Afin de préparer cette première journée de sensibilisation, l’ICÉA a formé un comité constitué d’Autochtones impliqués en éducation des adultes et de membres de l’ICÉA. La première rencontre du comité organisateur a eu lieu le 5 mars dernier. Les échanges ont été riches et plusieurs sujets ont été abordés. Étant donné que le parcours éducatif des Autochtones est intimement lié à leurs cultures, leurs valeurs et leur histoire, la première journée portera sur ces thèmes. Savez-vous :
- Combien y a-t-il de Nations et de communautés autochtones au Québec?
- Pouvez-vous nommer ces Nations et leur langue respective?
- Combien y a-t-il d’Autochtones à Montréal?
- Où étudient les Autochtones?
- Y a-t-il des écoles autochtones en communauté?
Ce ne sont là que quelques-unes des questions qui seront abordées lors de la première journée de sensibilisation. Bien que le programme ne soit pas encore tout à fait défini, nous savons d’ores et déjà que nous expérimenterons ce qu’ont vécu les Autochtones. Rien de tel que d’apprendre par l’expérience; une approche pédagogique d’ailleurs privilégiée par les Autochtones.
Une série de journées d’étude pourra ultérieurement aborder d’autres sujets, par exemple les pédagogies autochtones, les moyens d’intégrer ces pédagogies dans les enseignements, comment rendre nos milieux éducatifs accueillant pour les Autochtones, autrement dit comment assurer leur sécurité culturelle.
Présentation des membres du comité organisateur : déjà riche d’enseignement
La première rencontre du comité organisateur a surtout servi à faire connaissance et à se présenter les unes et les autres. À partir de ce simple tour de table, beaucoup d’enjeux qui touchent les Autochtones ont été nommés. Tout comme nous l’avons vécu, je vous présente les membres du comité et les enjeux qu’ils et elles ont soulevés.
Dominic Sainte-Marie représente le Regroupement des centres d’amitié autochtones du Québec (RCAAQ). Ce dernier regroupe 11 centres implantés au Québec depuis 40 ans. Ces centres s’adressent aux Autochtones en ville. Ce terme est couramment utilisé pour nommer les Autochtones qui ne vivent pas en communauté. Ici, le terme communauté est privilégié à celui de « réserve ». Un axe important de travail du RCAAQ est d’assurer une sécurité culturelle aux Autochtones en ville. L’approche du RCAAQ est aussi axée sur la culture. Les activités offertes créent des contextes culturels autochtones même si elles se passent en ville. Par exemple, à Montréal des femmes font du perlage tout en abordant différents sujets.
Diane Labelle représente le Conseil scolaire des Premières Nations en éducation des adultes (CSPNEA). Les six centres d’éducation des adultes (CRÉA) destinés aux Autochtones permettent de répondre à leurs besoins. Par exemple, les jeunes adultes ont souvent des responsabilités familiales. Plusieurs ont des vécus difficiles, dont des traumatismes intergénérationnels ou continus. Le personnel des CRÉAs pour Autochtones tiennent compte de ces réalités et comprennent le contexte de vie dans les communautés. Ils assurent un lieu où les adultes en apprentissage se reconnaissent en matière de valeurs, de besoins, de cultures, des enjeux et difficultés vécus avec un système d'éducation qui les ignore. Les adultes en apprentissage veulent voir leur culture représentée tant dans les outils pédagogiques que dans les lieux physiques.
Or, peu de CRÉAs québécois répondent à ces besoins. Le parcours scolaire, construit de façon individuelle et compétitive, est souvent en conflit avec les valeurs de la culture communautaire autochtone. Il y a très peu de représentation autochtone dans ces CRÉAs et les adultes autochtones font souvent face aux jugements quand ils ne répondent pas aux exigences. Par ailleurs, la façon d’évaluer les apprentissages et les compétences par des examens pose un réel problème.
Nicole Obomsawin est anthropologue et muséologue. Elle a entre autres enseigné l’anthropologie et assuré la direction du Musée des Abénakis à Odanak. Depuis 2012, elle enseigne à l’Institut Kiuna et à l’université du 3e âge. Mme Obomsawin fait aussi de la sensibilisation dans plusieurs écoles et elle voit comment la vision des Autochtones est encore très folklorique et stéréotypée.
