Un budget teinté par l’Opération main-d’œuvre
L’Opération main-d’œuvre annoncée par le gouvernement Legault en novembre 2021 représentait un investissement important en matière d’apprentissage, de formation pour l’emploi et de formation en milieu de travail. Il était à prévoir que cet investissement, de près de 4 milliards de dollars, ne soit pas doublé dans le budget de mars 2022 par de nouvelles mesures visant l’éducation des adultes.
L’analyse des mesures budgétaires annoncées le 21 mars 2022 révèle que la plupart des investissements qu’il est possible de lier à l’éducation des adultes sont fortement orientés vers les priorités définies dans le cadre de l’Opération main-d’œuvre, sinon limités à ces priorités.
1) Éducation
Concernant le ministère de l’Éducation, le budget de mars 2022 prévoit peu d’investissement directement lié à l’éducation des adultes. Il est question de sommes pour favoriser la réussite, moderniser les programmes de la formation professionnelle et soutenir l’apprentissage par le numérique. Cependant, le secteur de l’éducation des adultes ne fait l’objet d’aucune mesure de financement directe, sinon par le truchement de la francisation donnée à la FGA.
Sans surprise, l’Opération main-d’œuvre prend place dans ce budget québécois avec un investissement de 203 M$ sur cinq ans pour l’attraction et la rétention du personnel scolaire.
220 M$ pour favoriser la réussite de tous
Une somme de 220,9 M$ d’ici 2026-2027 est prévue pour la réalisation de différentes mesures visant à favoriser la réussite de tous les élèves. Ces mesures couvrent notamment la réussite scolaire des Autochtones, l’intégration et la réussite des élèves issus de l’immigration ainsi que la réduction du nombre d’élèves des cours de francisation donnés à la formation générale des adultes (Québec, 2022 : D.7).
Voilà une des rares mesures du budget 2022 qui ne fait pas référence à l’Opération main-d’œuvre. On y retrouve plutôt une volonté de répondre de manière ciblée aux besoins de certains groupes d’élèves.
203 M$ pour attirer et retenir le personnel scolaire
Une somme de 203,7 M$ sur cinq ans est accordée à l’attraction et la rétention du personnel qui œuvre dans le milieu scolaire formel (Québec, 2022 : D.10). Cet investissement du budget 2022 est fortement lié à la question de la pénurie de main-d’œuvre. Trois investissements distincts sont proposés :
1) 110,7 M$ pour accompagner les établissements scolaires dans le recrutement et la supervision des futurs enseignants;
- Augmenter l’allocation versée aux maîtres de stage et financer l’embauche de ressources spécialisées en recrutement par les établissements scolaires.
2) 55 M$ pour accroître la formation continue du personnel scolaire;
- Couvrir les coûts de la formation continue et les dépenses associées à la libération du personnel concerné.
3) 38 M$ sur d’ici 2024-2025 pour le retour au travail d’enseignants retraités.
- Couvrir le coût des primes salariales offertes jusqu’au 31 mars 2023 et assurer le complément de rémunération pour les 20 premiers jours de suppléance. Mesure tirée de l’Opération main-d’œuvre et détaillée dans l’annonce du ministère de l’Éducation de janvier 2022 (MÉQ, 24 janvier 2022).
À l’exception de la formation continue du personnel scolaire (qui se révèle être une obligation du Ministère), les mesures de financement présentées s’inscrivent dans la logique d’action de l’Opération main-d’œuvre. Le financement offert pour le retour en emploi des enseignants retraités est par ailleurs directement lié à cette opération. Les avantages de ces mesures pour la formation générale des adultes et de la formation professionnelle sont difficiles à évaluer.
De manière plus large, ces investissements ne se présentent pas comme des solutions permettant de rehausser les conditions de travail des enseignantes et des enseignants. Selon les grands syndicats de l’enseignement, le gouvernement devrait davantage s’attarder aux conditions de travail afin de rendre cette profession plus attrayante (La Tribune, 24 janvier 2022).
158 M$ pour soutenir l’apprentissage par le numérique
Une somme de 158,2 M$ sur cinq ans est accordée au ministère de l’Éducation afin de soutenir l’apprentissage par le numérique. Cet investissement semble s’inscrire dans la continuité des efforts de transformation numérique réalisés par le Ministère ces dernières années (Québec, 2022 : D.8).
