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ICEA

Institut de coopération pour l'éducation des adultes

Retour sur la consultation en vue de l’adoption d’une nouvelle politique gouvernementale d’éducation des adultes et de formation continue

 

La première phase de la consultation gouvernementale en vue d’actualiser la Politique d’éducation des adultes et de formation continue s’est tenue les 17 et 18 juin derniers. Rappelons que cette actualisation est réclamée par les milieux depuis 2007, soit à l’échéance du plan d’action 2002-2007. La consultation a été organisée par le ministère de l’Éducation en collaboration avec le ministère de l’Enseignement supérieur, celui de l’Emploi et de la Solidarité sociale, ainsi qu’avec la Commission des partenaires du marché du travail (CPMT). Elle a eu lieu en ligne et était sur invitation seulement. Selon les organisateur·trices, 450 personnes se sont inscrites à cette consultation d’une journée et demie. 

Des personnes provenant de différents milieux étaient invitées, notamment du secteur de l’éducation (FGA, FP, cégep, université), du milieu communautaire (alphabétisation, employabilité, éducation populaire, etc.), du milieu documentaire, du mouvement associatif et syndical, de l’écosystème de l’intelligence artificielle, des comités sectoriels de main-d’œuvre, etc. Cette consultation a permis d’inclure un large éventail de participant·es, y compris ceux et celles qui ne sont pas toujours associés à l’éducation et à la formation des adultes. De ce point de vue, c’était très positif ! 

Quatre thématiques avaient préalablement été identifiées par les organisateurs·trices de la consultation et présentées dans un cahier de consultation d’une vingtaine de pages :  

  • la personne apprenante; 
  • des modes et des lieux d’apprentissage;
  • les reconnaissances des acquis et des compétences; 
  • la gouvernance. 

Chacune a fait l’objet d’un atelier d’environ 75 minutes, incluant un temps de révision avec la personne responsable de la synthèse (dans notre cas, les discussions comme telles ont donc duré une heure). Toutes les personnes participantes ont eu l’occasion d’échanger sur ces thématiques.  

Un exercice intéressant, mais trop bref ! 

Bien que nous soyons content·es que le gouvernement ait prévu une consultation, nous trouvons que l’exercice a été trop court. Nous pensons qu’un tel exercice aurait nécessité plus de temps pour approfondir les sujets de discussions et aller au-delà des quatre thèmes prédéterminés. En mettant l’accent uniquement sur quatre thèmes importants, on a malheureusement dû faire abstraction de nombreux autres sujets et préoccupations des acteurs et actrices de l’éducation des adultes, tout aussi importants. 

En ce qui nous concerne, nous n’avons pas pu aborder certains des constats et des recommandations de notre mémoire1 comme les grands défis d’apprentissage ou encore le statut de bien public et de bien commun de l’éducation des adultes. C’est un aspect crucial alors que le secteur privé des technologies éducatives (edtechs) connaît une expansion rapide et qu’il est également important de mieux encadrer l’intelligence artificielle. Nous n’avons pas pu aborder en profondeur les questions relatives à la reconnaissance des acquis et des compétences, puisque les personnes participantes étaient moins à l’aise de discuter de ce thème dans notre atelier. Nous pensons qu’il est important de mieux soutenir les pratiques de RAC, en particulier en dehors des cadres institutionnels et hors du système scolaire. Enfin, nous avons eu très peu de temps pour discuter des enjeux de conciliation famille-travail-études. Ils ont été évoqués lors d’échanges sur la personne apprenante et sur les modes et lieux d’apprentissage, mais nous croyons qu’une thématique distincte aurait permis d'aller plus loin, notamment en ce qui concerne les pistes d'actions et les solutions pour soutenir les individus et les parents.  

Dans le passé, il y a eu des exemples très inspirants de processus qui ont pris le temps nécessaire pour écouter toutes les parties prenantes, susciter des discussions et des réflexions en profondeur et bien comprendre l’ensemble des enjeux du secteur. On peut penser à la Commission d’étude sur la formation professionnelle et socioculturelle des adultes (CEFA), appelée aussi la Commission Jean du nom de sa présidente, qui a tenu 244 audiences, analysé 276 mémoires et autres documents écrits et formulé 430 recommandations dans un énoncé de politique globale de l’éducation des adultes. 

Dans une lettre ouverte parue dans Le Devoir peu avant le début de la consultation gouvernementale, nous soulignions justement l’importance d’adopter une nouvelle politique ambitieuse plutôt que d’actualiser la Politique de 2002, qui a déjà plus de vingt ans et n’est plus adaptée à plusieurs enjeux contemporains. Pour ce faire, nous croyons qu’un processus de consultation élaboré est essentiel. 

Quelle politique gouvernementale d’éducation des adultes dans un contexte difficile pour le milieu de l’éducation ? 

La consultation s’est déroulée dans un contexte pour le moins particulier, qui n’a pas manqué d’être évoqué lors des ateliers auxquels nous avons participé. En effet, quelques jours auparavant, on apprenait qu’il y avait des restrictions budgétaires substantielles (d’au moins 570 millions de dollars) dans les centres de services scolaires et dans le réseau d’enseignement privé2

Outre les mesures, programmes et projets qui seront abolis ou suspendus par les écoles primaires et secondaires, ces restrictions budgétaires feront également mal aux jeunes adultes et aux adultes en formation. Par exemple, on a appris que les mandats des équipes régionales du RÉCIT3 pour la formation professionnelle (FP) et la formation générale des adultes (FGA) prenaient fin puisque « le financement des services régionaux a été transféré directement aux centres de services scolaires, ce qui occasionne, vu le contexte, des pertes d’emplois dans la majorité des cas » (Miller, 2025). Rappelons qu’il y a une majorité d’adultes de plus de 25 ans autant en FP qu’en FGA. 

