La vision de la réussite éducative de l’ICÉA
Le 14 novembre, l’ICÉA déposait son mémoire auprès du ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS), Monsieur Sébastien Proulx, concernant la future politique de la réussite éducative. Dès le départ, l’ICÉA a fait part de sa vision de la réussite éducative. Selon nous, cette dernière se manifeste tout au long de la vie en fonction des apprentissages accumulés par les individus. La réussite éducative est manifeste lorsqu’elle permet aux personnes de développer leurs capacités d’initiative et d’agir de façon plus éclairée dans leur vie personnelle, dans leur milieu et dans la société. En ce sens, nous avons recommandé que la nouvelle politique éducative soit ambitieuse et porte une vision globale d’apprentissage tout au long de la vie, entre autres, en y inscrivant nommément la réussite éducative des adultes.
La francisation et l’alphabétisation
Étant donné le taux important de personnes au Québec qui ont un faible niveau de littératie, nous avons abordé la question de la francisation et de l’alphabétisation. Ces dernières ne sont pas seulement des domaines d’apprentissage parmi d’autres. Elles concernent des compétences qui elles-mêmes s’avèrent être des conditions d’une réussite éducative. C’est pourquoi l’adoption d’une stratégie nationale de lutte à l’analphabétisme est pour nous une des conditions à réunir pour favoriser la réussite éducative. Il faut non seulement apprendre à lire, mais il faut aussi lire pour apprendre, comme l’évoque le document du Réseau de lutte à l’analphabétisme. Ce faisant, nous avons recommandé au ministre de l’Éducation à tenir compte des recommandations du Réseau de lutte à l’analphabétisme dans la future politique de la réussite éducative.
Les réalités et besoins divers des adultes en apprentissage
Nous avons rappelé dans notre mémoire le fait que les motivations et les conditions d’exercice des adultes en formation diffèrent de celles des jeunes. Les adultes peuvent occuper un emploi, ont souvent des responsabilités familiales, sont parfois en reconversion professionnelle ou ont connu une rupture de leur parcours éducatif. Les adultes en apprentissage rencontrent plusieurs obstacles, notamment, financier et de conciliation travail, études, famille. Cette conciliation se complique lorsque les parents ont un enfant ayant un handicap.
Au sujet des femmes
En plus de ces obstacles, les femmes rencontrent des difficultés propres à leur condition sociale. Les femmes sont généralement plus nombreuses en éducation des adultes que les hommes. Cependant, leur plus grande participation ne se traduit pas par une présence plus forte en emploi ni par de meilleures conditions de travail. Une partie de ces problèmes s’expliquent par le fait que les femmes passent toujours plus de temps que les hommes à prendre soin de la famille. L’autre explication tient au fait que les emplois traditionnellement occupés par des femmes sont moins bien rémunérés que ceux traditionnellement occupés par les hommes1. D’autres éléments touchant les femmes ont été abordés dans le Rapport Jean, un rapport datant de 1982. Ces éléments, notamment les choix de formation, mériteraient d’être mis à jour. Or, nous avons trouvé très peu de littérature sur les femmes et l’éducation des adultes.
Des mesures de soutien aux adultes
Tenant compte de l’ensemble des motivations et obstacles rencontrés par les adultes en formation, nous avons recommandé d’adopter des mesures pour soutenir spécifiquement la réussite éducative des adultes et la continuité de leur parcours d’apprentissage. Nous avons évoqué, notamment :
- l’amélioration de l’accès à la formation à temps partiel, et ce, à tous les ordres d’enseignement;
- des horaires adaptés, tenant compte des disponibilités des adultes;
- des services de conseil et d’orientation scolaire et professionnelle, accompagnant les adultes dans leur choix de formation;
- des mesures favorisant la conciliation famille, travail et études telles que les services de garde d’enfants.
La reconnaissance des acquis
Par ailleurs, la reconnaissance des acquis (RAC) expérientiels, professionnels et scolaires constitue un levier important pour favoriser l’accès à l’éducation des adultes. Or, la RAC présente encore des difficultés, et ce, tout particulièrement pour les personnes immigrantes. Nous avons abordé le fait que pour se faire reconnaître des acquis, les personnes doivent nécessairement être inscrites à un programme. Si une reconnaissance est obtenue, elle risque d’être valide seulement pour ce programme précis et cet établissement d’enseignement précis. Il y a aussi des difficultés à se faire reconnaître des cours suivis dans un autre établissement. Enfin, la reconnaissance d’apprentissages non formels et informels2 reste difficile. Comme le soulignait le Conseil supérieur de l’éducation dans son avis sur la reconnaissance des acquis, « une personne n’a pas à réapprendre ce qu’elle sait déjà; ce qui importe dans la reconnaissance des acquis, c’est ce qu’une personne a appris et non les lieux, circonstances ou méthodes d’apprentissage »3.
