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Institut de coopération pour l'éducation des adultes

La loi visant à contrer les violences sexuelles aux cycles supérieurs: un bon outil selon plusieurs

Stop aux violences sexuelles
Mise à jour | 16 janvier 2018
Le fruit était mûr
Comme nous le mentionnions dans un article précédent – Se souvenir pour agir contre les violences faites aux étudiantes – plusieurs allégations de violence sexuelle dans les établissements d’enseignement supérieur ont été rendues publiques ces dernières années. La mise en lumière de ces événements ainsi que plusieurs autres mouvements – dont le dernier en liste #MoiAussi – ont certainement contribué à l’adoption du projet de loi 151.
 
Tel que rapporté dans un de nos articles portant sur le sujet – Contrer les violences sexuelles en enseignement supérieur – 37 % des étudiantes et étudiants ayant participé à une enquête en 2016 ont subi une forme ou une autre de violence sexuelle à l’université1. L’ampleur et la gravité de ce fléau en font un problème social qui appelle l’ensemble de la société à contribuer à la recherche de solutions. 
 
La ministre de l’Enseignement supérieur, Mme Hélène David, ainsi que toute la députation semble avoir pris ce problème au sérieux. Non seulement la loi a été adoptée à l’unanimité, mais en plus, la ministre a annoncé 2 millions de dollars supplémentaires dans les cégeps et universités2. Cet argent vise à ce que chaque établissement mettre sur pied des « services spécialisés de soutien psychosocial ou permette un accès à ces services à toute personne le fréquentant qui est aux prises avec une problématique liée aux violences à caractère sexuel »2.
 
Que dit la loi
La loi oblige chaque établissement d’enseignement supérieur – collège, université, et institutions spécialisées comme l’École du Barreau – à se doter d’une politique « pour prévenir et combattre les violences à caractère sexuel »3 avant le 1er janvier 2019. Le site Internet du ministère publiera la liste des établissements qui ont adopté une telle politique.
 
En outre, les établissements doivent adopter un code de conduite pour le personnel enseignant ou en position d’autorité.
 
La politique à adopter par les établissements doit comprendre quinze éléments définis dans la loi, notamment :
- des activités obligatoires de formation pour les étudiantes et étudiants, les personnes dirigeantes, les membres du personnel, les porte-parole des associations étudiantes et des syndicats
- des règles qui encadrent les activités sociales ou d’accueil
- les procédures pour les plaintes et les suivis
- les services aux personnes touchées
- la prise en compte des personnes plus à risque comme les « personnes issues des minorités sexuelles ou de genre, des communautés culturelles ou des communautés autochtones, les étudiants étrangers, ainsi que les personnes en situation de handicap »3.
 
Obligation et reddition de comptes
La politique adoptée par les établissements doit être distincte de toutes ses autres politiques. Si elle omet d’inclure l’un des quinze éléments prévus par la loi, la ministre peut les prescrire. 
 
L’élaboration, la révision et le suivi de la loi sont assurés par un comité permanent composé notamment d’étudiantes et étudiants, de membres de direction et de membres du personnel. 
 
Les établissements ont la responsabilité de faire connaître leur politique et de la rendre facilement accessible. Ils doivent rendre compte de leurs actions de façon assez détaillée dans un rapport annuel dont la méthodologie est déterminée par la ministre.
 
Enfin, un rapport de mise en œuvre de la loi au gouvernement est attendu au plus tard le 8 décembre 2022.
 
Des réactions qui semblent positives
L'adoption du projet de loi 151 semble avoir été bien accueillie par plusieurs actrices et acteurs du milieu. D’une part, lors du dépôt du projet de loi, la ministre David était entourée de la présidente du réseau des Universités du Québec, Johanne Jean, et des fondatrices du mouvement Québec contre les violences sexuelles, Mélanie Lemay et Ariane Litalien5.
 
Par ailleurs, selon l’Impact Campus, « Toutes les organisations rencontrées [par ce média] à l’Université Laval se disent « ravies » par le projet de loi de la ministre David »6. Il semble en être de même pour les établissements d’enseignement supérieur de l’est du Québec7
 
Aussi, l’encadrement des relations intimes entre étudiantes, étudiants et le corps enseignant semble généralement bien reçu. Selon Sandrine Ricci, l’une des chercheuses de l’étude précitée, le code de conduite balisant ces rapports permettra de contrer la résistance de certains professeurs et facilitera la tâche des responsables de ce dossier8
 
Enfin, les centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS) se montrent plutôt satisfaits, sauf en ce qui concerne un élément important. Le journaliste de l'Actualité rapport les propos d'Annie Girard, intervenante au CALACS Trêve pour elles: « Avec le projet de loi, les universités ne peuvent plus rester à ne rien faire. C’est une bonne nouvelle. Il manque quand même un petit quelque chose : des sanctions pour les agresseurs et davantage de transparence dans les enquêtes »9.
 
Les populations déjà marginalisées sont plus à risque
Outre les femmes qui sont plus susceptibles que les hommes de vivre une violence à caractère sexuel à l’université1, d’autres populations sont identifiées dans la loi comme étant plus à risque. 
 
