L’avenir des lieux d’éducation et d’apprentissage dans la mire de l'ICÉA
Le 24 octobre 2018, plus de soixante personnes participantes au Forum sur l’avenir de l’éducation des adultes de l'ICÉA se sont interrogées sur les défis et les enjeux propres à différents lieux d’éducation et d’apprentissage des adultes.
Après avoir alimenté les questionnements soulevés en lien avec l’avenir des adultes en apprentissage ainsi que celui des éducateurs et des éducatrices d’adultes, ces personnes ont participé à une troisième ronde de discussions portant sur l’avenir de sept différents lieux d’éducation et d’apprentissage susceptibles d’accueillir des adultes :
- la formation générale des adules (FGA);
- les cégeps et les universités;
- la formation professionnelle (FP);
- les groupes communautaires (alphabétisation, éducation populaire, développement de l’employabilité);
- l’éducation en milieu associatif (éducation syndicale, mouvement des femmes, mouvement environnemental, mouvement coopératif, etc.);
- la formation en entreprise; et
- les lieux émergents (autoformation en ligne, apprentissage par les pairs, etc.).
L’objectif de l'ICÉA était de récolter des messages clés, en lien avec chacun des lieux d’éducation et d’apprentissage identifiés. Comme en témoigne la suite de ce texte, cet objectif a été atteint. L’avenir de ces lieux semble notamment lié à une meilleure définition des rôles et des responsabilités de chacun ainsi qu’à une meilleure reconnaissance de l’importance de ces lieux en éducation des adultes.
Par ailleurs, l’avenir de ces lieux apparaît fortement lié à des défis concernant l’accessibilité aux services de toutes sortes pour les élèves et la nécessité pour les organisations de revoir leurs façons de faire, notamment dans le but d’offrir des programmes de formation qui répondent tout à la fois aux besoins des personnes, des entreprises et de la société.
Souligner la diversité des lieux d’éducation et d’apprentissage
Au cours de ce forum, l'ICÉA tenait à souligner la grande diversité des lieux d’éducation et d’apprentissage qu’on retrouve en éducation des adultes. Les piliers de l’infrastructure de l’éducation des adultes que sont les établissements publics d’éducation et les organismes communautaires sont bien connus. Ces lieux d’apprentissage mènent tantôt à des apprentissages formels qui sont généralement validés et certifiés (formation générale des adultes ou professionnelle, cégeps et universités), tantôt à des apprentissages non formels qui sont d’une grande valeur pour les adules même s’ils sont rarement validés et certifiés (groupes communautaires en alphabétisation, en éducation populaire, en développement de l’employabilité).
Cependant, à ces piliers bien connus s’ajoutent des associations, des institutions culturelles, des mouvements sociaux et des entreprises qui sont autant de lieux d’éducation des adultes favorisant la réalisation d’apprentissages formels et non formels. Qui plus est, nous avons vu apparaître au cours des dernières décennies, de nouveaux lieux et de nouvelles modalités d’apprentissage, par exemple l’autoformation en ligne, l’apprentissage par les pairs, etc.
Tous ces lieux ont un avenir dans le champ de l’éducation des adultes, pourvu qu’ils sachent s’adapter aux nouvelles réalités de la vie dans une société du savoir. Surtout, cet avenir suppose de tenir compte des préoccupations, des appréhensions sinon des anticipations des personnes qui sont engagées dans le développement de chacun de ces lieux.
Des messages clés sur l’avenir des lieux d’éducation et d’apprentissage
Voici les messages clés formulés par les personnes participantes aux six tables de discussions sur l’avenir des lieux d’éducation et d’apprentissage des adultes.
Formation générale des adultes
Les personnes participantes à cette discussion ont souligné dans un premier temps la nécessité de « développer des alliances entre les différents milieux de l’éducation des adultes et de s’assurer que les rôles de chacun soient mieux définis. » Il importe également pour ces personnes de « revoir les programmes pour qu’ils puissent être ajustés » tant à la réalité de notre société du savoir qu’aux besoins des adultes.
Concernant les personnes apprenantes, il apparaissait nécessaire de « démystifier la question des élèves à besoins particuliers », « d’améliorer l’accessibilité aux services complémentaires », « d’instaurer des ratios » par classe et de « développer des dispositifs de reconnaissance des acquis et des compétences (RAC) dès l’entrée en formation, notamment pour les élèves en francisation ». Comme le précise un cadre de référence produit par le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport en 2009, les « services éducatifs complémentaires ont pour objet de favoriser la réussite du projet personnel de l’adulte en formation. » On y retrouve notamment des services d’orthopédagogie, d’éducation spécialisée, de psychoéducation, de psychologie, de santé et de services sociaux, d’orthophonie et d’animation de vie étudiante.
