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Institut de coopération pour l'éducation des adultes

Communication de l'ICÉA sur l'Éducation à la citoyenneté mondiale

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Montrer l’exemple: le monitoring de l’Éducation à la citoyenneté mondiale comme processus d’apprentissage citoyen

Par Daniel Baril
Directeur général 
Institut de coopération pour l’éducation des adultes (ICÉA)

N’est-il pas paradoxal que le suivi de l’Éducation à la citoyenneté mondiale (ÉCM) ne soit pas lui-même un exemple d’éducation à la citoyenneté ?  Amy invite à réfléchir à cette question, dans sa contribution intitulée Mission impossible ? Créer un cadre de suivi pour l’éducation à la citoyenneté mondiale. Pour les observateurs des grands processus nationaux ou internationaux de monitoring, le suivi apparaît comme un exercice bureaucratique et technocratique qui demande des connaissances et des compétences spécialisées pour le comprendre ou y participer. Amy attitre l’attention sur l’aspect contradictoire de cette conception du monitoring, dans le cas particulier des suivis de l’ÉCM.

Dans notre article, nous revenons sur certains éléments de la perspective proposée par Amy et nous partageons des réflexions de nos propres travaux de recherche sur le monitoring du droit à l’éducation des adultes. Essentiellement, nous éclairons les défis éducatifs de faire du monitoring une démarche d’apprentissage.

Démocratiser le monitoring
Centré sur des processus institutionnels lourds et une mécanique complexe de mesure des résultats par des indicateurs, le monitoring devient un exercice technique qui échappe à la population. L’intérêt de la perspective proposée par Amy est de remettre en question cette approche fondamentalement élitiste et non démocratique du monitoring.

Dans le cas du suivi de l’ÉCM, il est encore plus étonnant que le monitoring se limite à un exercice administratif. C’est pourquoi l’approche proposée est particulièrement pertinente. Cette approche repose sur deux idées de base. Premièrement, il faut adopter une perspective large de l’ÉCM qui ne réduit pas celle-ci à l’acquisition de connaissances. L’ÉCM doit être comprise comme un processus où plusieurs dimensions interagissent : les contenus d’apprentissage, la pédagogie adoptée, l’utilité des apprentissages pour les personnes formées, les relations entre le formateur et l’apprenant. Autrement dit, il faut concevoir l’ÉCM dans sa dimension de processus d’apprentissage.

Deuxièmement, le suivi de l’ÉCM doit être une occasion d’ÉCM. L’originalité de la contribution d’Amy repose dans cette idée. Pour les individus, la citoyenneté se vit localement. Pour cette raison, la citoyenneté mondiale peut apparaître bien abstraite pour la plupart des personnes. Faire le lien entre les réalités locale et globale est l’un des défis éducatifs de l’ÉCM. En ce sens, l’idée de profiter du suivi de l’ÉCM pour éduquer localement à la citoyenneté mondiale est une voie prometteuse.

Faire du monitoring de l’ÉCM une occasion d’apprentissage citoyen n’est pas sans poser certains problèmes. Naturellement, les préoccupations des citoyennes et des citoyens sont profondément ancrées dans des contextes locaux. Pour cette raison, explique Amy, les indicateurs choisis pour faire le suivi de l’ÉCM doivent être pertinents sur le plan local. Étant donnée la diversité des contextes, sélectionner des indicateurs rassembleurs, sur le plan international, et valables, sur les plans locaux, demeure un défi majeur à surmonter. L’enjeu est de taille, laisse entendre Amy, puisque l’intérêt éducatif du suivi de l’ÉCM est fonction de la pertinence locale pour les populations de ces indicateurs de suivi.

La conception d’un cadre de suivi est un autre défi important. Ce cadre devient un environnement d’apprentissage de la citoyenneté mondiale. Pour Amy, il faut dépasser une approche fonctionnaliste du suivi pour lui préférer une approche holistique. Celle-ci donne lieu à des apprentissages transformationnels développant la capacité d’action citoyenne et l’autonomie.

La proposition de faire du monitoring de l’ÉCM un processus d’apprentissage de la citoyenneté mondiale ouvre une perspective stratégique de démocratisation des processus de suivi des grands instruments normatifs internationaux et des programmes de l’UNESCO. Bien qu’au quotidien la citoyenneté se vit localement, il faut éviter de réserver l’exercice d’une citoyenneté mondiale à une seule élite technocratique formée pour opérer les processus formels de monitoring et qui se réunit dans des conférences inaccessibles aux bénéficiaires des programmes discutés.

