation pourrait contribuer à un changement dans les façons de penser propres à plusieurs milieux de travail où l’on retrouve principalement des hommes.
La formation pour les compétences et l’emploi destiné aux autochtones
Une dernière orientation du budget fédéral 2018 est de mettre sur pied un nouveau Programme de formation pour les compétences et l’emploi destiné aux Autochtones. Le budget prévoit des investissements additionnels de 447 millions $ sur cinq ans pour ce Programme qui « remplacera la Stratégie de formation pour les compétences et l’emploi destinée aux Autochtones. » [Budget fédéral 2018 : p. 148-149]
Selon Emploi et Développement social Canada, la Stratégie de formation pour les compétences et l’emploi destinée aux Autochtones visait à favoriser une augmentation de la participation des Autochtones au marché du travail. Afin que les Premières Nations, les Inuits et les Métis « occupent un emploi durable et significatif », cette Stratégie fournissait « divers services de formation professionnelle et de perfectionnement des compétences, notamment des services d’acquisition des compétences essentielles (par exemple littératie et numératie) et des formations spécialisées, pour que les membres de ces collectivités occupent des postes dans les professions à forte demande. » [Emploi et Développement social Canada]
Il est à espérer que le nouveau Programme annoncé dans le budget 2018 assurera la prestation de services comparables aux populations autochtones.
Soutenir la recherche
Le budget fédéral 2018 prévoit près d’un milliard $ sur cinq ans pour les trois conseils subventionnaires ainsi que des investissements supplémentaires dans un nouveau fonds pour la recherche et les Chaires de recherche du Canada. Ces sommes visent directement les milieux de l’enseignement supérieur. Voici des mesures qui retiennent notre attention :
Conseils subventionnaires
Afin de soutenir la recherche fondamentale, le budget de 2018 prévoit 925 millions $ sur cinq ans qui seraient partagés entre les différents conseils subventionnaires. Le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie et les Instituts de recherche en santé du Canada bénéficieraient respectivement de 354,7 millions $ sur cinq ans. Alors que le Conseil de recherches en sciences humaines aurait droit à 215,5 millions $ sur cinq.
Le budget 2018 précise à ce titre que « l’augmentation des budgets annuels des conseils subventionnaires pour la recherche fondamentale atteindrait plus de 25 % en trois ans. Le financement proposé fournirait de plus un soutien accru et des possibilités de formation professionnelle pour environ 21 000 chercheurs, étudiants et employés hautement qualifiés dans l’ensemble du Canada tous les ans d’ici 2021-2022, y compris 6 000 chercheurs de premier plan et chercheurs principaux, 3500 chercheurs en début de carrière, 8000 étudiants de premier cycle, de deuxième cycle et au doctorat, 1300 étudiants postdoctoraux, et 2000 assistants de recherche et techniciens. » [Budget fédéral 2018 : p. 98-99]
Nouveau fonds pour la recherche
Le budget 2018 prévoit par ailleurs une somme de 275 millions $ sur cinq ans pour la création d’un nouveau fonds permettant de « soutenir la recherche internationale, interdisciplinaire, présentant des risques élevés et demandant des résultats rapides. » L’administration serait « confiée au Conseil de recherches en sciences humaines du Canada au nom des trois conseils subventionnaires ». [Budget fédéral 2018 : p. 98]
Chaires de recherche du Canada
Le budget 2018 prévoit finalement « un nouvel investissement de 210 millions de dollars sur cinq ans, à compter de 2018-2019 […] pour le programme des chaires de recherche du Canada afin de soutenir les chercheurs en début de carrière tout en assurant une plus grande diversité parmi les chercheurs sélectionnés et un nombre accru de femmes nommées à des chaires de recherche du Canada. » Ce financement devrait favoriser la création de 250 chaires d’ici 2020-2021. Cette somme est également partagée entre les trois conseils de recherche. [Budget fédéral 2018 : p. 99]
Le plan en matière de recherche du gouvernement fédéral est ambitieux. Il répond même aux demandes des milieux universitaires qui souhaitent un accroissement du financement accordé à la recherche. Ottawa associe par ailleurs ce plan à l’accroissement de la présence des femmes dans la recherche universitaire, sans pour autant cibler des investissements à ce titre.
Les ententes de transfert relatives au marché du travail
Le budget fédéral 2018 prévoit finalement un investissement supplémentaire de 2,7 milliards $ sur six ans dans les ententes relatives au marché du travail conclues avec les provinces. Le gouvernement fédéral souhaite ainsi participer au développement du marché du travail et des compétences de la main-d’œuvre. Il faudra attendre la présentation du budget québécois 2018 pour en savoir sur la part de cet investissement réservée au Québec et la façon dont elle sera utilisée, notamment par Emploi-Québec.
En conclusion
Ce budget fait montre d’intentions louables du gouvernement fédéral : favoriser l’égalité entre les sexes, notamment sur le marché du travail; briser des cycles d’exclusion qui affectent plus durement certaines personnes et communautés, notamment les Premières nations; ou encore miser sur la recherche et le développement des compétences futures afin de mieux positionner le Canada sur la scène internationale. Il est à souhaiter que ces mesures donnent lieu à des avancées réelles pour notre société et l’éducation des adultes.