Absence de diplôme et situation de faibles compétences
Les données compilées par l’ISQ à partir des résultats du Programme pour l’évaluation internationale des compétences des adultes (PEICA) 2012 révèlent que 90 % des adultes de 18 à 65 ans qui n’ont pas de diplôme d’études secondaires (DES) se classent au niveau 2 ou moins de littératie et de numératie de l’échelle du PEICA (2012) (tableau 1). Comparativement, plus de la moitié des adultes ayant un DES ou plus se classent au niveau 3 ou plus de littératie et de numératie.
La littératie et la numératie sont des compétences de base en traitement de l’information. Elles permettent à une personne d’utiliser l’écrit afin de pouvoir apprendre, comprendre et intervenir dans le cours de sa vie (ICÉA, 2018; DIGNARD, 2015). Pour la personne qui les maîtrise, elles sont un gage de plus grande d’autonomie. L’analyse des résultats du PEICA (2012) permet d’établir que l’autonomie des adultes qui se classent sous le niveau 3 de littératie ou de numératie est plus limitée dans une société du savoir comme la nôtre (voir les précisions apportées à la section suivante).
Les données compilées par l’ISQ permettent de croire à un lien entre l’absence de diplôme et de plus faibles compétences de base en traitement de l’information chez une personne. Ces données indiquent également qu’un petit nombre de personnes parviennent à se classer au niveau 3 ou plus de littératie ou de numératie même si elles n’ont pas de diplôme (tableau 1). Par ailleurs, force est de constater que de fortes proportions d’adultes ayant un DES ou plus se classent sous le niveau 3 de littératie (47 %) ou de numératie (50 %).
Ainsi, l’absence de diplôme peut être annonciatrice de la présence de faibles compétences de base en traitement de l’information chez une personne. Cependant, le fait qu’un adulte ait un diplôme ne veut pas dire qu’il ait de fortes compétences de base en traitement de l’information.
Le tableau 2, pour sa part, révèle que les scores moyens en littératie et en numératie des adultes de 18 à 65 ans sans diplôme ne dépassent pas le niveau 1 de l’échelle du PEICA (2012). Le lien entre l’absence de diplôme et de plus faibles compétences de base en traitement de l’information chez une personne est ici renforcé. Compte tenu des scores moyens compilés et de la très faible proportion d’adulte sans diplôme qui atteignent le niveau 3 de littératie ou de numératie, il est possible de postuler que neuf adultes sans diplôme sur dix seront susceptibles de se retrouver en situation d’analphabétisme au cours de leur vie en raison de faibles compétences de base en traitement de l’information (ICÉA, 2018).
En 2012, les adultes de 18 à 65 ans sans diplôme représentaient 14 % de la population québécoise. Il s’agit d’une proportion relativement faible de la population québécoise, mais dont les capacités d’agir et d’intervenir dans le cours de leur vie apparaissent limitées en présence d’environnements écrits de plus en plus complexes (tableau 2). Afin de bien comprendre l’effet que de faibles compétences, notamment en littératie, peuvent avoir sur la capacité d’action et l’autonomie d’une personne, il importe d’en apprendre plus sur les mesures effectuées par l’enquête du PEICA (2012).
Compétences en littératie des adultes
L’enquête du PEICA mesure les compétences des adultes en littératie à l’aide de tests que les personnes participantes doivent réussir. L’encadré 1 présente ce qui est attendu de ces personnes lors de ces tests : ce qui leur est demandé, les textes utilisés et des exemples de tâches à réussir selon le plus haut niveau de littératie atteint (OCDE, 2013, 2013a et 2009). Cet encadré propose par ailleurs une caractérisation (réalisée par l'ICÉA) de la situation où sont susceptibles de se retrouver ces personnes, selon le niveau de littératie atteint.
Compétences des personnes aux niveaux 1 et inférieur à 1 de littératie
Au niveau inférieur à 1 de littératie la personne n’a qu’une connaissance du vocabulaire de base : dans un court texte portant sur un sujet familier, elle parvient à repérer une information identique à celle qui est donnée dans la question (encadré 1). L’adulte qui se classe au niveau 1 de littératie, pour sa part, peut comprendre le vocabulaire de base, saisir le sens d’une phrase, lire un texte avec une certaine aisance ou remplir un formulaire simple.
Les compétences des personnes qui se classent au niveau 1 ou inférieur à 1 de littératie sont limitées. Elles apparaissent insuffisantes dans une société où les exigences liées à l’utilisation de l’information écrite sont de plus en plus grandes. Ces personnes sont susceptibles d’éprouver des difficultés (niveau 1) et même de grandes difficultés (niveau inférieur à 1) qui limiteront leur capacité à lire pour apprendre, comprendre et intervenir dans le cours de leur vie (ICÉA, 2018; DIGNARD, 2015).
