La toute nouvelle politique de la réussite éducative comprend plusieurs éléments pertinents, en matière d’éducation des adultes et, plus largement, d’éducation tout au long de la vie. Ses lacunes se trouvent dans le peu d'actions prévues à court terme et dans le fait qu'elle n'est pas une politique interministérielle. Au lendemain de sa publication, nous soumettons une première analyse et une appréciation sommaire. Dans les prochains jours, nous rendrons publique une évaluation plus approfondie.
Une politique globale, dans une perspective de l’éducation tout au long de la vie
Dans son mémoire déposé lors de la consultation publique en vue de la publication d'une politique de la réussite éducative et lors de la consultation nationale des 1er et 2 décembre 2016, l’Institut avait invité le ministre de l’Éducation à maintenir la perspective d’éducation tout au long de la vie, proposée dans le document de consultation, et à l’étoffer davantage. Sur le plan de la perspective générale, la politique de la réussite éducative, rendue publique le 21 juin, répond aux attentes de l’ICÉA.
D’entrée de jeu, la politique du ministre Proulx affirme que « pour la première fois, le gouvernement propose, avec la Politique de la réussite éducative, une vue d’ensemble qui couvre toutes les étapes du parcours éducatif, de la petite enfance à l’âge adulte, et tous les aspects de l’environnement des enfants et des élèves, des jeunes et des adultes » (page 9). Cette politique est donc une politique de l’éducation tout au long de la vie. Non seulement, elle traite de l’éducation préscolaire, de l’éducation initiale des jeunes et de l’éducation des adultes, mais elle vise à penser de manière intégrée ces domaines de l’éducation.
La perspective large de la politique se traduit aussi dans l’inclusion de l’éducation non scolaire, en parallèle de l’éducation dans les institutions scolaires. Par exemple, il est précisé que le rôle et la portée de la politique « visent également les pratiques de l’éducation populaire, dans une perspective d’apprentissage tout au long de la vie, et l’action complémentaire des organismes d’action communautaire, partenaires incontournables (…) » (page 23).
La visée d’une politique globale est aussi présente dans la reconnaissance de la diversité des parcours. Le document ministériel reconnaît les réalités particulières des parcours d’éducation et d’apprentissage des adultes et des formes complexes de réussite éducative découlant de ces parcours diversifiés. À ce sujet, on peut lire dans la politique que « [l]a réussite chez les adultes peut se concrétiser de différentes façons : l’obtention d’un diplôme ou d’une qualification ; l’atteinte d’un objectif de formation ; la progression dans un cheminement personnel ou professionnel ; l’inscription dans un autre secteur d’enseignement ou de formation » (page 18). De même, la politique reconnaît que les déterminants de la réussite chez les adultes « s’inscrivent dans un contexte différent et dans des trajectoires personnelles non linéaires. Les succès et les écueils qui marquent le premier passage des adultes en milieu scolaire font en sorte que ceux-ci abordent leur retour aux études avec une expérience de vie qui mérite une attention particulière » (page 18).
Finalement, dans la politique de la réussite éducative, la prise en compte de la diversité des parcours d’éducation et d’apprentissage des adultes s’étend à la reconnaissance des acquis. Ainsi, « [l]’entrée ou le retour des personnes dans le système scolaire résulte de trajectoires personnelles, professionnelles et sociales diverses », c’est pourquoi, est-il précisé, « il faut considérer à leur juste valeur pour bien évaluer les besoins, les aptitudes et le potentiel de développement » (page 48).
Dans l’ensemble, la politique de la réussite éducative pose un cadre général qui favorise une vision large de l’éducation, de l’éducation préscolaire à l’éducation des adultes, de l’éducation scolaire à l’éducation hors des milieux scolaires et qui tient compte de la diversité des parcours, notamment ceux des adultes.
