Nous sommes toutes et tous concernés
De prime abord, l’idée de poursuivre à distance les apprentissages habituellement réalisés dans les institutions d’enseignement du Québec ne semble concerner que les enfants et les personnes qui fréquentent ces institutions de secteur formel. Toute la nouveauté est pour ces personnes : les établissements scolaires étant fermés, l’enseignement se fait maintenant à distance et les apprentissages sont réalisés depuis la maison. Mais est-ce bien le cas?
Cela dit, force est d’admettre que, peu importe notre rôle dans la société, nous sommes toutes et tous concernés par le virage que nous force à prendre la situation actuelle de confinement :
- Les parents doivent maintenant faire l’école à la maison. Et même si le gouvernement leur fourni toute une panoplie d’outils éducatifs, leur tâche n’en est pas plus simple.
- Le personnel enseignant doit intervenir à distance afin d’assurer la poursuite des apprentissages débutés en classe. C’est une lourde responsabilité : la réussite éducative des étudiantes et des étudiants, notamment au cégep et à l’université, dépend largement de leur capacité de mettre en œuvre des stratégies d’apprentissage adaptées à la formation à distance et d’utiliser les outils numériques les plus appropriés.
- Les travailleuses et les travailleurs doivent eux aussi intervenir à distance, dans un contexte où ils doivent composer avec la présence à la maison d’enfant d’âge scolaire qui accaparent une partie de leur attention et la nécessité de réaliser en ligne de nouveaux apprentissages rendus essentiels par la situation actuelle.
- Finalement, les adultes apprenants doivent apprendre à distance, quand ils ont encore la chance de pouvoir le faire.
Les parents
Tous comme les élèves du Québec, leurs parents sont directement concernés par la situation actuelle. Le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur (MÉES) a mis à leur disposition la plateforme « L’École ouverte ». « Vous y trouverez des milliers de ressources pour apprendre, créer, se divertir et bouger, un peu comme à l’école, peut-on lire dans le message du ministre Roberge. Les différentes activités offertes sont prévues pour que tous puissent les réaliser par eux-mêmes ou avec le soutien de leurs proches (MÉES, 2020). »
Voilà une bien grande vérité : ces élèves, nos enfants, ont plus que jamais besoin de soutien. Que l’enfant soit au niveau primaire ou secondaire, la participation et la supervision parentale sont désormais essentielles à la poursuite des apprentissages à la maison.
Comme parents, nous sommes plus que jamais concernés par la réussite éducative des enfants. La situation commande de faire plus que de s’assurer que l’enfant à bien fait ses devoirs et ses leçons : il faut maintenant prévoir des moments d’apprentissage, planifier des activités en s’aidant des ressources offertes et réaliser ces activités avec l’enfant. C’est l’école à la maison, faite par des parents qui ne sont pas des enseignants et qui doivent souvent composer avec des enfants de différents niveaux scolaires ainsi qu’un horaire de travail à distance chargé.
Heureusement, ces parents peuvent compter sur le suivi et les interventions réalisés par les enseignantes et les enseignants du primaire et du secondaire. À ce titre, le matériel didactique qu’ils font parvenir par courriel se révèle être facile à utiliser, tout en offrant l’assurance de s’inscrire dans la continuité des apprentissages habituellement réalisés en classe.
La plateforme l’École ouverte donne pour sa part accès à une grande diversité de ressources en ligne. Cette plateforme regroupe les ressources offertes sur des dizaines de sites Web qui sont alimentés des institutions d’enseignement, des maisons d’édition, des organismes dédiés à la création d’outils pédagogiques ou des organismes publics comme l’ONF.
En fait, la diversité des ressources qu’offre l’École ouverte est si grande qu’il est facile de s’y perdre au cours d’une visite. Cela dit, la plateforme gagne à être explorée, pour le bénéfice du parent et celui de l’enfant. Il faut cependant garder à l’esprit qu’il est possible de mettre plus de temps à trouver une activité éducative à réaliser avec son enfant que le temps nécessaire à sa réalisation.
Le parent est appelé à être plus présent et plus polyvalent que jamais, dans un contexte où il est bombardé de ressources éducatives dont il doit évaluer la pertinence et l’utilité.
Le personnel enseignant
Le personnel enseignant est lui aussi directement concerné par la situation actuelle. Récemment, les universités et les cégeps du Québec ont annoncé la reprise à distance de la session d’hiver 2020. Pour assurer la continuité des apprentissages, ces enseignantes et ces enseignants doivent transformer des plans de cours et adapter du matériel et des outils initialement conçus pour une prestation en classe.
C’est une lourde tâche, puisque ces personnes doivent apprendre en peu de temps à enseigner d’une autre manière et avec de nouveaux outils, tout en respectant les limites d’un cadre d’apprentissage qui n’a pas été conçu pour des interventions à distance. Malgré les assouplissements apportés par le gouvernement, notamment en ce qui concerne le régime pédagogique du collégial, le cadre général d’apprentissage demeure le même et les limites de temps perdurent.
Le mot d’ordre est de terminer ce qui a été commencé; et le réflexe de toutes les personnes concernées est d’y parvenir dans le temps qui était initialement prévu pour y parvenir.