La reconnaissance des acquis des personnes immigrantes
La reconnaissance des acquis constitue un levier tout particulièrement important pour l’intégration socioéconomique des personnes immigrantes. Les impacts d’une non-reconnaissance sont nombreux, tant pour les personnes elles-mêmes que pour l’ensemble de la société. Par exemple, M. Paul Bélanger constatait, lors d’une allocution d’ouverture présentée à Montréal en octobre dernier, que 30 % des personnes immigrantes au Québec sont surqualifiées pour l’emploi qu’elles occupent. Cette situation est plus grave pour les femmes immigrantes dont 57 % sont en position de surqualification4. La future politique de la réussite éducative devrait être l’occasion de faciliter une démarche de reconnaissance des acquis obtenus à l’extérieur du pays.
En conséquence de quoi, l’ICÉA recommande d’élargir et de faciliter l’accès à la reconnaissance des acquis, notamment pour les populations qui y ont moins accès.
Soutenir et renforcer l’éducation des adultes
Par ailleurs, l’ICÉA a rappelé l’importance d’avoir une infrastructure solide et diversifiée dédiée à l’éducation des adultes afin d’assurer la réussite éducative tout au long de la vie. Pour ce faire, au moins trois éléments sont nécessaires : le financement adéquat, la recherche et l’innovation et enfin, une gouvernance représentative du milieu de l’éducation des adultes.
En matière de financement, l’ICÉA a fait référence à son enquête, dont le lancement aura lieu le 5 décembre prochain. Cette étude révèle des impacts importants liés à la réduction du financement public sur les organisations en éducation des adultes. Nos données indiquent que près de 60 % des organisations répondantes ont aboli des postes de travail ou réduit des heures de travail. De plus, 36 % d’entre elles ont aboli des services et 55 % les ont réduits. En fin de compte, ce sont les adultes en formation qui en font les frais. Conséquemment, l’ICÉA a recommandé de financer adéquatement les réseaux scolaires, communautaires et associatifs de l’éducation des adultes.
Aussi, nous avons été à même de constater le peu de recherches et de données probantes en matière d’éducation des adultes. Or, pour prendre des décisions éclairées, le gouvernement doit pouvoir s’appuyer sur une connaissance actualisée et fiable du milieu de l’éducation des adultes. Ce dernier devra également compter sur l’innovation pour se développer. Par conséquent, l’ICÉA a recommandé de stimuler et d’appuyer financièrement la recherche et l’innovation en matière de réussite éducative des adultes.
Enfin, l’ICÉA a rappelé l’importance que les parties engagées dans la réussite éducative des adultes fassent partie des instances de gouvernance de l’éducation, y compris les adultes en apprentissage. Cette représentation doit refléter la diversité de l’éducation des adultes. Ce secteur doit également être régulièrement consulté concernant les questions qui le concernent.
Conclusion
La réussite éducative concerne tant les jeunes que les adultes. Tout comme les apprentissages, elle se mesure tout au long de la vie. Elle se traduit notamment par l’augmentation du bien-être des personnes et des communautés. Nous invitons le ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport à saisir l’occasion d’une nouvelle politique de la réussite éducative pour instaurer au Québec une culture de l’apprentissage et de la réussite éducative tout au long de la vie.
1 Rose, Ruth. 2016. Les femmes et le marché du travail au Québec : portrait statistique, 2e Édition, mai 2016. Montréal : Comité consultatif Femmes en développement de la main-d’œuvre, p. 9 [55 p].
2 Les apprentissages non formels consistent en des formations structurées, mais non créditées. Quant aux apprentissages informels, il s’agit de savoirs acquis dans la vie quotidienne sans qu’il y ait une intention d’apprendre.
3 Conseil supérieur de l’éducation. 2000. La reconnaissance des acquis, une responsabilité politique et sociale. Avis au ministre de l’éducation. Québec : juin, p. 16 [121 p].
4 Allocution d’ouverture du colloque international Accueillir et développer le capital immigrant tenu le6 octobre 2016 à Montréal. Publication des actes à venir.
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