Le texte du budget oriente l’investissement sur les infrastructures, les équipements, la compétence numérique et l’innovation. Cela dit, il est pour le moment impossible de savoir quelle part de cet investissement ira aux secteurs de la formation générale des adultes et de la formation professionnelle.
135 M$ pour moderniser les programmes de FP
Le budget 2022 prévoit 135,2 M$ d’ici 2026-2027 pour la modernisation des programmes de formation professionnelle. Plus précisément, le gouvernement souhaite accélérer et améliorer la mise à jour continue des programmes qui est faite en collaboration avec les partenaires du réseau.
Les principaux objectifs de cet investissement sont de s’assurer que les compétences des diplômés de la FP « soient à la fine pointe de la technologie » et de disposer d’un « plus grand bassin de main-d’œuvre compétente et qualifiée en formation professionnelle ». Pour ce faire, le gouvernement mise sur l’accès à la formation professionnelle, la fluidité des parcours et une utilisation accrue des formules d’apprentissage en milieu de travail (Québec, 2022 : D.8).
Ces objectifs et ces leviers d’action, notamment l’apprentissage en milieu de travail et la réalisation de stages, s’inscrivent dans la logique d’action de l’Opération main-d’œuvre. On peut facilement postuler que la modernisation des programmes de FP, au cours des cinq prochaines années, sera orientée vers une plus grande adéquation entre la formation offerte et les compétences en demande sur le marché du travail.
Par ailleurs, il faut se demander si cette modernisation sera appliquée à l’ensemble des programmes de FP ou uniquement aux programmes qui mènent à des professions priorisées par le gouvernement dans le cadre de l’Opération main-d’œuvre. Rappelons que cette opération met l’accent sur cinq domaines d’activité : l’enseignement, les services de garde éducatifs à l’enfance, la santé et les services sociaux, le génie et les technologies de l’information.
2) Enseignement supérieur
Concernant le ministère de l’Enseignement supérieur, le budget de mars 2022 prévoit plusieurs investissements visant à accroître l’accessibilité à cet ordre d’enseignement, à soutenir les personnes tout au long de leur parcours de formation et à accroître le nombre de personnes diplômées.
Pour le gouvernement Legault, l’accessibilité à l’enseignement supérieur semble reposer essentiellement sur des bonifications apportées au Programme d’aide financière aux études. Même plus généreux, le régime québécois de prêts et bourses constituera toujours un facteur d’endettement pour les étudiantes et les étudiants.
Par ailleurs, à l’exception de certaines sommes dédiées aux ressources professorales et à la supervision de stage, ce budget en semble par comporter d’investissement dédié à l’embauche de personnel professionnel. Selon la Fédération du personnel professionnel des universités et de la recherche (FPPU), de nombreuses mesures annoncées en enseignement supérieur reposent « en grande partie sur l'apport du personnel professionnel des universités » (FPPU, 23 mars 2022). À ce sujet, le Bureau de coopération interuniversitaire estime qu'il manque actuellement 500 emplois de ce type au Québec (psychologues, conseillers aux finances, technopédagogues, etc.). Tous des spécialistes qui ont été très sollicités depuis la pandémie.
342 M$ pour accroître l’accessibilité à l’enseignement supérieur
Une somme de 342 M$ sur cinq ans ira à différentes améliorations apportées au Programme d’aide financière aux études, soit :
- 203 M$ sur cinq ans pour rehausser le seuil à partir duquel le revenu des parents ou du conjoint est considéré dans le calcul de l’aide financière : ce seuil passe de 55 000 $ à 75 000 $ pour des parents vivant ensemble; de 50 000 $ à 65 000 $ pour un parent vivant seul ou une personne répondante; et de 48 000 $ à 63 000 $ pour un conjoint (Québec, 2022 : D.17);
- 3 M$ sur cinq ans pour bonifier l’exemption de revenus liés à une pension alimentaire : l’exclusion lors du calcul des prêts et bourses passera de 4200 $ à 6000 $ par enfant, soit l’équivalent de 500 $ par mois (Québec, 2022 : D.17);
- 64 M$ de 2023-2024 à 2026-2027 pour réduire la dette des personnes étudiantes ayant un enfant : la méthode d’attribution du montant de prêt étudiant sera révisée afin de réduire l’endettement des personnes qui étudient à temps partiel tout en étant réputées à temps plein (Québec, 2022 : D.18);
- 72 M$ pour reconduire l’élimination des intérêts sur les prêts étudiants pour l’année 2022-2023 : le gouvernement prend en charge les intérêts qui auraient dû être payés par environ 380 000 personnes ayant des prêts étudiants (Québec, 2022 : D.18).
