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ICEA

Institut de coopération pour l'éducation des adultes

Les Fab Labs : des lieux d’apprentissage, de création, d’expérimentation, d’innovation et de partage

Au mois de juin 2023, l’ICÉA organise un forum sur le bien public et le bien commun en éducation des adultes. Dans le cadre de la démarche collaborative préforum, nous allons à la rencontre d’une diversité de personnes, d’organisations et d’institutions qui travaillent et contribuent à l’éducation, à la formation et à l’apprentissage des adultes. C’est dans ce contexte que nous nous sommes intéressés aux Fabs Labs et que nous avons rencontré Guillaume Coulombe, cofondateur de Fab Labs Québec[1].

Les Fab Labs : un réseau mondial d'ateliers locaux

Logo Fab LabLes Fab Labs (abréviation de Fabrication Laboratory) sont des ateliers locaux de création et de fabrication numérique. Ils font partie d’un réseau mondial d’ateliers locaux qui adhèrent à la charte internationale des Fab Labs. Les Fab Labs ne sont pas juste des lieux physiques, mais des communautés de personnes qui s’impliquent, collaborent et partagent.

Les Fab Labs sont tous différents. Créés par un groupe de personnes, une organisation ou une institution pour répondre à certains besoins, ils ont des approches et des modes de fonctionnement différents[2].

Est-ce que tous les ateliers, les laboratoires ou les espaces d’innovation ouverte et de fabrication numérique sont des Fab Labs ? La réponse est non. Pour utiliser le nom Fab Lab, il faut respecter la charte des Fab Labs. Publiée en 2007, la charte est une référence, comme l’expliquent Ferchaud et Dumont (2017), mais « elle est interprétée librement ». La charte recommande notamment que les Fab Labs soient ouverts au public un certain nombre de jours par semaine, qu’ils disposent d’un ensemble de machines et de matériaux et qu’ils participent à une communauté mondiale de partage de connaissances.

À côté des Fab Labs, on retrouve donc d’autres types d’espaces ou de tiers-lieux (Scaillerez et Tremblay, 2017) : makerspace, médialab, ruche d’art, biolab, créalab, hackerspace, living labs, espace de co-working, etc.

Le premier Fab Lab a vu le jour au Massachusetts Institute of Technology (MIT) au sein du Center for Bits and Atoms au début des années 2000. C’est Neil Gershenfeld, professeur au MIT, qui est derrière cette idée. Quelques années après la création du premier Fab Lab, la Fab Foundation a été mise sur pied pour soutenir le développement du réseau international des Fab Labs. Il existe également une association internationale des Fab Labs. Dans le monde, on retrouve environ 2000 Fab Labs dans près de 150 pays[3].

Figure 1: Qu'est-ce qu'un Fab Lab ?

Ce qu'est un Fab Lab

Source : Figure inspirée de l’œuvre de Laura Pandelle

 

Que fait-on dans un Fab Lab et qui peut s’y rendre ?

Au sein d’un Fab Lab, diverses ressources sont accessibles[4] aux utilisateur·trice·s tels que des ordinateurs et des machines-outils pour fabriquer des objets, mais aussi des œuvres artistiques. Faut-il être un·e habitué·e des technologies et du numérique pour y accéder ? Pas du tout. Comme on peut le lire sur le site de Fab Lab Québec, les Fab Labs sont des lieux d’entraide, d’apprentissage et de partage de savoirs et de connaissances :

En outre, le Fab Lab est un espace d’occasion communautaire où chaque citoyen·ne peut avoir sa chance pour accéder aux technologies, apprendre à agir, réaliser ses projets et partager ses connaissances avec le reste de la communauté. C’est un moyen pour renforcer la participation citoyenne, pour favoriser l’inclusion sociale et pour contribuer à l’établissement d’une justice environnementale[5].

 

Le développement des Fab Labs résulte d’une volonté de démocratiser l’accès à des technologies et à des outils numériques pour permettre aux citoyen·nne·s de répondre à leurs besoins ou à ceux de leurs communautés. Une visée transformatrice est privilégiée tant à travers les projets individuels que collectifs qui y sont développés. Plusieurs auteur·e·s parlent d’une réappropriation de la technologie, de certains outils et de certaines activités de production et de fabrication, et d’une démarche de capacitation des utilisateur·trice·s. Comme le mentionne Rumpala (2014), cette démarche collective et communautaire de capacitation n’est pas sans rappeler celle de l’éducation populaire.

Bien entendu, malgré la volonté de démocratiser l’accès à des technologies et à des outils numériques, et de favoriser l’inclusion numérique, ces lieux peuvent être perçus comme étant peu accessibles, par exemple, pour des personnes moins alphabétisées, à risque ou en situation d’exclusion numérique. Récemment, un rapport du Centre de documentation sur l’éducation des adultes et la condition féminine (CDÉACF) présentait justement un certain nombre de constats concernant l’accessibilité des bibliothèques pour les personnes moins alphabétisées.

