Depuis un an, il ne se passe pas une journée sans que la question des violences sexuelles à l’égard des femmes ne fasse les manchettes. On pense au premier anniversaire du mouvement #MeToo souligné en octobre dernier. Dans le cadre d’un événement soulignant ce mouvement, les représentantes des quatre principaux partis politiques, alors en campagne électorale, avaient souligné l’importance d’agir sur cette question. Elles désiraient montrer l’importance de cette question en s’élevant au-dessus de toute partisanerie politique (Nadeau, 2018). Plus récemment, on a fait état d’un débat au sein de l’Université de Montréal autour de la composition du comité de discipline qui traite les plaintes et décide des sanctions vis-à-vis d’un professeur (Gerbet, novembre 2018).
Ce dernier cas nous intéresse tout particulièrement parce qu’il concerne des étudiantes, mais aussi des étudiants, adultes au niveau postsecondaire. Nous avons déjà traité de ce sujet sous différents angles dans trois articles publiés en ces pages (Brossard, 2017 et 2018). Nous rappelions, dans l’article du 7 décembre 2017, que ces violences sont tout particulièrement présentes sur les campus universitaires.
Par exemple, des situations graves avaient été rapportées à l’Université Laval. Aussi, l’impunité de professeurs avait été dénoncée par des étudiantes et étudiants à l’UQAM (Fortier, 2017). Enfin, certaines règles de confidentialité rendent mal à l’aise des acteurs et actrices du milieu. Ces personnes évoquent le cas d’un enseignant de cégep qui, sanctionné en 2010, a pris sa retraite avant de se voir appliquer d’autres sanctions en 2017. Or, cet enseignant pratique toujours à l’UQAM, comme chargé de cours (Gerbet, mars 2018).
Le problème des violences à caractère sexuel est à ce point sérieux qu’une enquête impliquant six universités du Québec a été réalisée en 2015 auprès de 9 284 personnes. La ministre de l’Enseignement supérieur et de la Condition féminine de l’époque, Madame Hélène David, a également fait adopter une Stratégie d’intervention pour prévenir et contrer les violences à caractère sexuel en enseignement supérieur et une Loi visant à prévenir et à combattre les violences à caractère sexuel dans les établissements d’enseignement supérieur, le projet de loi no. 151.
Cette loi oblige les établissements d’enseignement supérieur – collège, université, et institutions spécialisées comme l’École du Barreau – à se doter d’une politique « pour prévenir et combattre les violences à caractère sexuel ». Cette loi a été accompagnée d’une enveloppe de 2 millions de dollars.
Selon la loi 151, les établissements ont différentes obligations. Par exemple :
- Adopter d’ici le 1er janvier 2019 une telle politique et la mettre en application d’ici le 1er septembre 2019
- Transmettre une copie de leur politique au ministère de l’Éducation dès qu’elle sera adoptée ou révisée (à tous les cinq ans)
- Organiser des activités obligatoires de formation pour la communauté étudiante, le personnel dirigeant, les membres du personnel, les représentantes et représentants de leurs associations et syndicats respectifs et des associations étudiantes
- Ajuster, au besoin, les infrastructures pour rendre les lieux sécuritaires
- Établir des règles encadrant les activités sociales ou d’accueil
- Adopter des procédures pour le dépôt et le traitement des plaintes
- Des délais précis sont inscrits dans la loi. Par exemple, les établissements ont 90 jours pour traiter une plainte et 7 jours pour mettre en place des mesures d’accommodement « visant à protéger les personnes concernées et à limiter les impacts sur leurs études, le cas échéant » (article 3, alinéa 8).
Selon Le Devoir, en mars 2017, seulement cinq cégeps et trois universités possédaient une politique pour prévenir et contrer les violences à caractère sexuel5. En date d’aujourd’hui, aucun rapport ne dresse le portrait des institutions d’enseignement postsecondaire qui se sont dotées d’une telle politique. Par ailleurs, la direction des communications du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur nous a suggéré de faire une demande d’accès à l’information pour savoir combien d’établissements ont, à ce jour, adopté une telle politique. Nous reviendrons donc sur cette question après la date butoir où les institutions devront avoir adopté une telle politique, soit le 1er janvier 2019.
Nadeau, Jessica. « Unies pour soutenir les victimes de #MeToo », Le Devoir 15 octobre 2018.
Gerbet, Thomas, « L'Université de Montréal se déchire au sujet des violences sexuelles », Radio-Canada, Ici GrandMontréal, 12 novembre 2018. En ligne : https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1133595/udem-professeurs-etudiants-...
Brossard, Louise. 2018 (15 janvier). La loi visant à contrer les violences sexuelles aux cycles supérieurs: un bon outil selon plusieurs. En ligne : https://icea.qc.ca/site/fr/actualites/la-loi-visant-%C3%A0-contrer-les-v...
Brossard, Louise. 2017 (7 décembre). Se souvenir pour agir contre les violences envers les étudiantes. En ligne : https://icea.qc.ca/site/fr/actualites/se-souvenir-pour-agir-contre-les-v...
Brossard, Louise. 2017 (22 février). Contrer les violences sexuelles en enseignement supérieur. En ligne : https://icea.qc.ca/site/fr/actualites/contrer-les-violences-sexuelles-en...
Fortier, Marco, « Violences sexuelles: briser la loi du silence. Le projet de loi 151 est un pas dans la bonne direction. Les victimes seront-elles entendues? », 4 novembre 2017. En ligne : https://www.ledevoir.com/societe/512116/violences-sexuelles-briser-la-lo...
Gerbet, Thomas, « Harcèlement sexuel et omerta : le cas d'un professeur crée un malaise », Ici Radio-Canada, 23 mars 2018. En ligne : https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1090346/harcelement-sexuel-professe...