238,8 M$ pour la mobilité régionale des étudiants
Cet investissement sur cinq ans servira à attirer et à retenir des étudiantes et des étudiants dans les cégeps situés en région. Le fait est que certains cégeps régionaux sont confrontés à d’importantes diminutions d’effectifs, ce qui compromet la vitalité et la viabilité financière des programmes d’études collégiales. Cet investissement servirait également à soutenir financièrement les points de service universitaires régionaux (Québec, 2022 : D.23).
131,9 M$ pour des ressources numériques et informationnelles
Cet important financement sur cinq ans vise la transformation numérique des établissements d’enseignement supérieur ainsi que l’adaptation de leurs ressources informationnelles. Cela dit, le gouvernement le lie directement à la capacité des établissements d’augmenter le nombre de leurs diplômés, conformément aux objectifs définis par l’Opération main-d’œuvre (Québec, 2022 : D.24).
Cet investissement apparaît clairement orienté vers le développement de ressources numériques et informationnelles permettant d’atteindre les objectifs définis par l’État dans les domaines priorisés, plutôt que le souci de mieux répondre aux besoins des personnes qui souhaitent s’inscrire à l’enseignement supérieur ou qui fréquentent déjà cet ordre d’enseignement.
77,4 M$ pour la persévérance et la réussite
Cet investissement sur cinq ans vise à favoriser la persévérance et la réussite des étudiants par le recrutement de ressources professorales et de superviseurs de stage (Québec, 2022 : D.20). Il permettra également de bonifier l’enveloppe des bourses de persévérance pour la maîtrise qualifiante en enseignement.
Encore une fois, cette mesure est liée à l’Opération main-d’œuvre : l’ajout de ressources en enseignement et en supervision de stage sont des éléments cités dans les mesures de l’Opération concernant le génie ou la santé et les services sociaux (Québec, 2021).
75 M$ pour l’intégration des stagiaires en santé et services sociaux
Cet investissement sur cinq ans servira à soutenir l’intégration des stagiaires collégiaux et universitaires dans le réseau de la santé et des services sociaux (Québec, 2022 : D.20). Conformément aux priorités définies dans le cadre de l’Opération main-d’œuvre, le gouvernement veut accroître l’encadrement offert aux stagiaires en sciences infirmières, santé mentale et protection de la jeunesse.
L’objectif est de créer des partenariats entre les établissements universitaires et le réseau de la santé et des services sociaux afin d’offrir plus de places de stage, de soutenir la réalisation de stages en région et d’embaucher des superviseurs de stage au collégial.
45,7 M$ pour les étudiants autochtones
Cet investissement sur cinq ans va à la bonification du soutien, de l’accueil et de l’intégration des étudiants autochtones dans les universités et les cégeps. Le gouvernement souhaite notamment faciliter l’accès aux logements et aux services de garde, et améliorer des services comme le soutien ou l’animation culturelle (Québec, 2022 : D.20). Cette mesure budgétaire répond ainsi à des demandes maintes fois répétées par les acteurs de l’éducation des adultes au Québec.
18,8 M$ pour de la formation collégiale courte et non créditée
Sous prétexte de bonifier l’offre de certifications collégiales, l’investissement sur cinq ans vise à développer un nouveau concept de formation non créditée, plus courte que l’attestation d’études collégiales (AEC). L’objectif de cette formation est de requalifier rapidement une personne (Québec, 2022 : D.23).
