ICEA

Institut de coopération pour l'éducation des adultes

Budget et formation de la main-d’œuvre : le fédéral se désengage - les provinces et les entreprises devront faire plus

Friday 22 March 2013 - ICÉA

La main d'oeuvreLe ministre fédéral des Finances, Jim Flaherty, annonçait hier qu’une partie de l’argent versée par Ottawa pour la formation de la main-d’œuvre serait conditionnelle à l’engagement financier des entreprises et des gouvernements provinciaux, dont le Québec. En plus de remettre en question la juridiction provinciale en matière de formation, cette décision force les provinces et les entreprises à contribuer de la même manière que le fédéral.

Le ministre Flaherty estime qu’il faut s’attaquer au problème de pénurie de main-d’œuvre qualifiée qui affecte l’économie. Selon lui, la solution est de maximiser les investissements du gouvernement fédéral en formation des personnes sans emploi ou sous-employées. Mais le ministre Flaherty veut aussi atteindre l’objectif du déficit zéro que son gouvernement s’est fixé pour 2015. « Conclusion, le fédéral ne haussera pas sa contribution au financement de la formation de la main-d’œuvre : ce sera aux provinces et aux entreprises de faire un effort supplémentaire », a fait valoir le directeur général de l’Institut de coopération pour l’éducation des adultes (ICÉA), Ronald Cameron.

Désormais, 60 % des sommes dévolues à l’entente fédérale-provinciale sur le marché du travail, conclue en 2008 (et qui vient à échéance en 2014), seront conditionnées par des ententes tripartites fédérale-provincial-entreprise. Le ministre Flaherty estime qu’une participation de l’entreprise permettra d’assurer une définition plus adéquate de l’offre de formation.

Actuellement, Ottawa verse 500 millions par année aux provinces pour « accroître l’employabilité et les compétences de la main-d’œuvre ». Depuis 2008, le Québec reçoit donc 116 millions par année pour venir en aide aux travailleuses et aux travailleurs qui n’ont pas accès à l’assurance-emploi. Dès 2015, le versement de 67 de ces 116 millions sera conditionnel à des ententes tripartites. « Ceci veut dire que les entreprises et le Québec devront tous deux fournir des contributions de 67 millions pour que les travailleuses et les travailleurs puissent bénéficier des fonds fédéraux », explique Ronald Cameron.

 

Une réforme qui peut offrir des économies au budget fédéral

Le directeur général de l’ICÉA se demande si cette stratégie permettra de faire des économies : « Il est clair que l’espoir du ministre Flaherty n’est pas de dépenser plus pour la formation, mais de dépenser de manière plus directement liée aux besoins spécifiques des entreprises ». Les besoins des personnes qualifiées commandent plus d’investissements de la part des pouvoirs publics. Or, en alourdissant les exigences administratives, cette décision pourrait retarder le versement des fonds pour la formation et même se traduire par une réduction des investissements en formation. 

D’une part, les entreprises capables d’investir 5 000 $ dans la formation d’une personne ne sont pas légion. D’autre part, le maintien de ces fonds fédéraux dédiés à la formation dépend de la capacité du gouvernement du Québec de fournir l’effort conditionnel aux ententes tripartites. Il s’agit d’un fardeau supplémentaire pour le gouvernement du Québec, qui devra non seulement apparier la « subvention canadienne pour l’emploi » du ministre Flaherty, mais également trouver une autre manière de financer les initiatives mises de l’avant grâce aux fonds fédéraux provenant de l’entente actuelle.

 

Conditionner l’offre de formation à l’engagement des entreprises

Le ministre Flaherty considère insuffisamment productive l’action des instances provinciales, tels la Commission des partenaires du marché du travail (CPMT) ou Emploi-Québec, pour bien définir l’offre de formation. Il veut utiliser l’argent des contribuables comme levier pour amener les gouvernements provinciaux à offrir aux entreprises plus de pouvoir dans la définition de la formation, en leur demandant aussi de contribuer.

Le gouvernement fédéral estime que les entreprises aux prises avec des problèmes de pénuries de main-d’œuvre sont mieux placées pour déterminer les besoins en formation. Les besoins des entreprises doivent être pris en considération dans la définition des programmes de formation, estime Ronald Cameron, toutefois, conditionner le versement de telles subventions de formation à la volonté d’engagement des entreprises individuelles pourrait réduire la transférabilité du contenu des formations offertes. »

« Au-delà de la méthode, ajoute le directeur général de l’ICÉA, un des enjeux est de s’assurer que cette formation soit qualifiante. Dans une approche structurante, il est nécessaire d’aider les personnes salariées à développer des compétences susceptibles de valoir auprès de différents employeurs, plutôt que de favoriser l’apparition de programmes de formation reconnus par une seule entreprise et difficilement transférables d’un milieu de travail à un autre. »

 

Un programme plus avantageux pour la grande entreprise?

Par ailleurs, des ententes tripartites impliquant une mise de fonds des entreprises peuvent créer un avantage pour les plus grandes entreprises, qui disposent déjà de moyens importants pour la formation. Rappelons que le marché du travail du Québec est dominé par les PME. Trop souvent, ces entreprises de petite taille ne disposent ni des ressources ni de l’expertise nécessaires pour organiser la formation en milieu de travail. Le soutien des partenaires du marché du travail et d’Emploi-Québec leur est donc essentiel.

 

Pourquoi ne pas respecter la juridiction provinciale concernant la formation?

L’importance du respect de la juridiction provinciale en éducation trouve ici une nouvelle application. Pour tenir compte de la structure industrielle du Québec et dans la perspective d’une main-d’œuvre qualifiée disposant de compétences transférables, les investissements des fonds publics fédéraux seraient probablement mieux utilisés s’ils respectaient les compétences provinciales en matière de formation et d’éducation. 

Si le gouvernement fédéral souhaite investir dans le développement de la main-d’œuvre canadienne, pourquoi ne pas respecter l’expertise du Québec et des provinces. Une dernière question demeure : est-ce que le gouvernement provincial pourra choisir de se retirer avec compensation?