Compétences des personnes au niveau 2 de littératie
Le niveau 2 de littératie suppose des attentes plus élevées. À ce niveau, l’adulte peut lire des textes plus longs, à partir de différents supports (imprimés ou numériques) et dans des formats variés (continus, non continus ou mixtes). Il doit établir des correspondances entre le texte et l’information demandée dans la question. Il doit mettre en œuvre des compétences plus complexes, comme effectuer des paraphrases ou des inférences simples, comparer ou mettre en opposition des informations ou engager une réflexion à leur sujet (OCDE, 2013).
Bref, les compétences de cet adulte sont plus élevées. Il est en mesure de traiter l’information écrite avec plus d’aisance, ce qui l’aide à affirmer sa capacité d’action, à se prendre en main et à agir avec plus d’autonomie.
Dynamiques de lecture et d’apprentissage des adultes
Comme le souligne l’avis de l'ICÉA sur l’alphabétisation, les dynamiques de lecture et d’apprentissage des adultes diffèrent selon le niveau de littératie où ils se classent (ICÉA, 2018). Alors que les personnes qui se classent au niveau 1 ou inférieur à 1 se retrouvent le plus souvent dans une situation où elles doivent apprendre à lire, les personnes qui atteignent le niveau 2 se retrouvent plutôt dans une situation où elles arrivent à lire pour apprendre en présence de conditions facilitantes.
Niveaux de littératie des adultes sans diplôme selon certaines caractéristiques
La compilation de l’ISQ permet d’aller plus loin dans la compréhension de la situation des adultes sans diplôme ayant de faibles compétences en littératie. Elle présente les scores moyens de ces adultes selon différentes caractéristiques sociales et démographiques. Ces scores apparaissent dans le tableau 3, où ils ont été reportés sur l’échelle de littératie du PEICA (2012).
Pour la plupart, ces scores se situent entre la moitié supérieure du niveau 1 et la moitié inférieure du niveau 2. Cette observation permet de situer la majorité des adultes sans diplôme dans deux groupes de personnes dont les besoins en matière de développement des compétences sont différents.
Selon les scores moyens obtenus pour chaque caractéristique (sexe, statut, activité, etc.), ces adultes se retrouvent tantôt dans le groupe des personnes dont les faibles compétences peuvent limiter leur capacité à lire pour apprendre, comprendre et intervenir dans le cours de leur vie; tantôt dans le groupe des personnes dont les compétences se révèlent suffisantes afin de lire pour apprendre, en présence de conditions facilitantes.
Les adultes sans diplôme ne forment pas une population homogène. Les moyens à déployer pour aider ces personnes à développer leurs compétences devront donc être différents selon le niveau de littératie où elles se classent.
Les explications apportées à la section précédente au sujet des compétences des adultes en fonction de leur niveau de littératie (encadré 1) suggèrent deux grands axes d’interventions s’adressant :
- aux personnes se classant au niveau 1 de littératie : la mise en œuvre d’une stratégie nationale de lutte à l’analphabétisme qui s’appuie sur une vision large du problème et qui permet d’intervenir sur plusieurs fronts : l’acquisition de connaissances en lecture et en écriture, l’amélioration des conditions de vie, l’adaptation des environnements écrits et technologiques et finalement la prise en compte des réalités des personnes peu ou pas alphabétisées dans les programmes, les services et les interventions (ICÉA, 2018);
- aux personnes se classant au niveau 2 de littératie : la mise en œuvre d’actions ciblées leur permettant d’avoir accès à des environnements écrits adaptés dans des domaines stratégiques comme la santé et les services sociaux, l’immigration, l’aide à l’emploi, l’éducation et les services publics (Dignard, 2015).
Des caractéristiques qui font exception
Cela dit, certains scores moyens présentés dans le tableau 3 méritent une attention particulière. C’est le cas des scores liés au statut des personnes sans diplôme ou au nombre de livres qu’on retrouvait dans leur maison à l’âge de 16 ans.
Les personnes immigrantes sans diplôme
La présentation des scores moyens obtenus selon le statut fait ressortir une nette différence entre le groupe que forment les personnes immigrantes (récente ou de longue date), d’une part, et le groupe que forent les personnes nées au Canada et de 2e génération , d’autre part (tableau 3).
On voit bien qu’il n’y a pas de chevauchement entre l’intervalle de confiance de l’élément « Immigrant » et les intervalles des deux autres éléments (« personnes nées au Canada » et « 2e génération »). Les personnes immigrantes sans diplôme se classent dans la moitié inférieur du niveau 1 et la marge supérieur du niveau inférieur à 1 de littératie, tandis que les personnes nées au Canada ou de 2e génération se classent dans la marge supérieur du niveau 1 et au niveau 2 de littératie.