Fab Labs au Québec et Fab Labs Québec

Au Québec, échofab, une initiative de l'Organisme Communautique, est le premier Fab Lab à avoir été reconnu et homologué au MIT (Ducharme et Chartrand, 2017; Chartrand, 2014). Il a été créé en 2011. C'est aussi le premier Fab Lab canadien.

Il existe actuellement plus d’une cinquantaine de Fab Labs au Québec[6]. Ils sont présents dans différents types d’organisations et de lieux : écoles secondaires, cégeps, universités, bibliothèques[7], musées, organismes à but non lucratif, milieu industriel, etc. Quelques Fab Labs autochtones ont également vu le jour dans les dernières années. Le premier est le Fab Lab Onaki, mis en place par le Centre d’Innovation des Premiers Peuples (CIPP) où se rencontrent les cultures des Premières Nations, les savoirs traditionnels et le numérique[8].

Fab Labs QuébecAu Québec, Fab Labs Québec est actif depuis 2011. En 2019, l’organisation est devenue la coopérative de solidarité Fab Labs Québec. La coopérative appuie de différentes manières les personnes ou les organisations qui souhaitent ou qui sont en processus de création d’un Fab Lab. Elle veut favoriser la collaboration entre les Fab Labs existants, ceux en création et les projets ou « ateliers amis » mis en place par des organisations et des institutions variées œuvrant dans toute sorte de domaines et de secteurs. On parle d’interstructure rassemblant « les personnes, les Fab Labs et les organisations de l'écosystème qui s’organisent ensemble, pour réaliser ce qui serait impossible sans les autres »[9]. « Développer le monde des Fab Lab et la coop Fab Lab Québec comme un commun, c’est une vision qu’on partage à la coop. Et c’est aussi un défi qu’on a d’arriver à le faire » nous disait Guillaume Coulombe.

Les Fab Labs comme lieu d’éducation, de formation et d’apprentissage pour les adultes

Les Fab Labs sont des lieux d’éducation, de formation et d’apprentissage pour les adultes. Dans un Fab Lab, on apprend par le faire, on apprend par la pratique et à son rythme. Guillaume Coulombe de Fab Labs Québec nous mentionnait à ce propos :

Le Fab Lab est un espace d’apprentissage non linéaire où on n’a pas besoin que tout le monde commence l’année en même temps et finisse l’année en même temps ou que tout le monde travaille sur le même exercice en même temps […] On donne l’occasion à des gens de se développer comme ils ont envie de se développer. Je pense que c’est important de leur faire confiance aussi.

Le partage de connaissances, de compétences et de ressources, les échanges et l’apprentissage par les pairs ou entre pairs sont également au cœur de l’approche des Fab Labs. Koran et Rey (2021) mentionnent justement que le Fab Lab permet le passage du « Do It Yourself » (DIY) et du mouvement des makers au « Do It With Others » (DIWO).

Des médiateur·trice·s sont présents dans les Fab Labs pour accompagner les utilisateur·trice·s dans leurs projets et leurs expérimentations. Des formations se donnent également en ateliers. Dans certains Fab Labs, des formations plus intensives sont offertes. C’est le cas au Fab Lab Onaki où une formation de quatre mois en plus d’un stage en entreprise est offerte. Plusieurs Fab Labs présents dans les établissements d’enseignement offrent aussi en collaboration avec le personnel (enseignant·e·s, directions, etc.) des formations et des activités d’apprentissage. Ils sont d’ailleurs présentés par certaines personnes comme étant des outils pédagogiques. Au sein des Fab Labs, on peut donc faire des apprentissages dans des contextes formels, non formels et informels[10].

Des initiatives fort intéressantes ont également été mises en place, spécifiquement pour les apprenant·e·s adultes. On peut mentionner, par exemple, le Fab lab du Centre d'éducation des adultes (CÉA) Le Moyne-D'Iberville à Longueuil. On peut également mentionner La Shop, un Fab Lab mis en place par le Carrefour Jeunesse Emploi d’Abitibi-Ouest (CJEAO) à La Sarre. Dans ce Fab Lab, il est possible de suivre le Programme Préparatoire à l’Emploi (PPE) pour les jeunes adultes de 18 à 35 ans qui ne sont ni en emploi, ni au travail, ni aux études.

Un récent rapport s’est intéressé à la contribution des Fab Labs à l’intégration socioprofessionnelle des personnes en recherche d’emploi et à la persévérance scolaire, notamment grâce aux compétences (numérique, technique, sociale, transversale, etc.) qui peuvent y être acquises (Koran et Rey, 2021). Dans cette optique, Guillaume Coulombe nous expliquait son point de vue selon lequel « le Fab Lab est un vecteur d’emploi du futur en termes de connaissances globales et spécialisées à mobiliser, et de compétences transversales […] ».

