Mise à jour : 11 avril 2016. 8 h 14.
La mise à jour des données du Programme d’indicateurs pancanadiens de l’éducation (PIPCE) rappelle qu’une proportion toujours importante de la population adulte du Québec possède un faible niveau de scolarité. Dans une société misant si fortement sur les connaissances et les compétences, cette population est à risque de marginalisation. Cette situation demande une action gouvernementale structurée et soutenue.
Une proportion toujours importante de la population adulte est faiblement ou insuffisamment scolarisée
Avoir un niveau de scolarité inférieur à un premier cycle du secondaire est sans contredit un indicateur de faible scolarité. Or, en 2014, 12 % de la population adulte du Québec âgée de 25 à 64 ans n’avait au plus que ce faible niveau de scolarité (Tableau A.1.1 du PIPCE). En outre, comme le soulignait la Politique gouvernementale d’éducation des adultes et de formation continue de 2002, le diplôme d’études secondaires constitue, avec le diplôme de formation professionnelle, « la norme sociale de référence pour définir la formation de base à acquérir par toutes les citoyennes et tous les citoyens ayant la capacité de le faire. » Les données mises à jour du PIPCE indiquent que 13 % de la population âgée de 25 à 64 ans avait un niveau de scolarité inférieur au diplôme d’études secondaires (Tableau A.1.4 du PIPCE). À ce chapitre, le Québec se classe au huitième rang parmi les provinces canadiennes. À l’échelle du Canada, 10 % de la population âgée de 25 à 64 ans a un niveau de scolarité inférieur au diplôme d’études secondaires. Chez les provinces, la Colombie-Britannique présente le plus faible taux (7 %) de personnes sans diplôme d’études secondaire, soit environ la moitié du taux québécois.
Détenir un diplôme d’études secondaires est une base minimale de scolarité pour faire face aux défis d’aujourd’hui en matière de connaissances et de compétences. Au Québec, 20 % de la population âgée de 25 à 64 ans ne compte que sur ce niveau de scolarité de base (Tableau A.1.1 du PIPCE). Donc, au total, il ressort de ces données actualisées des niveaux de scolarité que 33 % de la population adulte âgée de 25 à 64 ans possède un niveau de scolarité égal ou inférieur au diplôme d’études secondaires. Autrement dit, dans la population âgée de 25 à 64 ans, 1 personne sur 3 est soit faiblement scolarisée (scolarité inférieure au DES) ou insuffisamment scolarisée (scolarité de niveau du DES). La proportion de cette population reste importante et devrait attirer l’attention des pouvoirs publics.
Par ailleurs, en matière de niveaux de scolarité de la population adulte, le Québec est une société coupée en deux. C’est ce que laisse voir la comparaison entre les populations fortement et faiblement scolarisées. Au Québec, 36 % de la population âgée de 25 à 64 ans détient un grade universitaire (Tableau A.1.1 du PIPCE). Ainsi, la proportion de la population fortement scolarisée (grade universitaire) et faiblement ou insuffisamment scolarisée (diplôme d’études secondaires ou moins) est de même poids, au sein de la population adulte.
Comparée à la situation des autres provinces du Canada, la situation du Québec en matière de faibles niveaux de scolarité suscite l’inquiétude. Ainsi, le Québec se classe au septième rang, parmi les provinces canadiennes, en ce qui concerne la proportion de sa population adulte faiblement scolarisée, c’est-à-dire, dont le niveau de scolarité est un premier cycle du secondaire ou moins. Alors que 12 % de la population du Québec possède un niveau de scolarité d’au plus un premier cycle du secondaire, ce taux se chiffre à 8 % en Ontario, le plus faible pourcentage parmi les provinces canadiennes. Le taux québécois est donc de 4 points de pourcentage plus élevé que celui de l’Ontario, soit un taux de faibles niveaux de scolarité dépassant de 50 % celui de l’Ontario. La moyenne canadienne est de 10 % (Tableau A.1.1 du PIPCE).
