Des stigmates de l’austérité budgétaire des années passées
La journée même où le nouveau gouvernement de François Legault s’engageait à faire de l’éducation une priorité, un article publié dans le Devoir nous apprenait que la Commission scolaire de Montréal (CSDM) puise dans les fonds pour la formation générale des adultes et la formation professionnelle afin de financer des services spécialisés à l’éducation des jeunes. Voilà un superbe exemple des stigmates que la politique d’austérité budgétaire du précédent gouvernement a laissé au système d’éducation du Québec.
Comme l’explique le Devoir dans son édition du 28 novembre, la CSDM ne cache pas sa pratique et il semble qu’elle n’ait enfreint ni règle ni loi. Elle parvient même à justifier la réallocation des fonds destinés à la formation générale des adultes et à la formation professionnelle. La CSDM précise en effet que ces sommes ont servi à pallier le sous-financement des services aux élèves en difficultés du primaire et du secondaire (élèves en situation de handicap ou qui ont des difficultés d’adaptation ou d’apprentissage, qui sont en classe d’accueil et de francisation). Cette pratique n’en affecte pas moins la qualité des services éducatifs et spécialisés que reçoivent des adultes : des personnes qui se retrouvent souvent en situation précaire, à risque d’exclusion sociale et économique ou aux prises avec des difficultés d’adaptation ou d’apprentissage.
Des besoins importants et nombreux!
La formation générale des adultes et la formation professionnelle sont deux secteurs de l’éducation formelle qui doivent composer avec un nombre limité de ressources spécialisées. Selon le Devoir, le nombre de personnes professionnelles « équivalents à temps plein » à la formation générale des adultes est passé de 353, en 2011-2012, à 303, en 2015-2016. Pourtant, les besoins éducatifs des personnes qui se trouvent au secteur des adultes ne sont pas moins importants ni moins nombreux que ceux des élèves du secteur des jeunes.
Il est difficile de mettre la main sur des statistiques concernant la présence des élèves en situation de handicap ou qui ont des difficultés d’adaptation ou d’apprentissage HDAA à la formation générale des adultes. Cependant, rien ne permet de croire que ce secteur échappe à la croissance des élèves à besoins particuliers observée au cours des dernières années chez les jeunes. De fait, la proportion d’élèves HDAA à la formation générale des jeunes est passée de 10,8 %, en 2001-2002, à 20,4 %, en 2015-2016 (CDPDJ, 2018 : p. 26). On sait par ailleurs que les personnes en FGA, qu’elles soient adultes ou plus jeunes, ont souvent vécu des parcours de vie difficile et qu’elles ont grand besoin de soutien.
Rappelons que le budget québécois d’avril 2018 prévoyait qu’une somme de 483 millions $ alloués à la réussite éducative serait consacrée à l’embauche de ressources additionnelles afin d’accompagner les jeunes et les adultes tout au long de leur cheminement éducatif (Québec, 2018 : p. 10).
Rehausser le financement de la FGA
Au cours des deux dernières années, l'ICÉA a produit au moins trois documents sur le financement public dédié à l’éducation des adultes (ICÉA, 2018, 2017 et 2016). Les conclusions de ces trois rapports mettent en lumière la fragilisation des services éducatifs destinés aux adultes qui a été occasionnée par les politiques de réductions budgétaires mises de l’avant entre 2010 et 2015.
Le rapport de 2016 prend la forme d’une enquête effectuée auprès d’organisations touchées par des réductions de financement entre 2010 et 2015. Il révèle notamment que la formation générale des adultes était l’un des secteurs le plus souvent cités comme ayant subi des réductions par les organisations répondantes.
L’un des portraits publiés en 2017 illustre les impacts de la réduction du financement public entre 2010 et 2015 sur un centre de formation générale des adultes. On y apprend notamment que ces réductions ont perturbé l’offre de services psychosociaux, entraîné des réductions du nombre de classes en francisation et de la durée des formations soutenues par Emploi-Québec ou encore affecté le personnel enseignant (plus d’élèves par classe et de postes temporaires) et l’organisme (vétusté des locaux et du matériel).
Quant au document produit à la suite de la Journée d’étude sur le financement de l’éducation des adultes tenue le 22 février 2018, il a permis à une intervenante de souligner des moyens permettant de répondre aux besoins des adultes inscrits à la FGA : « Pour répondre aux besoins d’éducation des adultes, il faudrait procéder à des investissements importants dès maintenant. Ces apports devraient s’accompagner d’une enveloppe ouverte pour l’ensemble de l’allocation de base afin qu’elle réponde véritablement aux besoins des adultes. En outre, cette allocation devrait comprendre des mesures protégées et dédiées à l’éducation des adultes (par conséquent non transférables d’un secteur à l’autre), et ce, afin que l’on puisse constater et documenter les réels investissements consentis dans ce secteur de l’éducation. » (ICÉA, 2018 : p. 16)
Leadership du Ministère et transparence budgétaire
En conclusion, il est difficile de ne pas s’inquiéter du fait qu’une commission scolaire puise dans le financement de secteurs stratégiques comme la formation générale des adultes ou la formation professionnelle afin d’équilibrer son budget. C’est apparemment la résultante d’une situation de sous financement qui contraint les institutions à faire des choix difficiles au nom de l’équilibre budgétaire. Ces institutions devraient plutôt se retrouver en position de faire les choix nécessaires au nom de la réussite éducative de tous. Le gouvernement du Québec s’est engagé en ce sens dans sa récente politique sur le sujet.
Pour l’avenir, l'ICÉA milite en faveur de l’énoncé de règles budgétaires qui favorisent tout à la fois la transparence, le respect des enveloppes dédiées, l’adéquation avec les besoins réels et une meilleure compréhension du financement accordé à l’éducation des adultes. Plus globalement, nous appelons à un financement adéquat de l’éducation des adultes.