Depuis 2016, l’ICÉA a entrepris différents travaux à propos de l’accès à l’éducation des adultes appartenant à un ou des groupes marginalisés. Des textes d’analyse ont été rédigés sur les personnes immigrantes ou racisées, les Autochtones, et les personnes en situation de handicap1. Pour ces trois groupes sociaux, nous avons tenu compte des différences entre les femmes et les hommes. En ce moment, l’ICÉA mène une recherche sur les femmes monoparentales qui ne possèdent pas de diplôme.
D’autres institutions d’enseignement et de recherche se préoccupent également de l’accès à l’éducation des groupes marginalisés. C’est le cas, par exemple, du Programme des chaires de recherche du Canada qui, en mai 2017, a appliqué son Plan d’action en matière d’équité, de diversité et d’inclusion »2.
Au Québec, les trois Fonds de recherche (Nature et technologies, Santé, Société et culture) « s'engagent à renforcer la prise en compte des principes d'équité, de diversité et d'inclusion dans l'évaluation scientifique»3.
En mai dernier, l’Université de Montréal a pris des engagements en adoptant un Énoncé de vision sur l’équité, la diversité et l’inclusion (appelé ci-après l’Énoncé). Un plan d’action devrait accompagner cet énoncé4. Afin d’alimenter les réflexions sur les pistes de solution en matière d’accès à l’éducation des adultes marginalisés, le présent article expose des éléments porteurs de cet énoncé.
Embrasser l’équitéla diversité, et l’inclusion
D’entrée de jeu, l’Énoncé identifie différents « marqueurs de la diversité » qui peuvent, entre autres, occasionner des discriminations directes, ou systémiques. Ces marqueurs « en constante évolution, incluent, entre autres, le genre, l’orientation sexuelle, l’identité et l’expression de genre, la condition sociale, le handicap, l’âge, l’appartenance aux Premiers Peuples, le statut migratoire, l’origine ethnique, la langue, la religion ainsi que l’appartenance à un groupe racisé » (Université de Montréal, 2019 : 2).
Dans l’Énoncé, l’Université de Montréal s’engage à agir au niveau de ces cinq missions : un lieu de formation, un lieu de production de connaissances, un milieu de travail, un milieu de vie et un établissement citoyen engagé dans sa communauté.
Un lieu de formation
En matière de formation, trois axes de travail sont proposés. Tout d’abord, l’Université de Montréal veut assurer l’accès à l’enseignement supérieur et à différentes disciplines aux groupes sociaux qui y sont sous-représentés. Pour ce faire, l’université s’engage à prendre des mesures compensatoires et à appliquer des changements institutionnels, par exemple en évaluant si les critères de recrutement et d’admission des étudiantes et étudiants posent problème (Université de Montréal, 2019 : 7).
Ensuite, l’Université de Montréal veut mieux soutenir la rétention et la réussite des étudiantes et étudiants présentant des facteurs de vulnérabilité tant au niveau académique que personnel. Elle se propose d’intensifier les actions actuelles et de les évaluer afin d’adopter des mesures mieux ciblées (Université de Montréal, 2019 : 8).
Enfin, la formation elle-même doit être enrichie de perspectives théoriques et de savoirs diversifiés. La formation doit aussi sensibiliser les étudiantes et les étudiants aux enjeux de l’équité, de la diversité et de l’inclusion (ÉDI) afin de les outiller à travailler et à interagir en contexte de diversité (Université de Montréal, 2019 : 8).
Un lieu de production de connaissances
En matière de recherche, plusieurs pistes sont envisagées. Tout d’abord, l’Université de Montréal veut bonifier son soutien aux recherches qui portent sur les enjeux liés aux groupes marginalisés. Elle veut également encourager les méthodologies qui impliquent les membres des groupes marginalisés afin d’intégrer leurs perspectives et leurs savoirs expérientiels ou traditionnels (modèles collaboratifs et de co-construction des savoirs).