Tout au long de cette discussion, les personnes participantes ont insisté sur l’importance « d’oser penser différemment », de « repenser la structure des centres pour qu’ils puissent favoriser davantage l’apprentissage » et de « parvenir à une meilleure connaissance et [une meilleure] reconnaissance du secteur de la FGA. »
Enseignement supérieur
Les personnes participantes à cette discussion constatent que l’enseignement supérieur se caractérise par « une grande diversité de pratiques » qui devrait offrir aux cégeps et aux universités la flexibilité nécessaire « pour créer une offre de formation aux adultes. » Cependant, ces personnes relèvent également « un manque de flexibilité institutionnelle » qui limite leur capacité d’action. Ces personnes citent en exemple « le financement par enveloppe fermée des cégeps, l’absence de cours à temps partiel et l’existence des frais de scolarité pour les cours à temps partiel ou encore le manque de cours du soir. »
En ce qui concerne la formation des futurs enseignants et enseignantes du postsecondaire, on déplore « l’absence de cours sur l’éducation des adultes dans la formation des maîtres et des professionnels non enseignants. » Finalement, les parcours scolaires des étudiantes et étudiants adultes leur apparaissent « encore largement définis en termes de parcours continues plutôt que de parcours individualisés. »
Formation professionnelle
Les personnes participantes à cette discussion estimaient en premier lieu qu’il était important « d’intéresser les gens à la formation professionnelle » : la plus faible participation à cette table de discussion témoignait selon elles d’un certain désintérêt à l’égard de la formation professionnelle.
La « pénurie d’enseignants et [la] rareté de main-d’œuvre » constituent selon elles deux défis d’avenir pour la formation professionnelle. Alors que ce lieu d’éducation formelle est sollicité pour combler à court et moyen termes les besoins de main-d’œuvre des entreprises, sa capacité d’action est elle-même limitée par une pénurie de personnel enseignant spécialisé dans un métier.
Les personnes participantes à cette discussion ont également souligné que les « compétences linguistiques des élèves » constituaient un problème préoccupant pour l’avenir. Il semble que trop peu de reconnaissance soit accordée à la qualité du français à la formation professionnelle.
Finalement, les « services d’orientation pour les élèves », « l’accompagnement des élèves pendant la formation à l’aide de services complémentaires » ainsi que « l’organisation scolaire pour les élèves à besoins particuliers » étaient tous des défis d’amélioration de la formation professionnelle. En ce qui concerne l’organisation scolaire, il apparaît que le rythme d’apprentissage est trop rapide pour les élèves à besoins particuliers; problème que le manque de services complémentaires ne fait qu’exacerber.
Éducation en milieu associatif
Les personnes participantes à cette discussion ont souligné le nombre grandissant de personnes qui participent à des formations offertes dans les milieux associatifs. Il leur apparaissait ainsi essentiel que ces milieux cherchent à « être de plus en plus flexibles et polyvalents pour répondre aux besoins de » ces personnes.
Un défi d’avenir serait donc de « joindre une plus large proportion de personnes en faisant [mieux] connaître les milieux associatifs et leurs services. » Finalement, « le soutien budgétaire demeure essentiel pour que les milieux associatifs puissent poursuivre leurs formations. »
Formation en entreprise
Les personnes participantes à cette discussion ont souligné le « besoin de concertation des différents acteurs » afin de « faire accepter que l’entreprise, surtout si elle est de petite taille, est un lieu d’apprentissage. » La pleine reconnaissance des lieux de formation et d’apprentissage que constituent les milieux de travail est un défi de premier plan dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre. Qui plus est, cette reconnaissance doit venir des partenaires du marché du travail et prendre forme dans le développement d’une offre de formation continue qui contribue conjointement au développement des compétences des travailleuses et des travailleurs ainsi qu’au développement des capacités d’action et d’innovation des entreprises.
Les personnes participantes à cette discussion ont également souligné le « nécessité de se concerter pour produire une action en formation qualifiante qui serait à l’avantage de tous : les entreprises, les personnes et la société. » Ces personnes estiment finalement qu’il « est important de démystifier les retours sur l’investissement de la formation en entreprise (calcul et évaluation) », cela, dans le but de « promouvoir la rentabilité sociale et économique » de la formation en milieu de travail.
Lieux émergents
Les personnes participantes à cette discussion ont qualifié les lieux et les pratiques en émergence « d’espace d’innovation [se situant] dans et hors des institutions. » En effet, les formes d’apprentissage en émergence apparaissent être tout à la fois complémentaires et intégrées à celles des institutions. Ces formes ont généré des pratiques que s’approprient de plus en plus des organisations du secteur de l’éducation formelle.
Le défi d’avenir pour les personnes participantes à cette discussion était de « favoriser le passage à l’échelle de ces lieux et de ces pratiques tout en évitant des dérives comme la marchandisation ou la vampirisation des ressources publiques. » La question est ici de trouver le moyen d’assurer le développement des lieux et des pratiques en émergence sans pour autant détourner le soutien accordé aux autres lieux de formation et d’apprentissage ou encore limiter ce développement à des impératifs marchands qui seraient dictés par un organisme subventionnaire.
Le milieu communautaire
Les personnes participantes à cette discussion ont insisté sur la « reconnaissance du secteur communautaire comme un acteur essentiel en éducation des adultes comme lieu d’éducation non formel et informel, tant de la part des autres secteurs (syndicats et éducation institutionnelle) que de l’État. »
Ces personnes estiment que cette « reconnaissance doit passer par un financement à la mission adéquat qui permet et encourage l’accessibilité de nos milieux tant au plan physique (rampe d’accessibilité), [qu’en termes de] mobilité (transport collectif), [d’]emplacement géographique (près des apprenants), [ou de] connaissance du milieu ($ publicité). »
« Le financement de notre mission, soulignent ces personnes, doit être fait dans le respect de notre autonomie au point de vue des objectifs, des résultats à atteindre et des pratiques (sans multiples contraintes comme des spécificités, attente de résultats chiffrés, etc.) et assurer notre capacité d’agir et de répondre aux besoins des populations visées (consolidation et développement de nos services). »