Icône de Facebook
Icône de LinkedIn
Icône de Twitter

ICEA

Institut de coopération pour l'éducation des adultes

Budget québécois 2018 : combien pour l’éducation des adultes?

Budget du gouvernement du Québec, 2018-2019L’éducation et l’enseignement supérieur

Dans son discours sur le budget, le ministre Leitão a fait valoir que les dépenses en éducation et en enseignement supérieur sont en hausse depuis 2013-2014. Il affirme par ailleurs que son gouvernement respecte son engagement d’une croissance de 3,5 % par année des dépenses en éducation.
 
Une analyse de l’évolution des dépenses de programmes des secteurs de l’Éducation (préscolaire au secondaire) et de l’Enseignement supérieur (collégial et universitaire) révèle qu’il y a bien eu une croissance au cours de cette période (tableau 1). Mais cette analyse révèle également que ces secteurs ont fait face à un désinvestissement en 2015-2016. On note à ce titre que l’enseignement supérieur a été très durement touché par ces compressions : les universités, par exemple, ont dû attendre 2017-2018 pour bénéficier d’un financement supérieur à celui de 2014-2015. On note également que les réinvestissements les plus marqués se feront dans la prochaine année – qui est, rappelons-le, une année d’élections.
 
Compte tenu des travaux que nous avons réalisés ces dernières années sur les réductions du financement public accordé à l’éducation des adultes, force est de constater que la croissance citée par le ministre des Finances s’est fait au prix d’un désinvestissement dont les effets à long terme se font encore sentir au sein de toutes les institutions d’enseignement touchées.
 
Tableau 1 : évolution des dépenses de programmes, éducation en enseignements supérieur, 2013-2014 à 2018-2019
 
Cela dit, il faut souligner le fait que le budget 2018 propose 234 millions $ additionnels en Éducation et Enseignement supérieur pour l’exercice 2018-2019. Ces sommes vont notamment à l’ajout de ressources professionnelles en accompagnement, à la réussite éducative, à la formation de la main-d’œuvre et à la mise en œuvre du Plan d’action numérique. 
 
Par ailleurs, 55 millions $ additionnels sont prévus cette année afin de « moderniser le financement des établissements d’enseignement supérieur » : 5 millions $ pour les cégeps et 50 millions $ pour les universités. Si l'on tient compte des sommes annoncées en mars 2017 pour l’exercice 2018-2019, 32 millions $ seront alloués cette année à la modernisation du financement des cégeps et 121 millions $ à la modernisation du financement des universités. Toute la question est de savoir si ces millions supplémentaires produiront les effets escomptés. Aucune précision n’est donnée quant à la nature de cette « modernisation » et il est difficile d'évaluer si ces millions permettront d'éponger les manques à gagner des années passées. 
 

La réussite éducative

Près de 900 millions $ iront à la réussite éducative au cours de l’exercice 2018-2019. C’est du moins le portrait cumulatif que dresse le gouvernement en s’appuyant sur les annonces faites entre mars 2016 et mars 2018. Au total, les secteurs de l’Éducation (préscolaire au secondaire) et de l’Enseignement supérieur (collégial et universitaire) bénéficieraient d’une somme cumulative de 1,4 milliard $ pour assurer la réussite éducative des étudiantes et des étudiants (tableau 2). Cette somme considérable comprend les nombreuses dépenses que le gouvernement a choisi d’associer à la réussite éducative.
 
Tableau 2 : investissements en réussite éducative de mars 2016 à mars 2018
 
On retrouve dans la liste de ces dépenses 483 millions $ pour l’embauche de ressources additionnelles pour accompagner les élèves et les étudiants dans leur parcours scolaire, 153 millions $ pour la modernisation du financement de l’enseignement supérieur, 80 millions $ pour la bonification de l’aide financière aux étudiants et 55 millions $ pour la mise en œuvre du Plan d’action numérique. 
 
Deux constats peuvent être dégagés relativement à ces investissements : d’une part, toutes ces dépenses de programmes sont inscrites au cadre financier pour l’éducation et l’enseignement supérieur; d’autre part, ils s’adressent presque exclusivement aux institutions scolaires des milieux formels d’apprentissage (primaire, secondaire, collégial, universitaire). De là apparaît un questionnement sur le caractère « éducatif » de la réussite visée par le gouvernement. Il serait plus approprié de parler de « réussite scolaire », puisque les orientations budgétaires du gouvernement semblent exclure les milieux d’apprentissage alternatif, communautaire et non formel de cette réussite. 
 