En enseignement supérieur, comme aux autres ordres d’enseignement, les apprentissages se font durant une période donnée (session, semestre, jours et heures de formation, etc.), dans un lieu donné (salle de classe, atelier, laboratoire, etc.) et à l’aide d’outils et de méthodes qui ont fait leurs preuves (exposés théoriques, travaux pratiques, examens supervisés, etc.). La situation actuelle vient changer la donne en ce qui concerne ces lieux d’apprentissage. Ils ne sont plus accessibles : il faut trouver le moyen de les recréer ailleurs, à distance et en ligne. Il faut également faire en sorte qu’ils soient tout aussi rassurants, encadrants et propices à l’apprentissage que l’étaient les lieux physiques d’hier.
Voilà le défi qu’on demande aux enseignantes et aux enseignants de relever!
Les travailleuses et les travailleurs
La situation actuelle de confinement affecte également les travailleuses et les travailleurs. Les personnes qui sont toujours en emploi doivent composer avec un contexte de changement qui exige qu’elles réalisent rapidement de nouveaux apprentissages à partir d’outils accessibles en ligne. C’est notamment le cas des travailleuses et des travailleurs du secteur de la santé et des services sociaux qui doivent appliquer des protocoles d’intervention ou de désinfection.
Par ailleurs, de nombreuses autres personnes travaillent maintenant de la maison. La situation exige qu’elles utilisent de nouveaux outils et qu’elles adoptent de nouvelles façons de faire : voilà autant d’apprentissages qu’elles doivent réaliser en ligne et souvent par elles-mêmes.
Finalement, dans les semaines à venir, des travailleuses et des travailleurs de secteurs jugés non essentiels seront appelés par leurs employeurs à perfectionner leurs compétences. C’est du moins ce que l’on peut prévoir à la suite de l’annonce du Programme actions concertées pour le maintien en emploi (PACME) par le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale. Ce programme offert en collaboration avec la Commission des partenaires du marché du travail « vise à fournir un soutien direct aux entreprises qui connaissent une réduction de leurs activités, en raison des effets de la pandémie de COVID-19 » (MTES, 2020)
Les entreprises admissibles pourraient recevoir jusqu’à 100 000 $ afin de réaliser des activités visant notamment la formation de base des employés, la francisation, la maîtrise des compétences numériques, la formation continue ou encore une réorientation des activités de l’entreprise liée à la COVID-19. Par ailleurs, en tout respect des directives de la santé publique, le ministre responsable recommande vivement que ces formations soient offertes en ligne.
Ainsi, l’ensemble des travailleuses et des travailleurs affectés par la COVID-19 sont appelés à devenir des adultes apprenants, avec tout ce que cela comporte comme nouvelles responsabilités.
Les adultes apprenants et tous les autres
Globalement, il est possible de soutenir que tous les adultes sont affectés par la fermeture des lieux physiques d’apprentissage. Les exemples déjà présentés illustrent l’émergence de nouveaux rôles sociaux, joués par des personnes de tous âges qui sont tantôt apprenantes, tantôt responsables de transmettre des savoirs.
L’importance de ces rôles est fortement liée à la réussite éducative de certaines personnes et à la réalisation d’apprentissages essentiels par les autres. Par exemple, les travailleuses et les travailleurs mis en chômage par la COVID-19 pourraient réaliser dans les semaines à venir des apprentissages qui leur permettront de préserver leur emploi au moment de la reprise des activités de leur entreprise. À ce titre, il est difficile de savoir ce que nous réserve l’avenir. Cependant, il est toujours possible de l’imaginer et de s’y préparer au mieux.
Cela dit, il faut encore se questionner sur les nouveaux rôles que sont appelés à jouer certains adultes de notre société, comme les personnes âgées, les bénéficiaires de l’aide sociale ainsi que de nombreuses autres personnes marginalisées. Parmi ces personnes, plusieurs fréquentaient des lieux d’apprentissage non formel qui sont aujourd’hui fermés, comme les centres d’éducation populaire ou d’action communautaire. Il faut également tenir compte du fait que ces personnes fréquentaient ces lieux non seulement pour apprendre, mais aussi pour être en relations avec les autres. Ces moments d’apprentissage devenaient ainsi des occasions de sociabiliser avec les autres, parfois même les seules qu’elles avaient.
La fermeture des lieux physiques d’apprentissage affecte durement ces personnes qui sont aujourd’hui confrontées à l’isolement social; un isolement qui doit être d’autant plus difficile à vivre dans un contexte de confinement et de « distanciation social ». Le rôle d’apprenants adultes de ces personnes demeure à ce jour encore non défini et, chose certaine, il serait inadmissible de les exclure du nouveau contexte d’apprentissage à distance qui se dessine actuellement.
Références
MÉES (2020). L’École ouverte, Plateforme des ressources éducatives, ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, Gouvernement du Québec. [En ligne]
MTES (2020). Programme actions concertées pour le maintien en emploi (PACME–COVID-19), ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale, Gouvernement du Québec, 6 avril 2020. [En ligne]