Dans nos sociétés modernes, être faiblement scolarisé n’est pas sans conséquences. Les indicateurs du PIPCE mettent en évidence ce risque. Par exemple, le taux d’emploi des personnes âgées de 25 à 64 ans dont le niveau de scolarité est au plus un premier cycle du secondaire est de 59 %. Il est de 69 % chez les personnes ayant seulement un diplôme d’études secondaires. Dans l’ensemble de la population de ce groupe d’âge, le taux d’emploi est de 75 % et il s’élève à 82 % dans la population ayant une scolarité de niveau baccalauréat (Tableau A.3.1 du PIPCE).
Au cours de la dernière décennie, le pourcentage de la population québécoise âgée de 25 à 64 ans sans diplôme d’études secondaires est passé de 19 % (en 2005) à 13 % (en 2014), pour une réduction de l’ordre de 32 %. Le Québec se classe au sixième rang des provinces canadiennes, relativement au taux de diminution de la population sans diplôme d’études secondaires. L’Île-du-Prince-Édouard affiche la plus forte réduction, parmi les provinces canadiennes, soit une baisse de 40 %. À l’échelle du Canada, la baisse est du même ordre que celle du Québec (- 33 %).
Une action gouvernementale structurée et soutenue en formation de base est requise
Dans les sociétés du savoir, les connaissances et les compétences deviennent de plus en plus des facteurs d’insertion socioprofessionnelle. En fait, elles sont peut-être devenues des causes de discrimination systémique, selon que l’on ait ou non accès à la diversité des connaissances et des compétences requises de nos jours.
Pour cette raison, les données sur les faibles niveaux de formation de base invitent à réaffirmer une volonté de créer les conditions pour que toutes et tous puissent compter sur une scolarité de base. À cette fin, l’ICÉA considère qu’une action gouvernementale structurée et soutenue est requise. En ce sens, l’adoption d’une stratégie nationale de lutte à l’analphabétisme, comme le propose le Réseau de lutte à l’analphabétisme, dont l’Institut est membre, est un volet d’une action nécessaire de la part du gouvernement.
La formation générale des adultes (FGA) doit aussi faire partie de la solution relative à l’acquisition d’une scolarité de base. Ce secteur marginalisé du réseau public d’éducation est une pièce maîtresse de tout effort d’élévation des niveaux de formation de base. Il est malheureux que les centres d’éducation des adultes, établissements d’enseignement responsables d’offrir la FGA, ne fassent pas l’objet d’une attention gouvernementale de même importance que celle dont bénéficient les autres établissements du réseau public d’éducation (les écoles, les polyvalentes, les cégeps et les universités). Les défis auquel fait face la FGA sont importants, comme le montre les conclusions de l’événement Convergences pour la FGA, organisé par l’ICÉA en février 2015.
La nécessité de redonner un nouveau souffle à l’action gouvernementale en alphabétisation et en formation générale des adultes rappelle qu’il est de plus en plus pertinent, et plus que temps, de mettre à jour la Politique gouvernementale d’éducation des adultes et de formation continue de 2002, qui est sans plan d’action depuis 2007, soit depuis bientôt une décennie.
Le 4 avril 2016, l’UNESCO procédait à la signature d’une nouvelle recommandation internationale sur l’éducation des adultes, mettant ainsi à jour la précédente recommandation qui datait de 1976. Cette révision fut justifiée par l’intérêt d’actualiser les conditions de mise en œuvre du droit à l’éducation pour les adultes, dans des contextes socioéconomiques en grandes transformations. Au Québec, la persistance d’une proportion importante de la population adulte faiblement ou insuffisamment scolarisée invite à faire un exercice semblable. Car, rappelons-le, la Loi sur l’Instruction publique établit un droit pour tous les adultes à la formation de base. Pour 1 adulte sur 10, ce droit reste encore théorique.