Proposer une évaluation des services éducatifs québécois
L'ICÉA propose cinq indicateurs permettant de réaliser une évaluation de l’offre d’éducation et de formation offerte aux adultes du Québec. Ces indicateurs mettent en valeur différentes données provenant du gouvernement du Québec et de la récente enquête sur les compétences en littératie des adultes (PEICA, 2012).
Ces indicateurs soulignent le caractère stratégique de questions se rapportant à la participation, aux obstacles, aux demandes de formation insatisfaites ou à la persévérance. À ce titre, l'ICÉA note que :
- le temps disponible demeure le principal obstacle à la participation à l’éducation et à la formation des adultes, alors que le désir d'améliorer ses perspectives d'emploi est le principal incitatif mentionné par les adultes;
- la moitié des adultes dont la participation a été freinée ou entravée voulait participer davantage;
- la demande pour la formation de nombreux adultes québécois demeure insatisfaite : celle-ci croît en fonction du plus haut niveau de scolarité atteint et varie selon l'âge;
- en 2012, le quart des personnes répondantes à l’enquête du PEICA qui étaient en emploi déclaraient avoir besoin d’une formation supplémentaire en lien avec leurs fonctions de travail;
- la formation générale des adultes qualifie plus de jeunes adultes de moins de 20 ans, alors que la formation professionnelle qualifie majoritairement des adultes de 25 ans et plus.
Pérsentation des principales données retenues
Obstacles
Le rapport québécois de l’enquête du PEICA (2012) dresse un portrait des obstacles à la participation les plus souvent cités. On y retrouve plusieurs obstacles lié au temps disponible, comme l’ampleur de la charge de travail (24 %), le manque de temps liés à des responsabilités parentales ou familiales (20 %) ou le fait qu’une formation soit offerte à un moment qui ne convient (13 %). Comparativement, des obstacles liés au coût de la formation ou au manque de soutien de l’employeur sont cités par 14 % et 5 % des personnes répondantes.
Raisons de participer
Le désir de « mieux faire son travail ou d’améliorer ses perspectives de carrière » est le principal incitatif mentionné par les adultes comme raison de leur participation à une activité de formation non formelle. Cette raison est citée par près de la moitié (49 %) des personnes répondantes à l’enquête du PEICA (2012). En comparaison, un incitatif comme « accroître mes connaissances, mes compétences à l’égard d’un sujet d’intérêt » est cité par 25 % des personnes répondantes à l’enquête.
Soutien de l’employeur
Près de 75 % des adultes de 16 à 65 ans ayant participé à une activité de formation non formelle liée à l’emploi au cours des douze mois précédant l’enquête du PEICA (2012) soutiennent avoir bénéficié du soutien de leur employeur. Cette donnée positive souligne l’importance grandissante que les employeurs accordent au développement des compétences de leurs travailleuses et de leurs travailleurs. Ceci dit, le quart des adultes de 16 à 65 ans qui participent à une activité de formation non formelle liée à l’emploi ne sont toujours pas soutenus financièrement par leur employeur.
Le rapport québécois de l’enquête de 2003 sur l’alphabétisation et les compétences des adultes (EIACA, 2003) présente des données concernant la volonté participer davantage des adultes de 16 à 65 ans ayant déjà pris part à la formation. Ces données révèlent que les adultes qui ont participé à la formation sont plus nombreux à vouloir participer davantage : 64 % des personnes ayant participé contre 43 % des personnes n’ayant pas participé. Inversement, les adultes qui n’ont pas participé à la formation sont plus nombreux à ne pas vouloir participer davantage : 57 % des personnes n’ayant pas participé contre 34 % des personnes ayant participé. Bref, la participation passée à la formation appelle la participation future.
L’enquête de 2012 sur les compétences des adultes (PEICA) s’est intéressée à la demande de formation insatisfaite des Québécoises et des Québécois. Ces données révèlent que près d’une personne sur quatre au Québec (24,4 %) déclare avoir voulu participé à une activité de formation formelle ou non formelle sans pouvoir le faire.
Par ailleurs, ces données révèlent que l’expression de cette demande insatisfaite augmente en fonction du plus haut niveau de scolarité atteint : 15 % des personnes sans diplôme expriment une demande insatisfaite, contre 34 % des titulaires d’un diplôme universitaire. Finalement, l’expression de cette demande insatisfaite évolue selon l’âge : elle atteint un sommet de plus de 30 % chez les 25 à 44 ans pour décroître par la suite et s’établir à moins de 15 % chez les adultes de 55 ans et plus.
L’enquête de 2012 sur les compétences des adultes (PEICA, 2012) s’est également intéressée aux besoins de formation supplémentaire exprimés par les adultes. Ces données révèlent qu’en 2012, 26 % des adultes en emploi de 16 à 65 ans estimaient avoir besoin de formation supplémentaire pour accomplir leurs fonctions de travail. Par ailleurs, ce taux varie selon l’âge : il atteint un sommet de 30 % pour les adultes de 35 à 54 ans pour décroître par la suite. Ce taux varie également selon le sexe : 28 % des hommes expriment des besoins de formation supplémentaire, contre 24 % des femmes.