L’Institut Kiuna est le premier collège au Québec destiné aux Autochtones et est situé en territoire abénakis. Il s’est écoulé 10 ans entre le moment où il a été réclamé et le moment où il a été créé. Kiuna reçoit des Autochtones de toute provenance et offre de l’hébergement par l’intermédiaire de quatre résidences, dont une est réservée aux familles. Kiuna reçoit entre 60 à 70 jeunes adultes par session dont la moyenne d’âge est de 22 à 24 ans. Cette moyenne est plus élevée que dans les autres collèges, notamment parce que certaines personnes ont essayé d’étudier dans d’autres cégeps avant d’arriver à Kiuna. D’autres ont d’abord fondé une famille avant de reprendre les études au cégep.
Kiuna vise à être plus signifiant pour les Autochtones, notamment dans la façon d’apprendre. Autrement dit, la réussite académique est présente, mais Kiuna travaille aussi à développer la fierté par rapport à la culture et à l’identité autochtones. Il insiste aussi sur l’importance de la sécurisation culturelle.
Cette approche est d’autant plus importante qu’il n’y a pas d’écoles primaires et secondaires pour les jeunes Autochtones abénakis. Cela dit, beaucoup d’autres communautés autochtones ont des écoles primaires et secondaires. Malgré tout, ces écoles doivent respecter le curriculum du ministère de l’Éducation et ne peuvent pas adapter l’enseignement à la culture autochtone. Ce qui fait que le taux de décrochage est élevé ou, nous dit Nicole Obomsawin, « l’école décroche de ses élèves ».
En outre, la mission de Kiuna est aussi d’amener les jeunes adultes à devenir des citoyennes et citoyens engagés dans le monde. L’approche de Kiuna est un franc succès puisque 80 % de ses diplômé.e.s poursuivent leurs études à l’université.
Marie-Pierre Clavette représente la Coalition des organismes communautaires pour le développement de la main-d'œuvre (COCDMO). Il s’agit d’un regroupement de réseaux nationaux qui rassemblent des organismes travaillant en développement de la main-d’œuvre, comme les Carrefours Jeunesse Emploi (CJE) ou les entreprises d'insertion. Le mandat principal de la COCDMO est de défendre les besoins des personnes éloignées du marché du travail.
Jean-Pierre Mercier est enseignant et chercheur au Département d'éducation et formation spécialisées de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Il a enseigné à Québec pendant une vingtaine d’années; la moitié du temps auprès des jeunes et l’autre moitié auprès des adultes. Il y avait une proportion significative d’Autochtones au centre d’éducation des adultes où il a enseigné, mais répondre à leurs besoins spécifiques était difficile.
Les Premières Nations sont présentes dans ses travaux bien que cela avance lentement. Après chaque pas, il prend le temps de vérifier si ce qu’il entreprend est la bonne chose à faire. Il constate que les Premières Nations sont très sollicitées et il se demande si ce qu’il veut entreprendre peut les aider ou au contraire les surcharger.
Avec des collègues, il songe à un projet pour former les enseignantes et les enseignants en FGA à propos de la culture et des besoins des adultes autochtones. Il pense entre autres à une approche développée en Nouvelle-Zélande qui se fonde sur les potentiels des Maoris.
Maxime Goulet-Langlois d’Exeko n’a pas pu être présent (il était à Inukjuak pour un projet avec les Inuits), mais il fait aussi partie du comité.
Louise Brossard, chercheuse en éducation des adultes à l’ICÉA, assure l’animation et la coordination des travaux du comité organisateur.
Le rôle de l’ICÉA
Le rôle de l’ICÉA en ce qui concerne les réalités éducatives des Autochtones adultes pourrait toucher différents sujets qui se préciseront au fil du temps. On pense, par exemple, à des actions favorisant la réconciliation, à des moyens de mieux prendre en compte les besoins des Autochtones en éducation des adultes. Enfin, l’ICÉA peut engager la discussion sur les actions que peuvent faire les Allochtones pour devenir des allié.e.s pertinents des Autochtones. Sur ce dernier sujet, un outil a été construit et peut guider nos efforts; cliquez sur "outil" pour y accéder.
Une journée prometteuse
La description des membres du comité organisateur nous donne un avant-goût de l’étendue des réalités autochtones qu’il nous reste à connaître. Mieux connaître ces réalités constitue un des moyens de créer des ponts entre Autochtones et Allochtones; un pas vers la réconciliation.
Surveillez nos publications et nos courriels pour plus d’information sur la date et le lieu de cette journée de sensibilisation. C’est un rendez-vous de l’automne 2019 à ne pas manquer!