On ne peut que saluer cet aspect de la loi qui demande aux établissements de porter une attention particulière à ces populations. Cet élément de la loi, comme plusieurs autres, s’appuie sur des données probantes issues de la recherche de Bergeron et coll. Nous ne pouvons que saluer ce geste de la part de la ministre David.
 
Cette étude montre encore une fois que le pouvoir sur les populations discriminées et marginalisées, dont font partie les femmes, se manifeste entre autres par des violences à caractère sexuel. Car il s’agit bien ici de rapport de pouvoir et non de rapports de séduction4
 
Des obstacles à l’éducation des femmes et des populations marginalisées
Il vaut la peine de redire que 47 % des personnes survivantes – comme elles se nomment elles-mêmes –  se sont dites affectées non seulement sur le plan physique, mental et personnel, mais aussi sur le plan de la réussite scolaire ou professionnelle. Aussi, « un peu plus de 10 % ont changé de parcours scolaire, sportif ou professionnel ou ont eu l’intention de le faire »1
 
Ainsi, les violences à caractère sexuel dans les universités – et on peut le supposer, dans les collèges également – enfreignent le parcours scolaire des femmes et de populations adultes discriminées. Les violences et le harcèlement à caractère sexuel doivent donc être pris au sérieux et faire partie des obstacles à lever. Jusqu’à tout dernièrement, on parlait très peu de cette contrainte. Le vent a maintenant tourné et c’est tant mieux.
La loi 151 est un bon pas dans la bonne direction. Reste à voir comment elle se concrétisera. Des initiatives ont également démarré avant cette loi. Il y a la campagne « Sans oui, c’est non » qui se déroule sur les campus depuis 2014. Tout prochainement, le Syndicat des étudiants et étudiantes employé-e-s de l’UQAM tiendra la première « Semaine féministe pour le respect ».
 
Le fait de reconnaître le problème et d’y chercher des solutions est donc un grand pas en avant. Cela dit, il reste à voir comment les collèges et universités concrétiseront les exigences de la loi. Certains d’entre eux trouvent déjà que les ressources financières ne sont pas suffisantes : « La ministre David a alloué 23 millions de dollars sur cinq ans pour aider les établissements d’enseignement supérieur à mettre en place des politiques de lutte contre le harcèlement et les agressions sexuelles, au mois d’août dernier. La Fédération [des cégeps] calcule que ça représente 20 000 $ par année par cégep. »9
 
Les efforts pour endiguer ce problème social d’importance doivent donc se poursuivre à long terme. Il ne faut pas s’arrêter aux actions actuelles. Il en va du mieux des survivantes et de l’ensemble de la population et aussi de la réussite éducative des adultes, notamment des femmes.
 
1. Bergeron, M., Hébert, M., Ricci, S., Goyer, M.-F., Duhamel, N., Kurtzman, L., Auclair, I., Clennett-Sirois, L., Daigneault, I., Damant, D., Demers, S., Dion, J., Lavoie, F., Paquette, G. Et S. Parent (2016). Violences sexuelles en milieu universitaire au Québec: Rapport de recherche de l’enquête ESSIMU. Montréal: Université du Québec à Montréal, p. 6, 32 et 37. En ligne : http://salledepresse.uqam.ca/fichier/document/PDF/Rapport_ESSIMU_FINAL.pdf (21-02-2017).
 
2. Ministre de l’éducation et de l’enseignement supérieur, Communiqués de presse
Adoption du projet de loi numéro 151 – Prévenir et combattre les violences à caractère sexuel dans les établissements d'enseignement supérieur, 8 décembre 2017. En ligne : http://www.education.gouv.qc.ca/salle-de-presse/communiques-de-presse/de...
 
3. Loi visant à prévenir et à combattre les violences à caractère sexuel dans les établissements d’enseignement supérieur, p.1.
 
4. Lanctôt, Aurélie, « Le désir », Le Devoir, 12 janvier 2018, p. A9.
 
5. Radio CKIA de Québec, Bulletin Québec réveille du 14 novembre 2017. En ligne : https://soundcloud.com/quebecreveille/bulletin-2017-11-14 
 
6. Durand, Frédérick, « loi 151 sur les violences sexuelles : réactions positives et réserves à l’ul », Impact Campus, 7 novembre 2017. En ligne : http://impactcampus.ca/actualites/loi-151-reactions-positives-lul/ 
 
7. Ici Radio-Canada Bas-Saint-Laurent, « Le projet de loi contre les violences sexuelles sur les campus », 2 novembre 2017, En ligne : http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1064994/projet-loi-151-violences-sex...
 
8. Porter, Isabelle et Marco Fortier, « Les relations prof-étudiant seront encadrées par le projet de loi 151 », Le Devoir, 2 novembre 2017. En ligne : http://www.ledevoir.com/politique/quebec/511835/universites-les-relation...
 
9. Fortier, Marco, « Violences sexuelles: briser la loi du silence. Le projet de loi 151 est un pas dans la bonne direction. Les victimes seront-elles entendues? ». Le Devoir, 4 novembre 2017.