Plusieurs personnes et organisations, dont Communautique, travaillent à développer des badges numériques[11] pour reconnaître les compétences acquises lors d’activités d’apprentissage et de formation dans les Fab Labs.

On peut donc dire que les Fab Labs sont des lieux d’apprentissage (formel, informel et non formel) et de formation continue. Ils sont un bien commun contribuant à l’autonomisation et à la capacitation des personnes, et favorisant le travail collaboratif, la création de liens sociaux ainsi que l’innovation et la transformation sociale.

À retenir vers le forum

Du modèle des Fab Labs se dégagent quelques idées sur le bien commun.

  • La co-création, le partage et la mise en commun de connaissances et de compétences;
  • La création ainsi que la gestion collective et communautaire d’ateliers locaux;
  • Les logiques contributives et collaboratives au cœur du fonctionnement;
  • Des lieux qui incarnent et où se développent des communs.

Références

CDÉACF (2018). Tout est dans l’accueil. Utilisation et perceptions des bibliothèques publiques de la Ville de Montréal par les personnes moins alphabétisées, Montréal. CDÉACF. https://bv.cdeacf.ca/documents/PDF/Tout-est-dans-l-accueil-CDEACF-BVM.pdf

Chartrand, M. (2014). L’échoFab, 1er Fab Lab Canadien homologué au MIT. Substance. Actualité scientifique et innovation de l’ÉTS. https://substance.etsmtl.ca/lechofab-1er-fab-lab-canadien-homologue-au-mit

Desautels, J. et M. Saint-Jacques Couture (2018). « Dix conseils pour monter votre fab lab, inspirés de l’expérience d’implantation du fab lab de Brossard ». Documentation et bibliothèques 64(2) : 31-39. https://doi.org/10.7202/1059159ar

Ducharme, M.-O. et M. Chartrand (2017). ÉchoFab : l’histoire du 1er Fab Lab MIT canadien. Substance. Actualité scientifique et innovation de l’ÉTS. https://substance.etsmtl.ca/echofab-fab-lab-mit-canadien-histoire

Ferchaud, F. et M. Dumont (2017). « Les espaces de fabrication et d’expérimentation numérique sont-ils des tiers-lieux ? ». Territoire en mouvement Revue de géographie et aménagement (34). https://doi.org/10.4000/tem.4203

Gil, L. (2022). « A fablab at the periphery: Decentering innovation from São Paulo ». American Anthropologist 124(4) : 721-733. https://doi.org/10.1111/aman.13769

Koran, D. et L. Rey (2021). Revue de littérature: Portraits des fablabs, leurs origines et modèles actuels. Rapport pour le compte de « Intégration Compétences ». https://humanovis.ca/wp-content/uploads/2022/06/Revue-de-litterature-sur-les-fablabs_v1.pdf

Mboa Nkoudou, T. H. (2021). Stratégies de résistance à la technocolonialité : Apprendre des fablabs d’Afrique. Revue Possibles 45(1) : 119-129. https://revuepossibles.ojs.umontreal.ca/index.php/revuepossibles/article/view/389

Rumpala, Y. (2014). « ‘Fab labs’, ‘makerspaces’ : entre innovation et émancipation ? ». Revue internationale de l'économie sociale (334) : 85-97. https://doi.org/10.7202/1027278ar

Scaillerez, A. et D.-G. Tremblay (2017). « Coworking, fab labs et living labs ». Territoire en mouvement Revue de géographie et aménagement (34). https://doi.org/10.4000/tem.4200

Pour en savoir plus

Visiter le site Internet de Fab Labs Québec : https://fablabs.quebec/

Visiter le site Internet de Fab Lab Nation, un réseau canadien de Fab Labs : https://www.fablabsnation.ca/

 


[1] Merci à Guillaume Coulombe pour ses commentaires et pour les précieux échanges autour de cet article.

[2] Malgré un ancrage local centré sur des besoins et des préoccupations spécifiques, on retrouve des réflexions sur le transfert du modèle Fab Lab et les enjeux de technocolonialité (Gil, 2022; Mboa Nkoudou, 2021).

[3] https://live.fablabs.io/

[4] Selon les contextes, cet accès peut être réservé ou donné en priorité à certains publics.

[5] https://fablabs.quebec/?page_id=122

[7] Pour en savoir plus sur les Fab Labs dans le milieu des bibliothèques : https://bibliomancienne.ca/2012/10/10/les-fab-labs-en-bibliotheque-nouveaux-tiers-lieux-de-creation/ et Martel, M. D. (2018). « Modéliser la maison des communs : l’évaluation de l’impact des fab labs en bibliothèque ». Documentation et bibliothèques 64(2) : 23-30. https://doi.org/10.7202/1059158ar