Comme l’explique le Cégep à distance, les cours non crédités « ne donnent pas droit à des unités pouvant mener à un diplôme » (Cégep à distance, 2022). Ainsi, cet investissement répondant aux priorités d’actions définies en matière de formation accélérée dans le cadre de l’Opération main-d’œuvre viserait à créer des formations qui ne pourraient être prises en compte dans l’obtention d’un diplôme.
Dans un contexte où la qualification à long terme des travailleuses et des travailleurs devrait être une priorité, on est en droit de se questionner sur la valeur de cet investissement. On pourrait même dire que le développement de formations non créditées entre en opposition avec l’accès à la qualification souligné dans certaines mesures de l’Opération main-d’œuvre.
Rappelons que la certification collégiale d’environ 90 heures offerte dès mars 2022 aux personnes intéressées à occuper des emplois d’éducatrice non qualifiée devrait s’inscrire dans un cheminement menant à la qualification (MFQ, 17 janvier 2022).
12,1 M$ pour soutenir la formation à distance
L’investissement sur cinq ans servira notamment à soutenir un pôle d’expertise en formation à distance et à améliorer l’accès aux ressources numériques en enseignement supérieur (Québec, 2022 : D.23). Cet investissement apparaît bien maigre comparativement aux 158,2 M$ pour l’apprentissage par le numérique qui ont été accordés au ministère de l’Éducation.
3) Personnes immigrantes
Afin d’atténuer les effets de changements démographiques et de la rareté de main-d’œuvre dans certaines régions du Québec, le budget 2022 prévoit une somme de 290,2 M$ sur cinq ans afin d’appuyer la francisation des personnes immigrantes, de favoriser leur attraction en région et d’accélérer le traitement des demandes.
Ces mesures de financement sont toutes liées à l’Opération main-d’œuvre. Elles concrétisent une volonté d’instrumentaliser l’immigration à des fins beaucoup plus économiques que démographiques. Par ailleurs, elles répondent à des objectifs très précis concernant les compétences en demande sur le marché du travail. Cela pourrait limiter les retombées à long terme de ces mesures, sinon affecter la disponibilité des services offerts à l’ensemble des personnes immigrantes.
198,3 M$ pour la francisation
Cet investissement sur cinq ans vise à offrir de la francisation en milieu de travail, bonifier l’offre de francisation à distance et offrir des cours de français aux personnes immigrantes qui seront sélectionnées à l’étranger avant leur arrivée au Québec (Québec, 2022 : E.34).
Louable en soi, cet effort pour la francisation des personnes immigrantes n’en apparaît pas moins orienté vers les priorités définies dans le cadre de l’Opération main-d’œuvre (Québec, 2021). On est en droit de se questionner sur la disponibilité de ces services pour les personnes immigrantes déjà en sol québécois ou dont la sélection ne sera pas liée à l’Opération main-d’œuvre.
80 M$ pour attirer des personnes immigrantes en région
Cet investissement sur quatre (à partir de 2023-2024 seulement) est entièrement dédié à la réduction des frais de scolarité exigés pour les étudiantes et les étudiants étrangers qui seront inscrits à des programmes collégiaux et universitaires en français, offerts en région et visant des domaines d’activité ciblés par l’Opération main-d’œuvre (Québec, 2022 : E.34)
Cette mesure orientée et restrictive soulève de nombreuses questions concernant les conditions à satisfaire pour être admissible à l’aide offerte. Par exemple, on peut se demander ce qui se passera si la personne réoriente son parcours de formation, si les priorités gouvernementales changent durant son parcours de formation ou encore si elle décide, au terme de son parcours de formation, de ne pas s’établir au Québec.
11,9 M$ pour accélérer le traitement des demandes
Cet investissement sur cinq ans permettra d’accélérer le traitement des demandes d’immigration. Le nombre de demandes a augmenté au cours des dernières années. Le gouvernement souhaite donc se doter des effectifs nécessaires pour traiter ces demandes dans un délai raisonnable et garantir l’intégrité du processus (Québec, 2022 : E.35).
Ici encore, on est en droit de se demander si l’accélération du traitement des demandes sera à l’avantage de toutes les personnes immigrantes ou uniquement de celles dont la sélection sera liée à l’Opération main-d’œuvre.
