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ICEA

Institut de coopération pour l'éducation des adultes

Sept priorités du ministre de l’Éducation : où est l’éducation des adultes?

Des priorités en éducation qui n'incluent pas les adultes

Le 26 janvier, Bernard Drainville, le nouveau ministre de l'Éducation, a annoncé sept priorités en éducation pour améliorer la réussite éducative et s'attaquer à la pénurie de main-d'oeuvre dans le milieu de l'enseignement. 

  1. Revaloriser l’enseignement du français
  2. Rétablir une voie rapide vers le brevet d’enseignement
  3. Offrir du renfort à nos enseignantes et enseignants
  4. Avoir des projets pédagogiques particuliers (PPP) plus accessibles et plus nombreux
  5. Investir dans la formation professionnelle
  6. Rendre notre réseau scolaire plus performant
  7. Poursuivre la rénovation et la construction d'écoles

Si ces priorités sont importantes, malheureusement, l’éducation des adultes est encore une fois la grande oubliée.

Dans les priorités du ministre, le seul endroit où il est vraiment question des adultes, c’est lorsqu’il propose d'avoir un·e adulte dans la classe pour accompagner les enseignant·e·s, les aides à la classe. Rien n’est dit sur l’éducation et la formation des adultes.

La formation professionnelle

La formation professionnelle est mentionnée dans les priorités du ministre de l’Éducation. Cependant, lorsqu’il est question de la formation professionnelle (FP), le ministre parle des jeunes. Or, les élèves de plus de 25 ans sont plus nombreux à la FP que les 24 ans et moins et cette tendance augmente année après année[1]. En formation générale des adultes (FGA), les élèves de 25 ans et plus sont également plus nombreux que les élèves de 24 ans et moins.

Les données fournies par le ministère de l’Éducation du Québec (MEQ) permettent de constater que les effectifs des 25 ans et plus à ces deux secteurs de l’éducation formelle dépassent ceux des 24 ans et moins. C’était le cas en 2019-2020 et c’est encore le cas en 2020-2021. Les effectifs combinés des 25 ans et plus de la FP et de la FGA pour l’année 2020-2021 totalisent 161 259 personnes comparativement à 108 962 personnes pour les 24 ans et moins (voir le tableau 1). N’est-il pas important de s’occuper aussi de ces personnes, de penser à leurs besoins et à leur réussite?

Mentionnons toutefois que le ministre Drainville parle de revaloriser la formation professionnelle, ce qui est tout à fait important.

« Il faut valoriser la formation professionnelle. Ça fait des années qu’on le dit, mais on ne le fait pas. Enfin, on ne le fait pas assez. Je vous le dis là, on va donner un méchant coup de barre en formation professionnelle et je veux faire de gros investissements pour moderniser cette formation-là, pour faire en sorte notamment que les élèves, et en particulier les garçons, restent à l’école plutôt que de céder à la tentation de lâcher l’école puis de s’en aller travailler dans une entreprise […] »[2].

Rappelons que valoriser la formation professionnelle faisait partie des engagements de la CAQ dans sa plateforme électorale en vue des élections générales qui ont eu lieu au mois d’octobre 2022 (ICÉA, 2022). Le gouvernement s’apprête d’ailleurs à lancer une campagne publicitaire pour faire la promotion de la formation professionnelle.

On peut toutefois se poser des questions sur le chantier annoncé en formation professionnelle surtout avec la tendance à vouloir développer des formations courtes et accélérées. En effet, il est fondamental d’offrir des formations reconnues, qualifiantes et transférables facilitant les parcours d’apprentissage, l’accès à de la formation continue et la mobilité en emploi. Valoriser la formation professionnelle est nécessaire, mais cette valorisation ne doit pas se faire au détriment de la qualité de la formation et de la possibilité, pour les apprenantes et les apprenants de développer les compétences et les connaissances indispensables pour s’adapter aux changements sociétaux et au monde du travail en constante évolution.

L'enseignement du français

Par ailleurs, lorsqu’il est question de l’enseignement du français, comment se fait-il qu’on ne parle pas des adultes? Ces jeunes qui ont des lacunes sont les adultes de demain. Il faut cesser de compartimenter l’éducation si on veut véritablement s’inscrire dans une logique d’apprentissage tout au long de la vie. Le gouvernement mentionne régulièrement l’importance de l’apprentissage tout au long de la vie. C’était le cas dans le Plan stratégique 2019-2023 du ministère de l’Éducation. Or, l’éducation des adultes, une composante de l’apprentissage tout au long de la vie, ne semble pas une priorité pour la CAQ. La récente annonce du ministre Drainville nous le démontre encore une fois.

Il faut également penser aux adultes qui rencontrent actuellement des difficultés à lire, communiquer et comprendre des textes écrits en français. Selon nous, ce chantier pour revaloriser le français devrait impliquer des actions en alphabétisation de même qu’en francisation. Peut-être que des annonces seront faites dans le cadre du grand chantier interministériel sur la protection du français annoncé le 27 janvier par Jean-François Roberge, ministre de la Langue française? Dans le cadre de ce chantier, la création d’un groupe d’action pour l’avenir de la langue française a été annoncée[3].

L’ICÉA espère que l’éducation et la formation des adultes ne seront pas complètement oubliées lorsque le ministre Drainville donnera plus de détails sur ses priorités et qu’il annoncera des mesures plus concrètes. Dans le contexte où la dernière politique gouvernementale en éducation des adultes remonte à 2002, nous attendons depuis longtemps une mise à jour.

Le ministre de l’Éducation est responsable de tout le réseau scolaire incluant la FGA. En plus d’avoir la responsabilité des services éducatifs offerts en FGA et en FP, le ministre de l’Éducation a aussi la responsabilité de définir des orientations et de piloter la réflexion gouvernementale en éducation et, par conséquent, d’exercer un leadership dans la mise en œuvre et la réalisation de l’apprentissage tout au long de la vie.

À l’image du grand chantier interministériel qui a été annoncé pour protéger le français, l’ICÉA espère une action semblable en éducation des adultes.
 

Pour en savoir plus : 

Entrevue de Patrice Roy avec Bernard Drainville, ministre de l’Éducation : https://ici.radio-canada.ca/rdi/en-direct-avec-patrice-roy/site/segments/reportage/430421/education-politique-societe-economie-actualite?isAutoPlay=1

Morasse, M.-E. (2023, 26 janvier). « Entrevue avec Bernard Drainville. Les objectifs d’abord, les délais ensuite ». La pressehttps://www.lapresse.ca/actualites/education/2023-01-26/entrevue-avec-bernard-drainville/les-objectifs-d-abord-les-delais-ensuite.php

Pour lire les différentes réactions à la suite de l’annonce du ministre de l’Éducation : https://cdeacf.ca/actualite/2023/01/27/dossier-dactualite-ministre-leducation-devoile-priorites

 


[1] Pour plus de détails, voir les indicateurs de l’ICÉA, en particulier les indicateurs portant sur la participation à l’éducation et à la formation des adultes, et plus précisément l’indicateur « les adultes à la formation professionnelle ».

[2] Entrevue de Patrice Roy avec Bernard Drainville, ministre de l’Éducation : https://ici.radio-canada.ca/rdi/en-direct-avec-patrice-roy/site/segments/reportage/430421/education-politique-societe-economie-actualite?isAutoPlay=1

[3] Pour en savoir plus : https://www.newswire.ca/fr/news-releases/creation-d-un-groupe-d-action-pour-l-avenir-de-la-langue-francaise-de-grandes-ambitions-pour-la-langue-francaise-827969357.html