L’éducation des adultes
Concernant plus particulièrement l’éducation des adultes, la politique de la réussite éducative met de l’avant certaines perspectives. L’alphabétisation et le rehaussement des compétences en littératie sont au cœur des propositions de la nouvelle politique relativement à l’éducation des adultes. Le ministre se propose comme objectif d’augmenter de 5 points de pourcentage la proportion des personnes âgées de 16 à 65 ans se classant aux niveaux 3, 4 et 5 sur l’échelle des compétences en littératie (page 35). Selon la dernière enquête sur la littératie, 47 % des Québécois et des Québécoises de 16 à 65 ans présentent des niveaux de littératie à ces échelons supérieurs. Pour atteindre cet objectif, le ministre annonce qu’il lancera une « une stratégie en matière d’alphabétisation et de francisation » (page 46), sans fournir les grandes lignes de celle-ci ni le moment de sa publication.
La formation générale des adultes (FGA) est aussi évoquée dans la politique de la réussite éducative. Constant la diversité des personnes inscrites à la FGA, à savoir les jeunes de moins de 20 ans et les personnes de 55 ans et plus, la politique reconnaît la diversité des objectifs poursuivis par les apprenants, que ce soit l’obtention d’un diplôme, l’acquisition d’une qualification ou des préalables à la formation professionnelle ou aux études supérieures (page 14). Cela dit, au-delà la reconnaissance de ce fait, la politique est muette sur les actions à mettre en œuvre à la FGA, à l’exception de l’annonce de l’embauche de ressources spécialisées. Il en va de même avec la formation professionnelle. La politique de la réussite éducative reconnaît la diversité des parcours de formation professionnelle et des objectifs de formation poursuivis (page 45), sans proposer des nouvelles perspectives directrices pour les adultes en formation professionnelle.
Enfin, dans la politique de la réussite éducative, les particularités des parcours d’apprentissage des adultes sont soulignées. Il est soulevé que ces parcours appellent « une organisation qui soit souple et adaptée aux réalités de la conciliation travail-famille-études » (page 18). Dans le but de répondre aux besoins spécifiques des adultes, on met l’accent sur l’importance de la reconnaissance des acquis et des compétences et on reconnaît la diversité des lieux d’éducation (communautaires, éducation populaire) (page 18). Au sujet de la réussite éducative, la politique annonce la création d’une table nationale qui aura le mandat de trouver les moyens d’accroître la réussite.
En éducation des adultes : une politique ministérielle … dans l’attente d’une politique gouvernementale
En mai 2017, cela faisait dix ans qu’était échu le plan d’action 2002-2007 de la Politique gouvernementale de l’éducation des adultes et de la formation continue. Avec sa nouvelle politique de la réussite éducative, le ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport réaffirme des constats et des principes déjà présents dans la politique de 2002. Le principal apport de la nouvelle politique de la réussite éducative est de concrétiser davantage la perspective de l’éducation tout au long de la vie, en traitant de manière plus intégrée l’éducation préscolaire, l’éducation initiale des jeunes et l’éducation des adultes. Définitivement, cela est un pas majeur, sur le plan des perspectives.
Or, de larges pans de l’éducation des adultes restent toutefois absents de cette politique de la réussite éducative qui n’est, en fait, qu’une politique ministérielle, soit celle du ministre Proulx, puisque même l’enseignement supérieur, domaine de sa collègue Hélène David au ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, n’y est pas abordé.
Pour l’ICÉA, la nouvelle politique ministérielle de la réussite éducative laisse en plan le défi de doter le gouvernement du Québec d’orientations en matière d’éducation des adultes. Toutefois, l’Institut souligne l’importance du nouveau cadre global posé par la politique de la réussite éducative. Pour la première fois, l’éducation tout au long de la vie est concrétisée par une politique qui concerne l’éducation préscolaire, des jeunes et des adultes. Sur cette base, il est possible maintenant de poursuivre le travail de construction d’une politique de l’éducation tout au long de la vie qui, dans le domaine de l’éducation des adultes, prend en compte tous les besoins d’apprentissage, dans des domaines aussi divers que les finances personnelles, la santé, le développement durable, l’emploi, la culture, le vivre ensemble, etc.