4) Action communautaire
Le budget 2022 consacre 1,1 milliard de dollars au renforcement de l’action communautaire. La majeure partie de cet investissement va à la bonification et à l’élargissement du soutien global à la mission des organismes communautaires.
Ces organismes sont actifs dans les secteurs de l’éducation, de la famille, de la santé et des services sociaux, de l’immigration, de l’intégration en emploi et des affaires autochtones. Ces organismes sont par ailleurs nombreux à soutenir des initiatives liées à la formation, à l’apprentissage et à l’éducation ou encore à l’employabilité.
Outre le financement à la mission, cet investissement permet également de renforcer l’action communautaire par la mise en œuvre de mesures spécifiques visant les carrefours jeunesse-emploi ou d’autres organismes communautaires. On comprend par ailleurs que cet investissement vient appuyer la mise en place du nouveau Plan d’action gouvernemental en matière d’action communautaire 2022-2027, dont les détails seront présentés ultérieurement par le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale.
Ce nouveau plan d’action est à l'avantage de l’action communautaire autonome, dont le financement récurrent à la mission atteindrait 234 M$ en 2026-2027. Cela dit, le Réseau québécois de l’action communautaire autonome (RQ-ACA) estime que ce montant récurrent ne représente que la moitié des besoins actuels des organismes communautaires autonomes (RQ-ACA, 23 mars 2022).
888,1 M$ pour soutenir la mission des organismes communautaires
Cet investissement sur cinq ans permet tout à la fois de rehausser le financement global à la mission des organismes communautaires existants et d’assurer le financement à la mission de nouveaux organismes (Québec, 2022 : G.9).
- 834,2 M$ sur cinq ans pour financer la mission des organismes existants : le budget 2022 rehausse de près de 30 % le financement du soutien à la mission globale des organismes (par rapport à 2020-2021). Cet investissement correspond à une somme de 112,1 M$ pour le financement de la mission des organismes en 2022-2023. Par ailleurs, cette somme augmentera au cours des prochaines années pour atteindre les 218,6 M$, en 2026-2027.
- 53,9 M$ sur cinq ans pour financer la mission de nouveaux organismes dans différents secteurs (ex. : défense de droits ou immigration) et de soutenir la mission globale des organismes à vocation multisectorielle (dont la mission est partagée entre plusieurs ministères). Le financement de l’enveloppe dédiée aux nouveaux organismes passe de 5,1 M$, en 2022-2023, à 15,3 M$, en 2026-2027. Le financement des organismes à vocation multisectorielle passe par la création d’un nouveau volet du Programme de soutien financier aux orientations gouvernementales en action communautaire et en action bénévole.
186,8 M$ pour renforcer l’action communautaire
La majeure partie de cet investissement sur cinq ans (115,3 M$) financera la mise en œuvre d’actions spécifiques comme le partage et de développement de bonnes pratiques en intervention communautaire ou encore l’offre de formation adaptée aux besoins des organismes communautaires (Québec, 2022 : G.11).
Cela dit, 65 M$ vont à la bonification du financement des carrefours jeunesse-emploi et à l’intégration socioprofessionnelle des jeunes adultes de 16 à 35 ans.
5) Alphabétisation
L’alphabétisation ne fait l’objet d’aucune mesure spécifique du budget 2022. Cela dit, l’analyse des crédits consacrés au ministère de l’Éducation permet d’établir que le financement de l’enveloppe du PACTE (Programme d’action communautaire sur le terrain de l’éducation) s’élève à 29,5 M$ pour l’année 2022-2023. Ce montant est le même que pour les deux précédents exercices (2021-2022 et 2020-2021).
Les organismes populaires d’alphabétisation tirent l’essentiel de leur financement du PACTE, il est donc possible de soutenir que le financement de l’alphabétisation populaire n’a pas augmenté en 2022-2023. Il importe cependant de souligner que le nouveau Plan d’action gouvernemental en matière d’action communautaire 2022-2027 prévoit une somme de 85,8 M$ sur cinq ans pour des organismes agissant pour favoriser l’éducation (Québec, 2022 : G.10). Étant donné que ce plan d’action (dont les détails seront annoncés ultérieurement) englobe notamment les organismes populaires d’alphabétisation, il est possible d’espérer qu’une part de cette somme sur cinq ans ira à l’alphabétisation populaire.
