Nous l’avons vu aux chapitres précédents, il est possible de miser sur les compétences génériques pour favoriser le développement du savoir-reconnaître d’une personne. En effet, les compétences génériques que nous avons développées dans nos différents milieux de vie et au fil de toutes nos expériences (rémunérées ou non) sont le lien le plus évident entre nos réalisations passées et nos projets d’avenir.
Ces réalisations passées nécessitaient la maîtrise de compétences génériques que nous sommes en mesure de mobiliser dans de nouveaux contextes. Cependant, pour établir un lien entre notre passé et notre avenir, il est nécessaire de prendre du recul par rapport à nos actions et nos choix, d’effectuer un retour sur les pratiques que nous avons mises en œuvre afin de comprendre comment nous sommes parvenus à réaliser différents projets, à obtenir des résultats.
Nous dirons qu’il faut alors faire preuve de réflexivité*. Dans L’alphabétisation en question, la réflexivité utilisée dans un contexte de formation est définie ainsi : « Capacité de réflexion sur soi et sur ses actions. Potentiel que le sujet développe et qui fait partie de son identité 29 ». Dans le cadre des ateliers NCF, la réflexivité se fonde sur des questions simples et précises qui se rapportent à nos actions, à nos motivations, à nos objectifs, aux compétences que nous avons mobilisées et aux résultats que nous avons obtenus (voir l’encadré 3 ci-contre).
Comme nous l’avons illustré au chapitre précédent, pour réaliser une action ou une tâche dans différentes situations, agir avec compétence c’est sélectionner, combiner et mobiliser différentes ressources : les nôtres (connaissances, savoir-faire, aptitudes, capacités, etc.) et celles de notre environnement (machines, outils, documents, banques de données, collaborateurs, réseaux d’experts, etc.) 30.
Notre succès dépend donc de notre capacité à reconnaître les combinaisons de ressources les plus utiles et les plus efficaces, celles qui nous permettront d’atteindre des résultats compa- rables dans différents contextes. Faire preuve de réflexivité, « c’est établir une distance entre soi et la situation, entre soi et ses pratiques, entre soi et ses ressources 31 », et ainsi se donner la chance d’agir davantage en connaissance de cause.
La réflexivité, soit le fait de prendre du recul par rapport à nos pratiques, nous permet non seulement d’identifier les compétences que l’on maîtrise, mais également d’en apprendre plus sur les circonstances où nous les avons mobilisées, et de bien mesurer les résultats que nous avons obtenus. En effet, pour transférer une compétence d’un milieu à un autre, il ne suffit pas de reproduire les actions que nous avons posées dans une autre situation, il faut aussi être capable de les expliquer, de les justifier.
Dans une nouvelle situation, la mobilisation effective d’une compétence (qu’elle soit ou non générique), commande une compréhension de ce qui a été accompli : il faut être capable de déconstruire ce qui a été fait dans un contexte donné pour pouvoir le reconstruire dans un nouveau contexte. Dans cette perspective, l’adoption d’une posture réflexive s’avère importante à l’égard de la transférabilité des compétences génériques.
Encourager les membres de votre groupe à faire preuve de réflexivité, à prendre du recul par rapport à leurs actions et à expliquer leurs choix, c’est donc contribuer à une meilleure compréhension de la manière dont ils utilisent leurs compétences génériques et ainsi accroître leur capacité à les transférer d’une situation à une autre.
Remarque : Ce chapitre aborde une notion qui n’était pas développée dans l’édition de 1995.
29. Desmarais, Danielle et autres (2003). L’alphabétisation en question, Recherche-action-formation menée par la Boîte à lettre de Longueuil, Les éditions Québécor, Montréal, p. 259.
30. Chapitre 7, voir le point 7.1 : Qu’est-ce qu’une compétence ?
31. Le Boterf, Guy (2010b). Repenser la compétence, Pour dépasser les idées reçues : 15 propositions, 2e édition, Éditions d’Organisation, Paris, p. 55.