Le secteur de la formation générale des adultes qualifie plus d’adultes de moins de 20 ans et moins d’adultes de 25 ans et plus. Inversement, le secteur de la formation professionnelle qualifie de plus en plus d’adultes de 25 ans et plus.
Diplômes à la FGA
En 2012-2013, 47 % des élèves de la FGA ayant terminé leurs études avec un diplôme avaient moins de 20 ans, comparativement à 23 % d’élèves de 25 ans et plus. De fait, la FGA décernait autant de diplômes aux moins de 20 ans qu’aux 25 ans et plus en 2003-2004. Cependant, le pourcentage de diplômes décernés à des adultes de 25 ans et plus a diminué au profit des moins des moins de 20 ans entre 2003-2004 et 2012-2013.
Diplôme à la FP
En 2012-2013, 55 % des élèves du secteur de la formation professionnelle ayant terminé leurs études avec un diplôme avaient 25 ans et plus, contre 13 % d’élèves de moins de 20 ans. Ici, c’est le pourcentage d’apprenants adultes de moins de 20 ans qui a diminué au profit des 25 ans et plus.
Des défis en matière d’accessibilité
À la lumière des données présentées dans ces indicateurs, de nombreux défis attendent le Québec de demain. On pense notamment à la conception et la mise en place de mécanismes de libération de temps qui permettaient aux adultes d’accroître leur participation à des activités d’éducation et de formation. Ce défi s’accorde bien avec les obstacles à la participation que sont le temps, les contraintes imposées par les obligations parentales et familiales ou le coût de la formation.
Ici, il importe de souligner que les femmes sont plus nombreuses que les hommes à citer les obstacles des obligations parentales et du coût de la formation. Il faut y voir le fait que les responsabilités familiales échouent encore majoritairement aux femmes et qu’elles bénéficient généralement de revenus moins élevés que les hommes.
Dans une perspective où la participation à la formation encourage la participation et où l’accès s’avère réduit pour certaines populations, il apparaît essentiel de faire en sorte que l’offre de formation et le soutien dont bénéficient les adultes soient plus souples et plus adaptés à leurs réalités. Comme le souligne l'ICÉA dans son récent mémoire sur la réussite éducative, il faudrait notamment « améliorer l’accès à des services de formation à temps partiel, à tous les ordres d’enseignement, à des horaires adaptés, tenant compte des disponibilités des adultes, à des services de conseil et d’orientation scolaire et professionnelle, accompagnant les adultes dans leur choix de formation et à des mesures favorisant la conciliation famille, travail et études telles que les services de garde d’enfants. »
Des défis en matière de persévérance et de réussite
Parallèle à ces défis liés à l’accessibilité et à la souplesse des services éducatifs, il est intéressant de jeter un œil sur les réalités de deux lieux de qualification où l’on retrouve essentiellement des adultes : la FGA et la formation professionnelle. En effet, une analyse de la distribution des élèves selon leur groupe d’âge révèle que la formation générale des adultes qualifie plus de jeunes adultes de moins de 20 ans, alors que la formation professionnelle qualifie majoritairement des adultes de 25 ans et plus.
Au-delà des pourcentages présentés dans les indicateurs de l'ICÉA, on observe que le nombre total de diplômes décernés entre 2002-2003 et 2012-2013 à des adultes en apprentissage de moins de 20 ans augmente pour les deux secteurs : 20 % à la FGA et 10 % à la FP au cours de la période. Cependant, la situation des 25 ans et plus n’est pas comparable. Entre 2002-2003 et 2012-2013, le total des diplômes décernés à des adultes de 25 ans et plus a diminué de 38 % à la FGA alors qu’il a augmenté de près de 60 % à la formation professionnelle. Notons au passage que le nombre de diplômes décernés à des adultes de 20 à 24 ans est demeuré stable au cours de cette période, que ce soit à la FGA ou à la formation professionnelle.
Plusieurs hypothèses peuvent être formulées en lien avec ces constats. D’une part, il faudrait répondre à la question suivante : « Pourquoi les adultes de 25 ans et plus s’intéressent de moins en moins à la formation générale des adultes comme lieu de qualification? » Ce secteur devient-il moins attrayant en raison de la présence grandissante des de moins de 20 ans? D’autre part, il faudrait chercher à savoir ce qui rend la formation professionnelle si attrayante comme lieu de qualification aux yeux des 25 ans et plus. La conjoncture socio-économique et les transformations du monde du travail vécues ces dix dernières années y sont-elles pour quelque chose? Doit-on voir dans cette hausse le désir grandissant des adultes de 25 ans et plus d’obtenir une première sinon une seconde qualification?
Finalement, l'ICÉA note qu’il est parfois difficile de trouver des données ventilées en lien avec la situation de certaines populations adultes dont on soupçonne, selon d’autres indicateurs socio-économiques, qu’ils font face à davantage d’obstacles. On pense notamment aux Autochtones, aux femmes, aux personnes en situation de handicap ou aux personnes immigrantes. L’ICÉA compte développer ces questions au cours des années à venir.