6) Autres mesures
Parmi les autres mesures qui retiennent notre attention, on compte la conciliation travail-famille-études, le branchement des familles à internet haute vitesse, le financement de l’École des dirigeants des Premières Nations et la formation de la relève dans les métiers de gestion de l’eau.
Conciliation travail-famille-études
L’amélioration de la conciliation travail-famille-études est l’un des objectifs ciblés par le financement accordé à la Stratégie gouvernementale pour l’égalité entre les femmes et les hommes 2022-2027 (Québec, 2022 : G.23).
Cette stratégie, que le Secrétariat à la condition féminine doit présenter cette année, recevra un financement de 100,1 M$ sur cinq ans pour réduire la dette des personnes étudiantes qui ont un enfant (64 M$), pour bonifier l’aide à des organismes communautaires qui œuvrent à promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes (7 M$) et pour la réalisation d’autres initiatives (29,1 M$).
Branchements à l’internet haute vitesse
Le budget 2022 ne propose aucun nouvel investissement pour le déploiement de l’internet haute vitesse dans les régions du Québec. Cela dit, on y rappelle que le gouvernement a investi près de 1,3 milliard de dollars à cette fin dans le budget 2021-2022 (Québec, 2022 : E.24) et qu’une somme de 228 M$ est prévue en 2022-2023 pour compléter ce déploiement (Québec, 2022 : I.51).
École des dirigeants des Premières Nations
Le gouvernement propose 10 M$ sur cinq ans (de 2021-2022 à 2025-2026) pour financer la création de l’École des dirigeants des Premières Nations – conformément à l’engagement pris le 26 novembre 2021 lors du Grand cercle économique des Peuples autochtones du Québec (Québec, 2022 : G.36).
Ce projet développé en collaboration avec HEC Montréal a été mis sur pied par des entrepreneurs et des universitaires autochtones, dans le but de stimuler le leadership et l’entrepreneuriat autochtone.
Former la relève dans les métiers de gestion de l’eau
Cet investissement de 13,2 M$ sur quatre ans répondra au manque de main-d’œuvre appréhendé dans la profession d’opérateurs d’installations du traitement des eaux et des déchets. Il permettra de doter le Programme de formations de courte durée (COUD) privilégiant les stages dans les professions priorisées par la Commission des partenaires du marché du travail (CPMT) d’un nouveau volet consacré à cette profession (Québec, 2022 : F.21).
Il est à noter que les municipalités, qui emploient plus de 40 % des travailleuses et des travailleurs de cette profession, seront admissibles à ce nouveau volet du programme COUD.
Conclusion
Comme l’annonçait l’introduction de cette analyse, les investissements du présent budget en éducation des adultes sont fortement influencés par les priorités définies dans le cadre de l’Opération main-d’œuvre. Une analyse à venir des mesures de cette opération permettra de dresser un portrait de ses impacts (positifs et négatifs) pour l’éducation des adultes.
Dans l’immédiat, il faut retenir que la plupart des investissements pour la formation et l’apprentissage en milieu de travail réalisé au cours de l’exercice 2022-2023 sont orientés vers les besoins de main-d’œuvre de cinq domaines d’activité : l’enseignement, les services de garde éducatifs à l’enfance, la santé et les services sociaux, le génie et les technologies de l’information.
On peut également retenir que ces investissements concourent à une instrumentalisation de l’immigration, à l’orientation de l’accès à l’enseignement supérieur vers des domaines d’apprentissage ciblés et même à une redéfinition des programmes de formation professionnelle et collégiale technique dont les finalités sont inquiétantes : priorité accordée aux besoins du marché du travail, apprentissages accélérés, formations non créditées.
Rappelons finalement que le budget de mars 2020 prévoyait 126 M$ sur cinq ans pour « embaucher de nouvelles ressources professionnelles, de soutien et enseignantes » d’ici 2024-2025. Ces ressources devaient profiter aux secteurs de la formation générale des adultes (FGA) et de la formation professionnelle (FP). Deux ans après cette annonce, il est encore difficile d’évaluer le nombre de nouvelles ressources embauchées. Ce manque d’information est d’autant plus inquiétant dans le contexte de pénurie décrié par le gouvernement.
