Les organisations privées d’éducation des adultes sont une famille d’acteurs dont on parle peu, tant en cette période de crise qu’en temps normal. La plupart du temps, le débat politique en éducation des adultes traite principalement des institutions publiques d’éducation, des services publics d’emplois et des organismes communautaires.
Pourtant, ces organisations privées forment un vaste secteur dont les contours sont difficiles à définir. Au-delà les plateformes privées de formation en ligne, dont nous traiterons ci-dessous, on compte parmi ces lieux d’éducation des adultes des centres de formation professionnelle et technique à but lucratif, des institutions d’enseignement autonomes de l’État et des formatrices et des formateurs autonomes qui offrent leur service aux entreprises. À ces types d’organisation, on peut ajouter les services aux entreprises des établissements publics d’enseignement, services qui sont soumis à une obligation d’autofinancement.
Au-delà ces acteurs offrant des services de formation liée à l’emploi, ce marché privé de la formation s’étend à un éventail de lieux commerciaux d’éducation. Mentionnons, par exemple, la programmation éducative des chaînes privées de télévision et de radio, des institutions culturelles privées offrant des activités éducatives et des centres d’apprentissage à but lucratif offrant des activités dans une gamme de domaines (ex. : croissance personnelle, santé, loisirs, culture, etc.).
Dans de récents articles, nous avons évoqué ce marché privé de la formation en ligne, ainsi que le recours à la formation en ligne par les collèges, les universités et des organismes communautaires, comme solution de rechange à l’interruption des services éducatifs en présentiel. Depuis quelques années, nous documentons ces plateformes privées de formation en ligne qui constituent définitivement un nouvel acteur de l’offre d’éducation des adultes.
Dans le présent article, nous faisons état de la présence des plateformes commerciales dans les initiatives de formation en ligne mises de l’avant pour pallier la fermeture des lieux d’éducation et d’apprentissage en présentiel.
Certaines de ces plateformes commerciales sont connues et font partie des pratiques d’apprentissage de plusieurs personnes (ex. : Youtube, LinkedIn Learning). D’autres sont moins connues (ex. : Coursera, Udacity, Degreed, Udemy).
Depuis le début de la pandémie, certaines de ces plateformes ont publicisé leurs services. Par exemple, les plateformes Coursera, LinkedIn Learning et Khan Academy offrent des cours en ligne gratuits. De son côté, l’entreprise Udacity rend disponible de l’aide financière pour les personnes qui souhaiteraient se recycler, après avoir été mis au chômage, elle offre des rabais sur ses formations et elle rappelle que celles-ci donnent lieu à des crédits reconnaissant les acquis.
Au Québec, plusieurs établissements d’enseignement et des organisations en éducation des adultes, incluant le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, ont rendu disponibles des répertoires de ressources éducatives en ligne. Dans les ressources listées dans son volet sur la Formation générale des adultes, la plateforme ministérielle l’École ouverte réfère à des chaînes éducatives sur Youtube et à des agrégations de ressources sur des pages administrées par Google. Pour sa part, le volet sur la Formation professionnelle réfère au centre de formation de Microsoft 365 et à d’autres entreprises de formation sur les technologies (ex. : Xyoos) ainsi qu’à des plateformes privées d’éducation en ligne (ex. : Openclassrooms).
La Banque mondiale et l’UNESCO ont compilé des stratégies employées par les États en matière de technologie éducative, dans le contexte de la Covid-19. Le renvoi à des chaînes de contenus éducatifs sur la plateforme Youtube, de même que l’utilisation des applications de Microsoft et des médias sociaux sont des leviers utilisés pour diffuser des contenus éducatifs. Certains États misent sur des systèmes de gestion des apprentissages (Learning management system) ou mobilisent des chaînes de télévision et de radio pour la diffusion de contenus éducatifs. Par ailleurs, à l’échelle internationale, l’UNESCO a établi des partenariats avec Google et Facebook.
En marge du recours à des plateformes de formation en ligne du secteur privé, plusieurs organisations misent sur des applications commerciales de travail collaboratif (ex. : Microsoft TEAM, Google Classroom) et de vidéoconférence (ex. : Zoom, Google Hangout, WebEx) pour diffuser leur formation ou en coordonner la conception par leur équipe de professionnels. Ces outils étaient utilisés avant la présente crise qui, cependant, suscite la généralisation de leur emploi. En outre, au Québec et ailleurs, des fournisseurs d’Internet déplafonnent le seuil de téléchargement des forfaits ou offrent l’accès gratuit à leur bande passante à des initiatives de l’État.
Peut-être que plusieurs d’entre nous étaient déjà des utilisateurs de certaines de ces plateformes privées d’éducation avant le confinement. Toutefois, plusieurs autres les découvrent et leur intégration dans nos pratiques quotidiennes d’apprentissage sera fort probablement renforcée. Il est donc possible qu’au sortir de cette période d’exception le marché privé de l’éducation des adultes et le secteur public soient inextricablement liés au sein des pratiques des lieux d’éducation et des personnes en apprentissage.
Dans nos analyses des lieux en émergence d’éducation des adultes, nous avons mis en évidence que l’autoformation en ligne était une tendance lourde façonnant l’éducation des adultes, notamment, en raison de la généralisation de l’usage des technologies numériques. Nous vivons une situation qui donne un élan à cette tendance dont plusieurs acteurs sont issus du marché privé de l’éducation des adultes.