Par ailleurs, il est également possible de se questionner sur la place accordée aux adultes dans cette réussite : la plupart des plans annoncés à ce jour concernent les jeunes. Pour être éducative, cette réussite devrait également ciblée des adules, en premier lieu ceux qui fréquentent des organismes d’alphabétisation communautaire. 
 

L’alphabétisation

L’alphabétisation n’apparaît nulle part dans les différents documents budgétaires consultés pour l’exercice 2018-2019, pas même dans la liste des investissements liés à la réussite éducative. Les données disponibles concernant le financement du Programme d’action communautaire sur le terrain de l’éducation (PACTE), la principale source de financement de la mission des groupes populaires en alphabétisation du Québec, permettent de croire que le secteur de l’alphabétisation bénéficiera cette année d’un financement comparable à celui de 2017-2018. L’enveloppe du PACTE s’élève à 27,3 millions $ en 2018-2019, ce qui constitue un recul de 0,3 % par rapport au niveau de 2017-2018. 
 
L’annonce du Programme placement réussite pourrait cependant changer la donne en matière de financement de l’alphabétisation communautaire au Québec. Ce nouveau programme engage en effet les organismes d’action communautaire à diversifier leurs sources de financement et à recourir au mécénat privé. Cette incitation à la recherche de fonds privés risque de mobiliser des ressources humaines que les organismes ne pourront affecter à la prestation de services auprès de la population.
 

La francisation

Le budget 2018 prévoit 8 millions $ additionnels par année entre 2018-2019 et 2022-2023 afin de répondre aux besoins croissants en matière de francisation. À cette somme de 40 millions $ sur cinq ans s’ajoutent 10 millions $ additionnels entre 2019-2020 et 2022-2023 pour la francisation en milieu de travail. Rappelons ici que le budget 2017 prévoyait déjà une somme de 15,5 millions en 2018-2019 afin de faire en sorte que les personnes immigrantes bénéficient d’un meilleur accès à des services de francisation. L’annonce de mars 2018 vient à ce titre renforcer l’engagement pris par le gouvernement québécois en mars 2017. 
 

La formation et l’emploi

Le budget 2018 comprend plusieurs mesures visant à favoriser l’intégration en emploi des travailleuses et des travailleurs ou à s’assurer que ces personnes disposent des compétences et des qualifications nécessaires pour occuper un emploi. Une somme de 23,5 millions $ sur cinq ans, dont 3,5 millions $ en 2018-2019, ira à la bonification des programmes d’Emploi-Québec. Tandis que 277,5 millions $ sur cinq ans iront à l’adaptation de l’offre de formation aux besoins du marché du travail (17,5 millions en 2018-2019), au développement de l’offre de formation continue (7,6 millions en 2018-2019), à la mise en place d’un nouveau crédit d’impôt pour favoriser la formation qualifiante des travailleurs en emploi dans les PME (2,3 millions en 2018-2019) et à la bonification du crédit d’impôt pour stage en milieu de travail (1,2 million en 2018-2019).
 

En conclusion

Tout comme le budget 2017, le budget 2018 est à saveur électoraliste. Cependant, même si la volonté du gouvernement du Québec de faire de l’éducation une priorité y est appuyée par des réinvestissements, il est difficile de déterminer quelle part de ces sommes ira à l’éducation des adultes. De grands secteurs de l’éducation des adultes sont en effet occultés dans ce budget. Que ce soit dans le fascicule sur l’éducation ou dans le plan économique, on ne retrouve littéralement aucune référence à l’alphabétisation ou à l’éducation populaire : deux lieux d’apprentissage dont le rôle est pourtant stratégique à l’égard de la réussite éducative des adultes.
 
À ce titre, il est désolant de constater que la réussite souhaitée par le gouvernement est avant tout « scolaire » et principalement orientée vers les jeunes. Pour que cette réussite soit véritablement éducative, le gouvernement doit faire plus de place à l’éducation des adultes et prendre des engagements qui incluent la participation des milieux d’apprentissage alternatif, communautaire et non formel. Une analyse détaillée des engagements pris en matière de réussite éducative devrait être réalisée en prévision des prochaines élections générales afin de formuler des recommandations à cet effet.