Ensuite, l’université veut assurer une meilleure représentation de la diversité dans les équipes de recherche. Pour ce faire, « elle soutiendra la mise en place de processus de sélection, de promotion et de progression en carrière sensibles aux biais inconscients » pouvant être discriminatoires (Université de Montréal, 2019 : 11). L’Énoncé mentionne également des mesures pour inciter et soutenir les groupes minorisés à déposer leur candidature à des programmes de subventions ou à des postes en recherche (Université de Montréal, 2019 : 11-12).
Enfin, l’Énoncé évoque l’importance de valoriser et de mettre à profit les connaissances et expertises développées par les équipes de recherche en matière d’ÉDI (Université de Montréal, 2019 : 12).
Un milieu de travail
Les personnes employées dans tous les secteurs de l’université doivent elles aussi représenter la diversité et faire l’objet d’un recrutement exempt de biais discriminant. L’Université de Montréal se propose de prendre différentes mesures pour assurer la rétention et la progression en emploi de tout le personnel, notamment les personnes qui occupent des postes à statut précaire.
Pour ce faire, la sensibilisation et la formation aux « objectifs d’équité et aux biais inconscients » du personnel impliqué dans la gestion des ressources humaines sont nécessaires.
Un milieu de vie
Pour assurer un milieu de vie inclusif, l’université se veut accessible aux personnes en situation de handicap, exempte de harcèlement sexuel et de comportements discriminatoires. Elle veut sensibiliser l’ensemble de la communauté universitaire en ce sens (Université de Montréal, 2019 : 10).
La formation et la sensibilisation en matière de violences sexuelles sont d’ailleurs une obligation depuis l’adoption, en 2017, de la loi 151 visant à prévenir et à combattre les violences à caractère sexuel dans les établissements d’enseignement supérieur.
Dans le but de promouvoir un vivre ensemble ouvert « aux diversités de tous ordres » l’université veut renforcer ses partenariats avec les « associations étudiantes ou d’autres groupes internes ou extérieurs actifs sur le campus » (Université de Montréal, 2019 : 10-11).
Un établissement citoyen engagé dans sa communauté
Outre les changements à apporter en matière de culture institutionnelle, l’Université de Montréal veut s’engager au côté de partenaires qui portent des projets de « développement économique, social, culturel et éducatif des groupes vulnérables ou sous-représentés à l’Université ainsi que dans diverses disciplines » (Université de Montréal, 2019 : 12-13).
Conclusion
L’Énoncé de vision sur l’équité, la diversité et l’inclusion de l’Université de Montréal trace les grandes lignes d’un vaste chantier qui reste à opérationnaliser.
Au moment d’écrire ces lignes, le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur n’est pas en mesure de nous dire si d’autres universités ou collèges ont adopté des politiques ou des plans d’action en matière d’équité, de diversité et d’inclusion. Aucune directive ou loi n’oblige les institutions d’enseignement supérieur à agir en cette matière.
Bien que les questions d’inégalités, de marginalité et d’exclusion concernent l’ensemble de la société, le milieu de l’éducation des adultes constitue un acteur majeur qui peut améliorer la situation. Il y est très certainement engagé depuis de nombreuses années, il doit poursuivre ses actions en ce sens t mettre l’épaule à la roue.
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1 Brossard, Louise. 2018. Qui s'instruit s'enrichit... moins vrai pour les personnes immigrantes, site de l'ICÉA.; Brossard, Louise. 2019. "Les peuples autochtones : des réalités méconnues à tout point de vue". Dans Apprendre + Agir, revue électronique de l'ICÉA.; Brossard, Louise. 2020. "Pour une formation des adultes accessible aux personnes en situation de handicap". Dans Apprendre + Agir, revue électronique de l'ICÉA.
2 Site web des Chaires de recherche du Canada, consulté le 10-02-2020 : https://www.chairs-chaires.gc.ca/program-programme/equity-equite/action_...
3 Site web des Fonds de recherche du Québec, consulté le 10-02-2020 : http://www.scientifique-en-chef.gouv.qc.ca/dossiers/equite-diversite-et-...
4 Université de Montréal. 2019. Énoncé de vision sur l’équité, la diversité et l’inclusion, 13 p.