Mieux connaître les mères monoparentales sans diplôme
En 2021, l’ICÉA et l’organisme Maman va à l’école (MVE) ont mené une recherche visant à « mieux connaître les femmes cheffes de familles monoparentales sans diplôme et de percevoir leurs différences selon les groupes auxquels elles appartiennent » (Solar, 2021).
Dans cette recherche, il a été constaté que les femmes cheffes de famille monoparentale sans diplôme d’études secondaire font face à une multitude d’obstacles de différentes natures qui, s’ils ne sont pas levés, peuvent négativement affecter leur participation et leur persévérance scolaire.
Par ailleurs, si la famille monoparentale est définie comme une famille composée d’un parent célibataire et habitant avec un ou plusieurs enfants (ministère de la Santé et des Services sociaux, 2017), la réalité que vivent ces femmes à travers le Québec laisse aussi percevoir une définition socioculturelle de la monoparentalité, variable de région en région.
Ces conclusions ont servi d’assises à l’élaboration d’un projet d’expérimentation d’un dispositif de soutien pour le retour aux études des femmes cheffes monoparentales sans diplôme au Québec.
Le projet se divise en deux volets qui évoluent de pair : d’abord, l’expérimentation d’un protocole, ou dispositif, de soutien des femmes dans leur retour aux études et leur persévérance scolaire, et ensuite l’étude empirique de ce dispositif à travers une collecte de données auprès des femmes accompagnées.
Expérimenter à partir de la théorisation enracinée
Nous avons choisi d’adopter la théorisation enracinée comme cadre méthodologique principal. De ce fait, nous partons du principe que tout est à apprendre et à co-construire avec les organismes collaborateurs et avec les femmes qui composeront les cohortes suivies.
Nous avons à cœur de mener un projet inclusif, aussi bien dans la démarche de collecte des informations que dans l’identification des milieux d’expérimentation au Québec. Ainsi, trois milieux distincts de collecte de données ont été choisis : une région rurale éloignée des grands centres (INSPQ, 2019), une communauté autochtone et d’un milieu urbain.
Montréal-Nord, choisit comme le milieu urbain a débuté l’expérimentation du dispositif en mars 2022. Plusieurs caractéristiques font de Montréal-Nord un milieu de collecte intéressant, puisqu’il présente une haute densité de population, une proportion importante de personnes immigrantes, un statut socioéconomique globalement faible et un niveau de scolarité peu élevé (Ville de Montréal, 2018).
Des discussions sont en cours avec divers organismes acteurs de l’éducation des adultes dans certaines régions rurales et communautés autochtones du Québec afin d’identifier les milieux spécifiques dans lesquelles exécuter ce projet.
Amorcer l’expérimentation du dispositif dans Montréal-Nord
L’expérimentation du dispositif à Montréal-Nord connait un long processus, ayant débuté par la sollicitation d’organismes disposés à appuyer le projet. Avec ceux-ci, nous avons défini les barèmes relatifs à la composition de la cohorte et avons amorcé un processus de recrutement de femmes correspondant à ces critères.
À ce jour, une femme fait partie de cette cohorte de participantes, et nous avons débuté un processus de levée d’obstacles auprès d’elle. L’organisation de rencontres stratégiques de présentation du projet et d’autres activités de co-construction ont permis aux divers organismes de s’approprier les orientations du projet et d’appréhender la problématique dans son contexte socioculturel. Le recrutement de femmes sans diplôme éloignés des services scolaires s’avère un défi qui confirme la pertinence du projet d’expérimentation que nous menons.
Huit organismes très engagés à Montréal-Nord ont appuyé le projet dès ses débuts : le Centre communautaire la patience, le Centre des Femmes Interculturel Claire, Étoffe du Succès (Dress for success), Halte Femmes Montréal-Nord, l’Institut de Formation et d'Aide Communautaire à l'Enfant et à la Famille (IFACEF), La Maison d’Haïti, la Maison Sam X et Mener Autrement.
Ces organismes interviennent dans l’éducation des adultes, le soutien aux femmes cheffes ou encore offrent des services de soutien aux personnes en situation de grande vulnérabilité. En parallèle avec ces collaborations, une trentaine d’organismes intervenant dans Montréal-Nord ont été informés de ce projet. Ces partenaires jouent un rôle clé dans l’accompagnement auprès des femmes.