Ces résultats indiquent que les personnes immigrantes sans diplôme se retrouvent exclusivement dans le groupe des personnes qui doivent apprendre à lire, tandis que les autres personnes sans diplôme peuvent tout à la fois se retrouver dans le groupe des personnes qui doivent apprendre à lire et celui des personnes qui arrivent à lire pour apprendre en présence de conditions facilitantes. Il est par ailleurs intéressant de noter que le score moyen obtenu par les adultes sans diplôme de 2e génération suggère que ces personnes ont des compétences en littératie plus élevées que les adultes sans diplôme nés au Canada.
Les interventions réalisées auprès des personnes immigrantes sans diplôme doivent tenir compte du fait que leurs compétences en littératie sont plus faibles que celles des autres personnes sans diplôme (nées au Canada ou de 2e génération). Les personnes immigrantes sans diplôme apparaissent ainsi moins susceptibles de pouvoir lire pour apprendre, certaines pourraient même éprouver de très grandes difficultés à lire en raison de compétences équivalentes au niveau inférieur à 1 de littératie.
Le nombre de livres à la maison
Le nombre de livres à la maison à l’âge de 16 ans semble lui aussi avoir également une incidence sur l’appartenance exclusive à l’un des deux groupes de personnes susceptibles de se retrouver en situation d’analphabétisme au cours de leur vie. En effet, on observe au sein de cette caractéristique une absence de chevauchement entre l’intervalle de confiance de l’élément « 25 livres ou moins », d’une part, et les intervalles des deux autres éléments (« de 26 à 100 livres » et « plus de 100 livres »), d’autre part.
Les résultats compilés par l’ISQ indiquent que les personnes sans diplôme qui avaient 25 livres ou moins à la maison à l’âge de 16 ans se classent uniquement dans la moitié supérieure du niveau 1 de littératie. Conséquemment, elles se retrouvent exclusivement dans le groupe des personnes qui doivent apprendre à lire. Les personnes sans diplôme qui avaient plus de 25 livres à la maison à l’âge de 16 ans, pour leur part, se classent tout à la fois dans la marge supérieure du niveau 1 de littératie et la moitié inférieure du niveau 2 de littératie. Ces personnes se retrouvent ainsi tout à la fois dans le groupe des personnes qui doivent apprendre à lire et celui des personnes qui arrivent à lire pour apprendre en présence de conditions facilitantes.
Les résultats compilés pour cette caractéristique suggèrent une augmentation du score moyen en littératie d'une personne sans diplôme selon le plus grand nombre de livres qu'elle avait à la maison à l’âge de 16 ans. C’est d’ailleurs chez les personnes qui avaient plus de 100 livres à la maison à l’âge de 16 ans qu’on retrouve le plus haut score moyen en littératie compilé par l’ISQ (237,3).
La scolarité des parents
Les résultats compilés en lien avec la scolarité des parents présentent des scores moyens dont les valeurs suggèrent une incidence positive de la scolarité des parents à l’égard du niveau de littératie où se classe la personne sans diplôme. En effet, le score moyen des personnes sans diplôme dont les parents n’avaient pas de diplôme (211,6) est nettement inférieur à ceux des personnes sans diplôme dont les parents avaient un diplôme équivalent ou supérieur au DES (230,4 et 231,3).
Participation et littératie des adultes sans diplôme
La compilation de l’ISQ propose également des résultats concernant la participation des adultes sans diplôme à différents types d’activités de formation formelle ou non formelle. Le tableau 4 présente les scores moyens obtenus par ces adultes selon qu’ils ont participé ou non à ces activités. On y note que les scores moyens des adultes ayant participé à des activités se situent au niveau 2 de littératie, comparativement au niveau 1 pour les adultes n’ayant pas participé.
De manière générale, les scores moyens de littératie des adultes sans diplôme qui participent à la formation formelle ou non formelle sont plus élevés que ceux des adultes sans diplôme qui ne participent pas.
Les résultats compilés par l’ISQ en lien avec la formation formelle et les activités de formation non formelle (dont la formation à distance, la formation en cours d’emploi et les séminaires) méritent une attention particulière. Pour ces types, on observe des différences statistiques (l’absence de chevauchements entre les intervalles de confiance) entre les scores des adultes qui n’ont pas participé et ceux des adultes qui ont participé.
De manière générale, les adultes sans diplôme ayant participé à la formation formelle ou à des activités de formation non formelle (tous types confondus) obtiennent des scores qui les situent au niveau 2 de littératie. Inversement, les adultes qui n’ont pas participé obtiennent des scores qui les situent dans la moitié supérieure du niveau 1 de littératie. Il apparaît que ces adultes forment deux groupes différents : ceux qui ne participent pas se retrouvent dans le groupe des personnes qui doivent apprendre à lire et ceux qui participent se retrouvent dans le groupe des personnes qui arrivent à lire pour apprendre en présence de conditions facilitantes.
