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ICEA

Institut de coopération pour l'éducation des adultes

14.3 Troisième facteur de réussite

Mardi 29 avril 2014 - ICÉA

L’ouverture à l’hétérogénéité

Parce qu’elles mettent l’accent sur les personnes en apprentissage plutôt que sur une matière à transmettre ou à inculquer, les approches éducatives d’aujourd’hui s’ouvrent à toute une gamme d’expériences et de connaissances. L’hétérogénéité devient incontournable, même dans les groupes constitués à partir de résultats provenant de tests de classement.

Les ateliers NCF appellent constamment à s’ouvrir aux différences et à l’hétérogénéité. Même si nous vous fournissons de nombreux points de repère, il faut que vous soyez grandement disposés à vivre avec le groupe la diversité des références et des expériences et à en encourager l’expression.

Selon nous, l’hétérogénéité des expériences de vie, tout comme celle des niveaux en lecture et en écriture, peut s’avérer très bénéfique dans les ateliers. Elle est source de stimulation, de défis, de découvertes et d’apprentissages.

  • Hétérogénéité des niveaux en lecture et en écriture

    Les ateliers NCF ont été validés dans des groupes de niveaux hétérogènes en lecture et en écriture. Nous n’avons pas de données sur des groupes composés uniquement de personnes incapables d’écrire. Dans des groupes de niveaux variés, les personnes incapables d’écrire ont pu compter sur l’entraide de lectrices et de lecteurs un peu plus avancés, et faire des apprentissages significatifs sur le plan de la communication orale, de l’estime de soi et du développement du savoir-reconnaître.

    Pour les lectrices et les lecteurs un peu plus avancés, le jumelage peut devenir une source de motivation personnelle. Le fait d’aider une autre personne peut leur permettre d’améliorer leurs capacités d’expression ou d’intégrer leurs compétences génériques fortes. N’hésitez pas à mettre en valeur devant le groupe les avantages de cette hétérogénéité.

  • Hétérogénéité des groupes d’âges

    Les ateliers NCF font appel à l’expérience de vie et de travail des gens, mais il ne faut pas croire qu’ils s’adressent moins bien à des jeunes de 16 à 25 ans.

    Les jeunes qui ont une vie active peuvent déjà invoquer plusieurs expériences qui leur permettent de reconnaître et faire reconnaître leurs compétences génériques fortes. Toutefois, il peut arriver qu'au sein d'un groupe, des jeunes se sentent mal à l’aise de parler de certaines activités, soit parce que ces activités font l'objet de préjugés sociaux, ou parce que ces jeunes ont intégré le discours social prétendant qu'ils n'ont pas d’expérience.

    Dans un groupe uniquement composé de jeunes, il est plus facile de travailler la prise de conscience et l’estime de soi, en tant que jeunes. Dans un groupe mixte, c’est sûrement plus difficile puisque les jeunes sont continuellement confrontés au fait qu’ils ont moins d’années derrière eux pour puiser de bons exemples*. Une animation de ce type est plus exigeante puisqu’il faut encourager les gens sans créer d’opposition entre jeunes et moins jeunes, tout en reconnaissant la spécificité de chacun. Par ailleurs, cette hétérogénéité dans le cumul d’expériences peut permettre aux plus jeunes de prendre conscience des grandes possibilités de développement de compétences génériques.

  • Hétérogénéité des origines ethnoculturelles

    Les expérimentations des ateliers NCF confirment aussi les avantages de l’hétérogénéité des origines culturelles dans les groupes (personnes immigrantes et celles nées au Québec). Chez des personnes immigrantes ne maîtrisant pas la langue française (mais ayant des compétences de base dans leur langue d’origine), les nombreux échanges facilitent l’acquisition de vocabulaire et l’expression orale en français.

    L’ensemble du groupe profite des échanges sur les situations de travail, car ils permettent de faire des liens entre les valeurs des uns et des autres, de mieux comprendre les cultures respectives, en plus de contribuer au développement d’amitiés et de contacts utiles à tous dans le processus d’intégration sociale ou d’intégration au marché de l’emploi.

    Toutefois, il peut s’avérer plus difficile de réaliser des ateliers NCF avec des groupes composés d’un nombre significatif de personnes immigrantes faiblement alphabétisées, et ce, dans quelque langue que ce soit. Le fait d’avoir œuvré auprès de personnes appartenant à des communautés culturelles minoritaires constituera alors un avantage.

    Une personne qui souhaite entreprendre une démarche auprès de groupes d’adultes majoritairement issus de communautés culturelles, devra être suffisamment outillée pour reconnaître les référents culturels de ces adultes. Cette personne devra être capable de favoriser la mise en valeur d’expériences de vie qui ne sont pas nord-américaines ou qui s’inscrivent dans des habitudes culturelles en marge de la « culture commune » de la société québécoise.

  • Hétérogénéité des modes de vie et des groupes de référence

    De nombreuses cultures minoritaires peuvent être représentées au sein d’un groupe mais continuer à passer inaperçues au sein d’une majorité normative. Par exemple, un gai ou une lesbienne, une personne malentendante ou un adulte ayant grandi dans un milieu marginal quel qu’il soit, des référents culturels souvent différents de ceux de la majorité. 

    L’ouverture à la différence apparaît comme la meilleure attitude à adopter pour que les ateliers NCF soient profitables à toutes et tous. Si on se trouve devant un groupe manifestant une certaine hostilité, ou empreint de violence psychologique ou physique à l’égard de personnes ayant d’autres façons de vivre, il est préférable d’attendre avant d’utiliser l’outil Nos compétences fortes. Trop de gens censureraient leur parole et la tâche d’animation deviendrait sans doute trop lourde pour une seule personne.

  • Hétérogénéité des expériences des femmes et des hommes

    Nous vivons dans une société en mutation qui remet en question la division sexuelle du travail, ce dont nous nous réjouissons. Les généralisations ou les stéréotypes (tous les hommes font ça, toutes les femmes sont comme ça) concernant le partage des tâches de la vie familiale et domestique, correspondent de moins en moins à la réalité. Toutefois, cela n’empêche pas des femmes et des hommes d’avoir souvent un regard différent sur le monde qui les entoure.

    Les ateliers NCF ont été conçus pour permettre l’expression de ce regard différent et des expériences qui y sont reliées. Dans l’expérimentation, nous avons constaté que les femmes puisaient plus souvent dans leurs tâches familiales des exemples confirmant la présence de compétences génériques fortes. N’hésitez pas à faire ressortir les expériences des hommes dans cette sphère d’activités, même si culturellement, il est moins habituel de les y associer. Les femmes et les hommes qui ont des activités familiales, domestiques ou communautaires significatives ont aimé ces ateliers parce qu’ils permettent de découvrir que le travail non rémunéré a une valeur. Les personnes qui n’ont pas d’activités de ce type peuvent être agacées par certains aspects de Nos compétences fortes. Plus vous êtes vous- même convaincu de la richesse de ces expériences, plus vous aurez de chances de susciter l’adhésion des autres.

    Ainsi, dans tous les groupes expérimentaux, le fait de découvrir que le travail non rémunéré a aussi une valeur, est bien accueilli ; mais autant chez les hommes que chez les femmes, une plus grande valeur est encore accordée au travail rémunéré.

    Enfin, l’introspection qui caractérise plusieurs ateliers, quoique souvent associée aux femmes, était bien reçue par les hommes à condition que les liens entre la reconnaissance de compétences génériques et leur projet de formation, ou leurs projets d’avenir, soient clairement établis.