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ICEA

Institut de coopération pour l'éducation des adultes

Se souvenir pour agir contre les violences envers les étudiantes

Avec la collaboration d’Hervé Dignard
 
Stop aux violences sexuellesDepuis plusieurs années, des événements nous rappellent que les violences sexuelles existent toujours, et ce, tout particulièrement sur les campus. En 2014, différentes manifestations à l’UQAM dénonçaient ce problème1. En 2016, des introductions par effraction dans les résidences de l’Université Laval se sont soldées par dix plaintes dont quatre sont à caractère sexuel2
 
Le problème est suffisamment sérieux pour que la ministre de l’Enseignement supérieur adopte une Stratégie d’intervention pour prévenir et contrer les violences à caractère sexuel en enseignement supérieur. De plus, le 1er novembre dernier, elle a déposé un projet de loi – no. 151 – qui vise « à prévenir et à combattre les violences à caractère sexuel dans les établissements d’enseignement supérieur »3
 
Des données pour orienter l'action
Une étude « indépendante » réalisée en 2015 dans six universités du Québec4 permet de mieux connaître le problème. L’Enquête sexualité, sécurité et interactions en milieu universitaire (ESSIMU) « constitue une première initiative au Québec pour documenter les violences sexuelles non pas exclusivement auprès de la population étudiante, mais auprès de toute la communauté universitaire, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des murs de l’université »5
 
Cette enquête révèle que le tiers (37 %) des 9 284 personnes répondantes ont vécu une forme de violence sexuelle depuis leur arrivée à l’université (p. ii). De ce nombre (p. 27) :
- 33 % ont vécu des gestes de harcèlement sexuel; 
- 18 % ont rapporté des comportements sexuels non désirés avec ou sans contact physique;
- 3 % signalent des comportements de coercition sexuelle.
 
Les gestes d’agression sont principalement le fait d’étudiants et d’hommes. En effet, pour l’ensemble des gestes (p. 34) : 
- 89 % étaient commis par un homme et 28 % par une femme6
- 70 % étaient le fait d’une ou un étudiant
- 26 % étaient perpétrés par une ou un enseignant
- 17 % par une ou un employé
- 5 % par une ou un cadre
- 14 % par une autre personne ou une personne dont le statut était inconnu.
 
Des groupes sociaux plus exposés
Par ailleurs, l’étude montre que des groupes sociaux sont davantage touchés par les violences sexuelles vécues en milieu universitaire (VSMU) :
« la victimisation est plus fréquente chez les femmes, les individus issus de minorités sexuelles et de minorités de genre, ainsi que chez les personnes déclarant avoir un handicap ou un problème de santé ayant un impact dans leur vie quotidienne et les étudiant.es de l’international » (p. ii).
 
Parmi les personnes ayant vécu au moins une VSMU, on constate un écart de (p. 32) :
- 14,5 points de pourcentage en défaveur des femmes et des minorités de genre : 55 % des minorités de genre et 40 % de femmes ont vécu au moins une VSMU comparativement à 26 % des hommes;
- 14 points de pourcentage en défaveur des minorités sexuelles : 49 % d’entre elles en ont vécu comparativement à 35 % de personnes hétérosexuelles;
- 11 points de pourcentage en défaveur des personnes en situation de handicap : 46 % d’entre elles versus 35 % de celles sans handicap;
- 6 points de pourcentage en défaveur des étudiantes et étudiants internationaux : 41 % d’entre eux versus 35 % des étudiantes et étudiants réguliers;
- 4 points de pourcentage en défaveur des Autochtones : 40 % d’Autochtones versus 36 % de personnes non autochtones.
 
Sans surprise, ces groupes sociaux font déjà face à d’autres discriminations. Selon l’ICÉA, l’éducation des adultes constitue un des moyens de lutter contre les inégalités sociales. Or, le cheminement des adultes en formation est compromis par les VSMU, et ce, de façon accrue pour les groupes discriminés. 
 
On se réjouit de voir que ce problème de société est mis au jour, encore une fois, et que des solutions sont envisagées.
 
Des pistes d’action à mettre en place
À l’issue de l’enquête menée en 2015, l’équipe de l'ESSIMU a soumis aux responsables politiques des gouvernements et des milieux universitaires une série de recommandations articulées autour de six axes d’action (ESSIMU, p. 66). Ces axes et recommandations se résument ainsi :
 
Axe 1 : affirmer un leadership par le gouvernement fédéral. Mettre en place une loi-cadre et un plan d’action du gouvernement du Québec et des politiques institutionnelles spécifiques;
 
Axe 2 : assurer un environnement physique sécuritaire;
 
Axe 3 : effectuer des campagnes de sensibilisation adaptées aux différents groupes de la communauté universitaire;
 
Axe 4 : mettre en place des programmes d’éducation visant à la fois l’ensemble de la communauté universitaire et des personnes ayant des responsabilités précises;
 
Axe 5 : assurer des services aux victimes et prendre des mesures responsabilisant les individus ayant commis des VSMU;
 
Axe 6 : financer la recherche sur les VSMU.
 
Ces recommandations peuvent contribuer à lever les barrières se dressant devant les adultes désirant faire des études supérieures, tout particulièrement les femmes. Les personnes apprenantes devraient pouvoir évoluer dans un environnement d’apprentissage sécuritaire. À l’instar de l’ESSIMU, l’ICÉA mise tout particulièrement sur la sensibilisation, l’éducation et la formation pour lutter contre les VSMU. 
 
Ces recommandations semblent avoir été prises au sérieux et la ministre de l’Enseignement supérieur, Mme Hélène David, fait des démarches en ce sens. L’ICÉA croit que tous les milieux d’apprentissage doivent assurer un environnement sécuritaire. L’exemple est donné, il faut poursuivre les efforts.
 
Notes
 
1. Allard, Sophie. 2014. « Dénonciations à l'UQAM: l'origine de la colère ». La Presse, 21 décembre. En ligne : http://www.lapresse.ca/actualites/education/201412/20/01-4829963-denonci..., consulté le 7 décembre 2017
 
2. Porter. Isabelle et Marie-Michèle Sioui. 2016. « Agressions sexuelles. L’Université Laval renforce ses mesures de sécurité ». Le Devoir. 18 octobre. En ligne : http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/482425/quatre-femm..., consulté le 6 décembre 2017.
 
3. Site du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur : http://www.education.gouv.qc.ca/contenus-communs/professeurs-et-personne..., consulté le 7 décembre 2017.
 
4. Université du Québec à Montréal (UQAM), Université du Québec en Outaouais (UQO), Université de Laval, Université du Québec à Chicoutimi, Université de Montréal et Université de Sherbrooke.
 
5. Bergeron, M., Hébert, M., Ricci, S., Goyer, M.-F., Duhamel, N., Kurtzman, L., Auclair, I., Clennett-Sirois, L., Daigneault, I., Damant, D., Demers, S., Dion, J., Lavoie, F., Paquette, G. Et S. Parent (2016). Violences sexuelles en milieu universitaire au Québec: Rapport de recherche de l’enquête ESSIMU. Montréal: Université du Québec à Montréal, p. iii. En ligne : http://essimu.quebec/wp/wp-content/uploads/2015/12/Rapport-ESSIMU_COMPLE..., consulté le 6 décembre 2017.
 
6. Le total est supérieur à 100 % parce que des personnes ont rapporté plus d’un geste.