Par contre, lorsque l’on s’intéresse spécifiquement aux scores compilés pour la formation à distance et la formation en cours d’emploi, on note que les adultes ayant participé à ces deux types d’activités de formation non formelle peuvent tout à la fois se classer au niveau 1 ou au niveau 2 de littératie. Dans ces cas précis, les adultes qui ne participent pas se retrouvent dans le groupe des personnes qui doivent apprendre à lire, alors que ceux qui participent peuvent tout à la fois se retrouver dans le groupe des personnes qui doivent apprendre à lire et celui des personnes qui arrivent à lire pour apprendre en présence de conditions facilitantes.
Pratiques de lecture et d’écriture des adultes sans diplôme
La compilation de l’ISQ s’intéresse par ailleurs au lien entre les compétences en littératie des adultes sans diplôme et la présence de pratiques d’activités de lecture et d’écriture en dehors du travail. Le tableau 5 présente les scores moyens obtenus par ces adultes et le niveau de littératie où ils se classent selon un faible ou un fort indice de pratique.
Chez les adultes sans diplôme, la lecture et l’écriture en dehors du travail sont des activités associées à un niveau plus élevé de compétences en littératie. La compilation de l’ISQ révèle en effet que les adultes sans diplôme qui se caractérisent par un fort indice de pratique se classent au niveau 2 de littératie, tandis que ceux qui se caractérisent par un faible indice de pratique se classent au niveau 1 de littératie.
Le portrait de l’ISQ révèle par ailleurs une grande similitude dans les résultats compilés pour la lecture et l’écriture, de même que l’absence de chevauchement entre les intervalles de confiance liés à ces deux indice. Cela veut dire qu’on est en présence de deux populations d’adultes différentes et relativement bien définies. D’une part, les adultes sans diplôme ayant un fort indice de pratique d’activités de lecture et d’écriture en dehors du travail appartiennent au groupe des personnes qui arrivent à lire pour apprendre en présence de conditions facilitantes. D’autre part, les adultes sans diplôme ayant un faible indice de pratique se retrouvent dans le groupe des personnes qui doivent apprendre à lire.
Il est possible de croire que la pratique d’activités de lecture et d’écriture en dehors du travail exerce une influence positive sur le maintien et le rehaussement des compétences en littératie des adultes sans diplôme. Il serait également juste de supposer que la présence d’un niveau de littératie plus élevé puisse encourager les adules sans diplôme à lire et à écrire en dehors du travail.
En conclusion…
Cette analyse des résultats compilés par l’ISQ permet de mieux comprendre la situation des personnes sans diplôme et de se faire une meilleure idée des mesures à prendre pour les aider à développer leurs compétences de base en traitement de l’information, notamment la littératie.
Voici les faits saillants à retenir :
- L’absence de diplôme peut être annonciatrice de la présence de faibles compétences de base en traitement de l’information chez une personne. Cependant, le fait qu’un adulte ait un diplôme ne veut pas dire qu’il ait de fortes compétences de base en traitement de l’information.
- Neuf adultes sans diplôme sur dix seront susceptibles de se retrouver en situation d’analphabétisme au cours de leur vie en raison de faibles compétences de base en traitement de l’information
- Les adultes sans diplôme ne forment pas une population homogène. Les moyens à déployer pour aider ces personnes à développer leurs compétences devront donc être différents selon le niveau de littératie où elles se classent.
- Les interventions réalisées auprès des personnes immigrantes sans diplôme doivent tenir compte du fait que leurs compétences en littératie sont plus faibles que celles des autres personnes sans diplôme (nées au Canada ou de 2e génération). Les personnes immigrantes sans diplôme apparaissent ainsi moins susceptibles de pouvoir lire pour apprendre, certaines pourraient même éprouver de très grandes difficultés à lire en raison de compétences équivalentes au niveau inférieur à 1 de littératie.
- De manière générale, les scores moyens de littératie des adultes sans diplôme qui participent à la formation formelle ou non formelle sont plus élevés que ceux des adultes sans diplôme qui ne participent pas.
- Chez les adultes sans diplôme, la lecture et l’écriture en dehors du travail sont des activités associées à un niveau plus élevé de compétences en littératie.
- Il est possible de croire que la pratique d’activités de lecture et d’écriture en dehors du travail exerce une influence positive sur le maintien et le rehaussement des compétences en littératie des adultes sans diplôme. Il serait également juste de supposer que la présence d’un niveau de littératie plus élevé puisse encourager les adules sans diplôme à lire et à écrire en dehors du travail.