La situation des CEP de Montréal
La situation des six centres d’éducation populaire (CEP) de Montréal apparaît critique. Ces CEP étaient hébergés dans des locaux excédentaires du Centre de services scolaire de Montréal (CSSDM) depuis des années. À partir de juillet 2022, ils devront payer un loyer qui compte pour une part importante de leur financement, ce qui réduit d’autant leur capacité d’action. Les CEP de Montréal estiment à ce titre qu’ils ont été forcés de signer des baux qu’ils seront incapables de payer.
Cette situation n’est pas nouvelle : le débat concernant le financement des CEP de Montréal s’éternise depuis dix ans. Ces centres revendiquent une intervention du ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, qui permettrait d’assurer leur pérennité.
Rappelons que la campagne « Ça coûte pas cher et ça change le monde! » a été lancée en novembre 2021 afin de mobiliser l’opinion publique et de sensibiliser le ministre Roberge à la nature essentielle de leur mission. Il est toujours possible de participer à cette campagne : https://educationpopulaire.ca/.
Une mission à soutenir
Globalement, ces centres participent à la transformation du tissu social de Montréal depuis 50 ans. Ils réalisent leur mission d’éducation populaire avec peu de moyens auprès des personnes qui en ont le plus besoin. Cette mission permet à des adultes que les milieux formels d’éducation ne parviennent pas à joindre d’apprendre autrement (initiation à l’informatique, cuisines collectives, atelier de lecture et d’écriture, francisation, immigration, dépannage alimentaire, ateliers d’expression artistique, formations, activités culturelles, ateliers d’alphabétisation populaire, etc.).
La mission des CEP de Montréal favorise tout à la fois l’inclusion, la prise en charge citoyenne, la participation, la mobilisation. La disparition de ces centres risque d’entraîner de graves conséquences pour les milieux où ils sont enracinés. Ces centres mènent une action essentielle dont les coûts sociaux semblent mal évalués par le gouvernement. En effet, il apparaît difficile de croire que ces coûts seront moins élevés que les économies budgétaires que représente le loyer imposé aux CEP de Montréal.
Les revendications de l'ICÉA en matière d’éducation populaire
L'ICÉA réclame pour sa part que « les organisations communautaires et populaires bénéficient d’un financement public qui leur permet de consolider leur mission et de pérenniser leurs actions » (ICÉA, 2021).
Dans sa plateforme électorale de 2018, l'ICÉA faisait valoir trois grandes préoccupations concernant l’éducation populaire :
1. la reconnaissance de rôle de transformation sociale de l’éducation populaire;
« ENGAGEMENT no 17 : Formaliser la reconnaissance par l’État du rôle de transformation sociale joué par les organismes d’éducation populaire et de leur mission éducative, notamment en ce qui concerne l’éducation à la citoyenneté et à la défense des droits. » (ICÉA, 2021)
2. l’appui financier à ce rôle de transformation sociale;
« ENGAGEMENT no 18 : Appuyer cette reconnaissance du rôle de l’éducation populaire dans l’éducation à la citoyenneté et à la défense des droits par un rehaussement du financement des groupes concernés, notamment :
- rehausser le financement des groupes de défense de droits (dont une faible proportion du financement provient de l’État); et
- rehausser le financement global à la mission. » (ICÉA, 2021)
3. le leadership du ministère de l’Éducation à l’égard de l’éducation populaire.
« ENGAGEMENT no 19 : Affirmer la responsabilité pleine et entière du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur à l’égard de l’éducation populaire et de l’éducation populaire autonome. » (ICÉA, 2021)
À la veille d’une nouvelle campagne électorale et compte tenu de la situation particulière des CEP de Montréal, ces préoccupations apparaissent aujourd’hui toutes aussi importantes qu’en 2018.
Une action essentielle, à reconnaître et à soutenir
La situation pandémique des deux dernières années a par ailleurs mis en lumière le rôle essentiel du milieu communautaire et des centres d’éducation populaire au sein de notre société. Comme l'ICÉA le soulignait en juin 2020, « [l]’ensemble du milieu communautaire a fourni un soutien inégalé au cours de la crise sanitaire, que ce soit en matière d’éducation populaire, pour la défense des droits ou pour maintenir des liens sociaux qui favorisent une meilleure santé mentale et physique. » (ICÉA, juin 2020)
Tout au long de la pandémie, les CEP de Montréal (et tous les autres centres d’éducation populaire du Québec) étaient en première ligne afin d’assurer des services proximité avec des populations que le gouvernement et les milieux scolaires formels ne parviennent pas à joindre efficacement. Ils ont participé au maintien des liens sociaux et à la défense des droits de ces personnes. Ils ont aidé ces personnes à articuler différents rôles sociaux (parents, accompagnatrices scolaires d’enfants, travailleuses à distance, proches aidantes, etc.) et à s’approprier de nouveaux modes communications, d’apprentissage, de travail et d’interaction dans un contexte de confinement.
Cet effort constant et soutenu mérite la reconnaissance et le soutien du gouvernement et du ministère de l’Éducation du Québec.
Référence
ICÉA (2021). « Éducation populaire », positionnements stratégiques de l'ICÉA, mise à jour du 10 novembre 2021. En ligne : https://apprendre-agir.icea.qc.ca/index.php/%C3%89ducation_populaire.
ICÉA (juin 2020). « Enjeux et constats en lien avec la crise de la COVID-19 », Nouvelles, site Web de l'ICÉA, mercredi 17 juin 2020. En ligne : https://icea.qc.ca/fr/actualites/enjeux-et-constats-en-lien-avec-la-crise-de-la-covid-19.