Cela dit, on sait que les besoins en services spécialisés de la FGA sont importants. On sait également que ce secteur accueille de plus en plus d’adultes de 25 ans et plus (Les adultes à la formation générale des adultes, Indicateurs de l'ICÉA). L'ICÉA et ses partenaires l’ont souligné à maintes reprises ces dernières années : ces adultes ont eux aussi des besoins particuliers. Il s’agit souvent des mêmes besoins qu’ils avaient étant jeunes : des besoins parfois non satisfaits qui ont nui à leur réussite scolaire. Le ministère de l’Éducation ne peut ignorer cette réalité.
Ces besoins sont d’autant plus importants dans un contexte de crise où l’action stratégique de tous les secteurs de l’éducation formelle est nécessaire pour consolider les apprentissages, combler les retards scolaires et prévenir les effets négatifs du décrochage. Car de nombreux jeunes adultes ont décroché durant la crise sanitaire et la formation générale des adultes constitue leur meilleure option pour accéder à une première qualification avec l’âge de 20 ans.
Références
Cégep à distance (2022). « Perfectionnement et cours non crédités », Guide de choix de cours, site Web du Cégep à distance, mise à jour de 2022. En ligne : https://guidedechoixdecours.cegepadistance.ca/perfectionnement-cours-non...(UEC).
FPPU (23 mars 2022). « Sans professionnels, pas d'universités », CNW Telbec, communiqué du 23 mars 2022, Fédération du personnel professionnel des universités et de la recherche (FPPU). En ligne : https://www.newswire.ca/fr/news-releases/sans-professionnels-pas-d-universites-821159443.html.
La Tribune (24 janvier 2022). « Québec veut recruter environ 8000 employés dans le réseau scolaire d’ici 2026 », La Tribune, Actualités, 24 janvier 2022. En ligne : https://www.latribune.ca/2022/01/24/quebec-veut-recruter-environ-8000-em...
MÉQ (24 janvier 2022). « Opération main-d'œuvre - Offensive pour attirer davantage de personnel dans le domaine de l'éducation », CNW Telbec, communiqué du 24 janvier 2022, ministère de l’Éducation. En ligne : https://www.newswire.ca/fr/news-releases/operation-main-d-oeuvre-offensive-pour-attirer-davantage-de-personnel-dans-le-domaine-de-l-education-803384845.html.
MFQ (17 janvier 2022). « Opération main-d'œuvre - Une offensive majeure pour recruter et qualifier des milliers de nouvelles éducatrices et nouveaux éducateurs de la petite enfance », CNW Telbec, communiqué du 17 janvier 2022, ministère de la Famille. En ligne : https://www.newswire.ca/fr/news-releases/operation-main-d-oeuvre-une-offensive-majeure-pour-recruter-et-qualifier-des-milliers-de-nouvelles-educatrices-et-nouveaux-educateurs-de-la-petite-enfance-849277803.html.
Québec (2022). Budget 2022-2023, Plan budgétaire, Gouvernement du Québec, 470 p. En ligne : http://www.budget.finances.gouv.qc.ca/budget/2022-2023/documents/Budget2223_PlanBudgetaire.pdf.
Québec (2021). Opération main-d’œuvre, Mesures ciblées pour des secteurs prioritaires, Gouvernement du Québec, 48 p. En ligne : https://cdn-contenu.quebec.ca/cdn-contenu/adm/min/travail-emploi-solidarite-sociale/documents/RA_operation_maindoeuvre.pdf?1638290208.
RQ-ACA (23 mars 2022). « Budget 2022-2023 : 117 M$ pour soutenir le milieu communautaire en 2022-2023 », Actualité, page Web du Réseau québécois de l’action communautaire autonome, communiqué du 23 mars 2022. En ligne : https://iceaqc.sharepoint.com/:x:/r/sites/evenements/_layouts/15/Doc.aspx?sourcedoc=%7B7B661A7A-9A58-4542-B51F-5CD220FEA224%7D&file=Veille%20informationnelle_Principal.xlsx&wdOrigin=OFFICECOM-WEB.MAIN.REC&ct=1648230491934&action=default&mobileredirect=true.