Depuis sa publication, en 1989, l’outil Question de compétences a été utilisé par plus de 250 organismes. Il a été intégré à des programmes réguliers, ou encore utilisé en tout ou en partie pour répondre aux besoins de certains groupes. Cependant, il s’est rapidement avéré que cet outil faisait trop appel à la lecture et l’écriture pour permettre la pleine participation des personnes auxquelles il s’adressait, soit des femmes très peu scolarisées.
Ce constat est apparu dès décembre 1989, poussant l’ICÉA et ses partenaires à s’engager dans des travaux visant à adapter Question de compétences aux besoins des personnes peu ou pas à l’aise avec l’écrit. Cette adaptation ferait une plus grande place à la communication orale, tout en gardant la notion de compétences génériques comme fil conducteur entre les expériences hétérogènes des personnes qui ne peuvent invoquer leurs diplômes ou leurs expériences d’emploi lorsqu’elles sollicitent un travail.
En novembre 1990, lors du forum Une société sans barrières, organisé pour favoriser l’exercice des droits des personnes analphabètes, les organismes éditeurs de Question de compétences étaient invités à animer un atelier portant sur cet outil. Cet atelier pratique, animé par Martine Roy, de COFFRE, fut un des plus populaires du forum. II n’en fallait pas plus pour convaincre l'ICÉA de l’intérêt manifeste des milieux de l’alphabétisation pour les démarches d’autoreconnaissance de compétences.
Un autre objectif de ce forum était d’identifier de nouvelles stratégies permettant aux personnes analphabètes d’intégrer le marché de l’emploi ou de s’y maintenir. Les critères d’admissibilité utilisés dans plusieurs programmes de formation professionnelle ou d’orientation professionnelle constituaient des facteurs d’exclusion pour ces personnes. Déjà, des organismes d’alphabétisation ou de développement de l’emploi tentaient de trouver des solutions novatrices pour ouvrir aux personnes analphabètes un accès direct à la formation professionnelle, tout en poursuivant des activités d’alphabétisation. C’est dans ce courant de pratiques nouvelles que le projet « alphabétisation-cuisine » du Regroupement pour la relance du Sud-Ouest de Montréal (RESO) ainsi que l’adaptation de Question de compétences pour les personnes peu ou pas à l’aise avec l’écrit, ont vu le jour.
Les travaux d’élaboration de ce qui allait devenir l’outil Nos compétences fortes, ont débuté à l’automne 1993, une fois le soutien financier de ce projet assuré. La publication de ces ateliers et la mise au point du matériel qui les supporte ont été le résultat de la collaboration de plusieurs personnes et organismes.
La production de l’outil Nos compétences fortes s’est déroulée en plusieurs étapes. Il aura fallu une année pour procéder à la structuration du projet, à la préparation d’un devis d’adaptation, à la conception des ateliers et, finalement, à la conception et la production d’une version expérimentale des imprimés.
La vidéo de la première édition de Nos compétences fortes (1995), intitulée : « Gaston, Conradine et les autres », a été conçue, tournée et produite durant l’été 1994. Au cours de cette même période, de nombreux partenaires ont été consultés régulièrement et l'ICÉA s’est assuré de la collaboration de onze organismes et de leurs formatrices et formateurs réguliers pour expérimenter l’outil.
Les expérimentations se sont déroulées d’octobre à décembre 1994. Plus de cent adultes en formation y ont participé. Dans la plupart des cas, les ateliers NCF avaient été intégrés dans les activités régulières des organismes. Les résultats obtenus ont été analysés lors de rencontres et d’échanges téléphoniques avec une trentaine de membres des groupes expérimentateurs. Une autre phase de conception a été jugée nécessaire pour ajouter notamment d’autres activités de consolidation du savoir-reconnaître et fournir aux animatrices et animateurs du matériel de réflexion plus étoffé sur les fondements de Nos compétences fortes.
Plus de vingt-cinq personnes – certaines, associées au projet depuis le début, d’autres, pour la première fois – ont lu et commenté le document de travail qui a mené à la deuxième édition de ce manuel. Une expérimentation partielle a même été menée auprès de deux groupes d’alphabétisation, à la suite du constat de certaines difficultés d’utilisation dans ce secteur. Les données et les commentaires recueillis ont permis de finaliser les textes et le matériel.
Dans ce projet, l'ICÉA et l’équipe de coordination ont mis à contribution une double expertise, portant à la fois sur la reconnaissance des compétences et sur l’alphabétisation. L’organisme a voulu mettre en pratique les principes de base d’une stratégie globale en alphabétisation qui consiste à inviter différents secteurs d’intervention appelés à desservir les personnes peu ou pas à l’aise avec l’écrit, à travailler ensemble, à développer et à utiliser des outils communs.
Les travaux d’élaboration de Nos compétences fortes ont suscité de nombreuses réflexions et discussions. Le fait de partir d’un outil existant, implanté avec succès dans plusieurs organismes, nous a permis de gagner du temps, mais aussi de pousser plus loin certaines réflexions sur les compétences génériques, la reconnaissance et le savoir-reconnaître, et sur l’utilisation de la vidéo de fiction dans des programmes de formation destinés à des adultes peu scolarisés.