Ces restrictions s’ajoutent à d’autres coupes ou réductions budgétaires touchant divers milieux de l’éducation et de la formation des adultes depuis le début de l’année 2025. En effet, ces derniers mois, plusieurs organismes ont connu des nouvelles plutôt mauvaises. Le 31 mars dernier, l’Observatoire sur la réussite en enseignement supérieur (ORES) a cessé ses activités, car le MES n’a pas renouvelé son financement4. L’ORES effectuait pourtant un travail notable de veille et de concertation, et a produit des dossiers de grande qualité, notamment sur la formation continue en enseignement supérieur.  

En avril, des organismes communautaires offrant des programmes de réinsertion en emploi apprenaient que leur subvention de Services Québec, pour les projets de préparation à l’emploi (PPE), ne serait pas renouvelée. Parmi ces organismes, on compte le Centre N A Rive ainsi que le Boulot vers, qui soutiennent des populations vulnérables et éloignées du marché du travail depuis plus de quarante ans tous les deux5.  

En mai, c’était au tour de l’organisme Co-Savoir (anciennement le Centre de documentation sur l’éducation des adultes et la condition féminine) de voir son financement coupé pour deux de ses programmes, Espace alpha et les services documentaires informationnels (SDI)6. Ces programmes permettaient à des acteurs et actrices de l’éducation des adultes, notamment du monde de l’alphabétisation, d’accéder à des services uniques et à des ressources éducatives et pédagogiques spécialisées (par exemple, les bulletins de veille, les trousses pédagogiques, les mini-bibliothèques). Ces services sont actuellement suspendus. Ils permettaient également à des personnes apprenantes peu alphabétisées de développer leur littératie numérique.

On annonçait également en mai des compressions budgétaires de 151 millions de dollars dans le réseau collégial7

Dans ce contexte, il est légitime de s’interroger sur ce que contiendra la nouvelle politique gouvernementale d’éducation des adultes et de formation continue et son plan d’action. Une telle politique requiert que l’on investisse les sommes nécessaires pour répondre aux besoins engendrés par les défis actuels et futurs (fracture numérique, changements environnementaux, etc.), mais aussi pour faire le suivi minutieux de la mise en œuvre de la politique et de son plan d’action.

C’est d’ailleurs une des recommandations de l’ICÉA dans son mémoire : « Nous recommandons, pour favoriser sa mise en œuvre, qu’une politique réunisse cinq grandes conditions touchant le financement, les outils de suivi et d’analyse, l’appropriation de la politique, la reconnaissance et le développement continu des acteurs de l’éducation des adultes, et le soutien à la recherche (ICÉA, 2025) ».

L’ICÉA va continuer de suivre le processus de consultation. Des orientations plus précises devraient être partagées au courant de l’automne prochain par le gouvernement. Nous avons hâte d’en prendre connaissance et nous espérons que l’écosystème de l’éducation des adultes sera encore une fois consulté et que sa voix sera entendue, car il s’agit d’un enjeu crucial tant pour le développement du Québec que pour celui des individus qui le composent. 
 

Pour aller plus loin : 

Quelques organisations ont diffusé leurs recommandations. 

Mémoire de l’Université du Québec, Vers un Québec apprenant : Pour une politique d’apprentissage tout au long de la vie qui intègre la formation universitaire : https://docutheque.uquebec.ca/id/eprint/537/
  
Avis de la Fédération des cégeps : https://fedecegeps.ca/wp-content/uploads/2025/05/avis-pgeafc-fedecegeps-2025-05-27.pdf

Propositions du Comité consultatif des personnes handicapées (CCPH) : https://ccpersonneshandicapees.com/wp-content/uploads/2025/06/CCPH-Document-comple%CC%81mentaire-Consultation-PGEAFC-Version-finale-Juin-2025.pdf
 

Références

ICÉA (2025). Vers une nouvelle politique gouvernementale d’éducation des adultes et de formation continue pour faire du Québec une société apprenante. Recommandations de l’Institut de coopération pour l’éducation des adultes. https://icea.qc.ca/sites/icea.qc.ca/files/ICEA_Recommandations%20PGEAFC_mai2025.pdf

Miller, Audrey (2025). Coupures au RÉCIT : un pan de l’expertise numérique québécoise va-t-il disparaître? École branchée. https://ecolebranchee.com/coupures-au-recit-un-pan-de-lexpertise-numerique-quebecoise-va-t-il-disparaitre/
 

Notes

1. Vers une nouvelle politique gouvernementale d’éducation des adultes et de formation continue pour faire du Québec une société apprenante.
2. https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2172794/restrictions-budgetaires-education-services-eleves
3. Le RÉCIT (pour Réseau, éducation, collaboration, innovation, technologie) est le RÉseau axé sur le développement des Compétences des élèves par l’Intégration des Technologies. 
4. https://oresquebec.ca/nouvelles/fin-des-activites-de-lobservatoire-sur-la-reussite-en-enseignement-superieur/ 
5. https://www.ledevoir.com/societe/868102/coupes-quebec-font-fermer-organismes-aide-emploi? 
6. https://interaction.cdeacf.ca/index.php/sdi-espace-alpha/ 
7. https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2164570/quebec-amputerait-cegeps-150-millions-colere-etudiants