Nous publions une lettre ouverte de Madame Isabelle Salesse, présidente du Réseau pour le développement de l'alphabétisme et des compétences (RESDAC) concernant les orientations du Gouvernement fédéral en regard du financement des organisations. Cette lettre est une des manifestations des organisations en analphabétisation et en développement des compétences en réaction aux coupures de financement décidées par le Gouvernement fédéral.
Le débat actuel concernant le financement du développement de l’alphabétisme et des compétences au Canada dérape. Prétendre, comme le fait le ministère d’Emploi et Développement social Canada (EDSC) que « for many years federal literacy funding was going to the same organizations to cover the costs of administration and research papers instead of funding projects that result in improving the literacy skills of Canadians »1 est faux.
La vérité est beaucoup plus complexe. Dans la réalité, le gouvernement fédéral ne finance pas, et n’a jamais financé ce réseau pan canadien d’organisations pour livrer des services directement aux adultes moins alphabétisés. Ce n’est pas le rôle de ces organisations. De laisser entendre, maintenant, que ce réseau, n’a pas livré la marchandise, frôle l’ironie et surtout, ne tient pas compte des juridictions canadiennes et des règles établies par le gouvernement fédéral lui-même en cette matière.
Par contre, le financement fédéral a permis au cours des années (par l’entremise du Secrétariat national à l’alphabétisation -SNA et du Bureau de l’alphabétisation et des compétences essentielles -BACE) de développer une expertise unique au Canada en matière d’alphabétisme et développement de compétences dans les secteurs de la recherche, de l’innovation, de l’information et du partenariat. Ces avancées ont permis de mieux comprendre les réalités complexes liées au phénomène de l’alphabétisme et du développement des compétences dans des pays comme le Canada, les enjeux économique et sociaux qu’ils représentent et, surtout les défis auxquels nous sommes confrontés comme société au Canada.
De suggérer, maintenant, pour des raisons obscures, que « Canadian taxpayers will no longer fund administration of organizations but will instead fund useful literacy projects1», déplace le débat, tronque la réalité et trompe les citoyens.
La réalité est beaucoup plus complexe. Les adultes du Canada ont des besoins multiples et complexes en matière de formation et développement de compétences. Nous possédons maintenant un portrait à jour de ces nombreux défis (grâce entre autre aux enquêtes internationales comme PEICA-2012). Il faut donc que les acteurs politiques, sociaux et économiques se mobilisent dès maintenant afin de faire de ce dossier une priorité pancanadienne. Nous devons bâtir ensemble une vision stratégique du développement des compétences pour la vie.
« L’efficacité des politiques des compétences est l’affaire de tous…Concevoir des politiques efficaces en faveur des compétences ne se limite pas à la coordination des différents secteurs de l’administration publique et à l’harmonisation de l’action des différents niveaux de l’exécutif. De fait, un vaste éventail d’acteurs non gouvernementaux, notamment les employeurs, les associations professionnelles, les chambres de commerce, les syndicats, les établissements d’enseignement et de formation, et bien sûr, les particuliers, doivent être impliqués », affirma l’OCDE dans son rapport publié à l’automne 2013. « Des compétences pour la vie ? ».
Alors que les rapports des dernières années et les avis des experts convergent sur la nécessité de mettre en oeuvre « des politiques qui visent à proposer des opportunités de formation de qualité tout au long de la vie pour permettre aux adultes de demain de conserver leurs compétences », le Canada semble prendre une autre direction. Laquelle? Serions-nous sur la mauvaise voie? Difficile à savoir et à comprendre.
Alors que le Canada devrait se concentrer à aider les collectivités à réagir aux changements, à édifier une culture d’apprentissage qui célèbre et appuie l’innovation continue…2
Alors que l’importance de la formation et de l’éducation des adultes est évidente dans ce nouveau monde de changement et de complexité, l’éducation des adultes est devenue invisible au Canada. Alors qu’il y pas si longtemps, nous étions un des leaders mondiaux dans ce domaine…3
Alors que les politiques et les programmes devrait permettent aux adultes canadiens d’actualiser leur compétences de base pour participer activement à la vie et au développement économique de leur communauté afin de faire face aux défis de la société du XX1e siècle….4
Le ministère Emploi et Développement Social Canada (EDSC) a décidé de se passer des expertises et des compétences d’un réseau solide, implanté partout au Canada, qui oeuvre avec les gouvernements provinciaux et territoriaux, avec les acteurs sociaux et économiques, et avec différents groupes linguistiques, culturels et avec les populations les plus vulnérables.
C’est un choix. À notre avis c’est le mauvais choix pour le Canada!
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1 Citation d’Alexandra Fortier, secrétaire de presse du ministre Jason Kenny, tirée de l’article « Adult literacy programs in trouble, warns advocacy groupc » sur le site de CBC news – Calgary, le 16 mai 2014.
2 Extrait de « L’apprentissage, une compétence essentielle à la survie au XXIe siècle », notes pour le Forum de 2010 « Vers l’apprentissage à vie : Intensifions la démarche » du Réseau apprentissage chez les adultes à Ottawa, le 7 novembre 2010, Tim Brodhead, président, La fondation de la famille J.W. McConnell
3 Idem
4 Extrait « Un rêve pour l’éducation des adultes au pays : un rêve réalisable » allocution de Paul Bélanger dans le cadre du Forum de 2010 « Vers l’apprentissage à vie : Intensifions la démarche » du Réseau apprentissage chez les adultes à Ottawa, le 7 novembre 2010.