Développer les capacités citoyennes
Pour nous, démocratiser le monitoring est un défi qu’il est essentiel de relever. Plus particulièrement, faire du monitoring une démarche d’apprentissage de la citoyenneté mondiale devient en soi un indicateur de progrès de l’ÉCM. Je mène une recherche sur le processus de monitoring du droit à l’éducation des adultes. Mes travaux m’ont amené à analyser des guides sur le droit à l’éducation, destinés aux intervenants, de même que des questionnaires élaborés pour encadrer le suivi des instruments normatifs internationaux. Ces guides et ces questionnaires sont des outils qui contribuent à faire du monitoring un apprentissage. Ils permettent de penser les moyens de relever le défi éducatif soulevé par la conception du monitoring comme processus d’apprentissage.

Les guides sur le droit à l’éducation mettent en œuvre des stratégies qui consistent essentiellement à développer la capacité de faire le suivi de la mise en œuvre du droit à l’éducation. Nous sommes donc ici directement sur le terrain de la dimension de l’apprentissage impliquée par le monitoring. Pour ce faire, les guides contribuent à développer des connaissances sur le droit à l’éducation et ils sensibilisent à la dimension toujours contextualisée d’une action en faveur de ce droit (ex. : les instruments normatifs qui sont ciblés, la juridiction de référence, les titulaires du droit à l’éducation priorisés par le suivi, les utilisateurs à qui est destiné le guide, etc.). Enfin, les guides fournissent une panoplie d’instruments pratiques pour aider l’action en faveur de la mise en œuvre du droit à l’éducation. Ces stratégies s’inscrivent dans une finalité de développement des connaissances et des compétences en matière de suivi. Autrement dit, ces guides ont pour but de renforcer la capacité d’action en faveur de la mise en œuvre du droit à l’éducation.

De leur côté, les questionnaires sur le suivi de la mise en œuvre du droit à l’éducation abordent le monitoring selon une perspective différente. Pour ce type d’instrument, l’important est de fonder le jugement sur la connaissance de l’état du droit à l’éducation. Par les questions posées et les réponses demandées, les questionnaires fournissent de l’information sur l’état du droit et ils rendent possible un jugement fondé sur la connaissance de la situation du droit à l’éducation. Les actions proposées pour corriger des lacunes constatées en matière de respect du droit à l’éducation sont donc légitimées par la justesse de ce jugement fondé sur de l’information valide. Tout le travail de monitoring de l’UNESCO réside dans la validité quasi scientifique des rapports et la légitimité que cette validité apporte aux jugements et à la demande que des actions soient prises pour corriger des manquements au respect du droit à l’éducation. Ainsi, les questionnaires de mesure du suivi de la mise en œuvre du droit à l’éducation contribuent à l’apprentissage des moyens de fonder un jugement sur l’état du droit à l’éducation.

Développement des capacités de faire le suivi du développement des conditions d’exercice du droit à l’éducation et validité du jugement sur l’état du droit à l’éducation sont donc deux dimensions confirmant que le monitoring peut être un processus d’apprentissage. Ces outils contribuent au développement d’uneaction compétente fondée sur un jugement valide. Une telle action devient ainsi un objectif d’apprentissage que peut poursuivre le monitoring, si on le conçoit comme un environnement d’apprentissage, comme le propose Amy.

Conclusion 
Dans un monde aussi complexe que le nôtre, si vulnérable, malgré d'immenses capacités, l'éducation à la citoyenneté mondiale est nécessaire. Toutefois, force est de constater que les habitantes et les habitants de notre planète semblent démunis face à des enjeux mondiaux qui ont pourtant un impact sur leur quotidien. Ce monde qui semble à portée de main grâce à l'Internet nous glisse des mains lorsque l'on veut influencer son développement. Drames humanitaires, guerres, catastrophes en tout genre, changements climatiques, pauvreté, atteinte à la dignité humaine, etc., nous troublent profondément. Nous témoignons de ces événements, lorsque nous les vivons, ou nous nous en indignons, lorsque nous en prenons connaissance. Cette interconnexion, que nous ressentons dans nos réactions émotives à ce qui se passe aux quatre coins de la planète, est selon moi la base concrète d'une citoyenneté globale. Il reste maintenant à nous donner des moyens d’action. En ce sens, l'idée d’Amy de faire du monitoring un processus d'apprentissage est porteuse et stratégique. Elle permettrait de transformer nos expériences et nos indignations en une force politique mondiale à la capacité toujours plus grande.

Note. L'ICÉA était invité à commenter un texte sur l'Éducation à la citoyennenté mondiale d'Amy Skinner.

Amy Skinner : Mission impossible ? Créer un cadre de suivi pour l'éducation à la citoyenneté mondiale .http://www.icae2.org/index.php/fr/ressources/documents-et-publications/5...

Pour consulter l'ensemble des interventions du séminaire : http://www.icae2.org/index.php/en/news-2/446-icae-vs-2016