Le processus réflexif engagé avec les organismes intéressés a mis en lumière une définition socioculturelle de la monoparentalité propre à Montréal-Nord. Selon l’expérience concrète des organismes communautaires oeuvrant dans ce milieu, les femmes monoparentales peuvent également inclure des femmes qui :
- habitent avec un·e conjoint·e non actif·ve dans la vie familiale;
- ont un·e conjoint·e ou qui sont mariées dans leur pays d’origine;
- habitent au Canada et qui ont des enfants se trouvant présentement dans leur pays d’origine. Nous considérons que la charge mentale associée au fait d’être parent reste présente malgré la distance avec les enfants, et qu’une charge économique peut subsister.
Accompagner une première participante
Une femme cheffe de famille monoparentale, recrutée par l’intermédiaire de la Maison Sam X, bénéficie déjà d’un accompagnement dans le cadre du projet. Depuis avril 2022, un total de six obstacles de diverses natures ont été signalés par cette femme à l’agente de liaison.
Quatre de ces obstacles ont été levés, soit l’accès à des lunettes à prix modique, la consultation en dentisterie, l’acquisition d’une carte d’identification et l’accès aux services d’une banque alimentaire. Deux autres obstacles sont en processus d’être levés, liés aux vêtements à porter en classe et à des problèmes articulaires à la main.
Par le biais d’une approche individualisée, l’agente de liaison aide à la levée des obstacles au fur et à mesure de leur apparition, ou alors leur cherche des solutions concrètes, afin de favoriser le retour aux études et/ou la persévérance scolaire des femmes de la cohorte. Dans le cadre du dispositif que nous testons, l’agente de liaison joue un rôle pivot entre les femmes faisant face à des obstacles et les organismes et institutions en mesure de les lever.
Intervention de l’agente de liaison
Dans les premiers pas de l’expérimentation, on constate un triple rôle de l’agente de liaison dans le fonctionnement du dispositif. Il s’agit de l’établissement de relation de collaboration avec les organismes pouvant aider à lever les obstacles, de l’analyse préliminaire des enjeux liés à l’expérimentation et à l’efficacité de l’accompagnement des femmes, et de pont entre les partenaires, la femme de la cohorte et l’ICÉA.
D'une manière plus concrète, l’agente de liaison s’occupe de la gestion et la sollicitation des partenaires, participe au recrutement des femmes de la cohorte et offre un accompagnement personnalisé aux femmes cheffes de famille monoparentale. Ce rôle est en constante évolution afin de répondre aux besoins des femmes, des organismes collaborateurs et de la recherche.
Pistes de réflexion
À ce niveau de l’expérimentation, les collaborations établies et les techniques de levée des obstacles mobilisés par l’agente de liaison aident à tester les interactions et interrelations entre les différents organismes, et de mieux cibler le rôle de l’agente de liaison dans le dispositif final.
Nous en sommes tout de même aux étapes initiales de l’expérimentation, puisqu’une seule femme compose notre cohorte. Maints défis sont à venir dans le cadre de ce projet de recherche. Pour l’instant, nous anticipons notamment les défis suivants :
- Le développement d’un protocole de levée des obstacles efficace et rapide, qui sera appuyée sur la recherche;
- Le recrutement des femmes : ces femmes peuvent être difficile à trouver, à rejoindre et à mobiliser. Nous sommes donc face à un défi regardant le recrutement de femmes satisfaisant les critères du projet de recherche.
Bref, devant la question des femmes cheffes de familles monoparentales sans diplôme d’études secondaires, l’ICÉA a décidé d’agir et de mettre sur pied un projet innovant et touchant une population en situation de vulnérabilité. À travers le projet, nous souhaitons apporter une aide concrète à ces femmes et développer un dispositif stable et pérenne.
En conclusion, afin de relever le défi lié au recrutement des femmes participantes à l’expérimentation, nous lançons un appel à toutes et à tous. Si vous connaissez des femmes cheffes de familles monoparentales sans diplôme d’étude secondaire qui sont en retour scolaire, ou qui souhaitent retourner à l’école, vous pouvez leur fournir l’adresse courriel suivante : clamoureuxduquette@icea.qc.ca.
Finalement, nous remercions les organismes collaborateurs suivants, qui ont depuis le début appuyé l’ICÉA dans la conception du projet.
Centre communautaire la patience