Un Québec apprenant doit renforcer la reconnaissance publique et politique de l’éducation et de la formation des adultes.
1. Comment renforcer, au sein de la société, la reconnaissance de l’éducation et la formation des adultes ?:
Je vais répondre tout à fait librement, en tant qu'adulte en formation, en m'inspirant de mon parcours personnel; un parcours semé d'embûches qui se sont inlassablement placés entre moi et mon ambitieux objectif, qui fût et est d'ailleurs toujours, de réussir la formation de mon choix (ou plutôt d’obtenir les connaissances nécessaires à mon accomplissement personnel). Une trajectoire que j'ai envie de partager à toutes et à tous, afin de peut-être, et ce, sans prétention, vous inspirer dans vos travaux lors du 24 Heures pour un Québec apprenant.
Mise en contexte que j'ai envie d’intituler: « Quel rôle la société a-t-elle joué ou aurait-elle pu jouer en rapport avec l’atteinte de mon objectif de diplomation? »
D'abord, vivant des troubles majeurs d'ordres psychosociaux, additionnés d'un trouble d'apprentissage non-diagnostiqué et ne disposant pas de ressources adéquates, j'ai dû quitter à contrecœur le secteur d'éducation des jeunes.
Faute! La société c'est alors vite chargée de me classer dans la catégorie des décrocheurs. DÉCROCHEUSE suis-je devenue, malgré moi, alors que je ne tentais que de survivre psychologiquement et même, physiquement!
Effectivement, cela peut surprendre lorsque je mentionne que j'ai toujours aimé l'école, que je me suis toujours vue ''décrocher'' un diplôme de mon choix, dans une formation qui me plairait, qui me permettrait de m'accomplir en tant qu'individu et qui me permettrait d'exercer pleinement mon potentiel, ainsi que mon rôle de citoyenne. Hélas, interrompre ses études semble être synonyme de suicide citoyen, un peu comme si cela nous plaçait automatiquement dans la catégorie des lâches de la société, des paresseux, des désabusés, un peu comme si ce statut et tous les préjugés qui viennent avec permettait à la société et à l'état de nous maltraiter psychologiquement, en nous maintenant à un niveau minimal d'instruction. Car s'il y a un message que l'on comprend très vite lorsqu'on est prêt à se lancer dans une mesure de formation, c'est qu’étant donné notre statut de décrocheur qui, comme on nous le dit ou nous le fait sous-entendre, a coûté très cher à la société, ce serait donc le minimum de contribuer à combler les postes disponibles en main-d'œuvre dont le Québec a tant besoin! Peu importe que cela nous intéresse, la société nous fait une fleur en nous y donnant accès, car, comme l'on m'a déjà dit: « Vous êtes une assistée sociale, vous recevez une aide de dernier recours payée de notre poche à nous, les contribuables, vous devriez revoir vos aspirations et être plus réaliste! Il vous faut trouver un choix de formation qui vous amène rapidement sur le marché du travail. Vous n'allez quand-même pas continuer pendant encore dix ans à vivre de notre main, n'est-ce pas? »
Avec cette mise en contexte, il est évident que ma réponse à cette question portera inévitablement sur la question de la reconnaissance des capacités et des potentiels de chaque personne, peu importe son statut. Il y a des milliers de raisons qui font que l’on soit contraint d'interrompre notre formation initiale. Bref, le manque d'instruction d'une personne ne fait pas d'elle un être moins intelligent ou ayant moins de potentiel, au contraire, les ruses et les expériences qu'un individu développe en contexte de pauvreté et/ou d'exclusion sociale ne font qu'enrichir son bagage d'outils, l'instruction devenant alors un investissement permettant de mettre à contribution tous ces acquis et donnant à ces personnes la possibilité de contribuer à la société et ce, pas seulement au niveau de la main-d'œuvre.
Pour toutes ces raisons, il est impératif que la vision populaire du décro-raccrochage change une bonne fois pour toutes. Car c'est carrément de l'intimidation sociétale dont il est question.
Arrêtons de penser que de permettre à des adultes de s’instruire est une œuvre de charité, réalisons enfin que c’est plutôt un investissement et un choix de société qui contribue à enrichir le Québec de citoyennes et de citoyens disposants de tous les outils nécessaires afin d’exercer pleinement leur rôle et de contribuer activement pour toutes et tous, vers une société meilleure.
2. Comment renforcer, au sein du gouvernement, la reconnaissance de l’éducation et la formation des adultes ?:
Toujours dans l’esprit du témoignage personnel, voici une mise en contexte qui pourrait s’intituler; « Qu’aurait-pu faire ou que pourrait faire le gouvernement afin de favoriser l’atteinte de mes objectifs? »
D’abord, pour mieux situer celles et ceux qui me liront, ma démarche de raccrochage s’est initiée dès mes 16 ans, âge où l’on peut accéder aux Centres d’éducation des adultes (CÉA). Disposant d’un secondaire 1 complété et des matières de bases du secondaire 2, je me suis lancée. Mes objectifs se sont dessinés au fil de mes expériences et de ma prise de confiance en moi. Toutefois, j’ai dû rapidement refréner mes ardeurs car nombre d’embûches se sont placées sur ce long chemin. Tout en gardant en tête mon objectif de me diplômer, j’ai dû interrompre à plusieurs reprises mes démarches. Car si j’ai certes été confrontée à des défis au niveau personnel, j’ai surtout été freinée par le manque de ressources et/ou le manque de souplesse des programmes d’aide et de soutien. Un parcours qui aura été teinté d’un constant jugement de mes capacités et de mes aspirations.
Bref, le gouvernement est la société et la société est le gouvernement. Ce n’est pas au hasard que je dis ça, car comme je l’explique plus haut à la première question de ce même thème, tant et aussi longtemps que la population ne reconnaîtra pas tout le potentiel d’enrichissement sociétal que peut offrir l’éducation et la formation des adultes, la cause ne risque pas d’aller loin dans les priorités gouvernementales. Et de l’autre côté, tant que le gouvernement ne prendra pas en considération toutes les particularités de l’éducation et de la formation des adultes, tout en changeant sa vision de ce qu’est la richesse d’un état, autrement qu'uniquement de par sa main d’œuvre, mais plutôt celle-ci en complémentarité avec une richesse intellectuelle, nous ne risquons pas d’être témoins d’une grande évolution de la vision populaire.
(Dans les commentaires, je détaille mon parcours scolaire et soulève d’autres réflexions sur ce qu’aurait pu faire l’état pour me permettre d’atteindre mes buts.)